Conséquences des accidents nucléaires majeurs sur la faune et la flore sauvages : les estimations dosimétriques demeurent un point faible pour établir des conclusions robustes
Suite aux accidents nucléaires de Tchernobyl (Ukraine) en 1986 et de Fukushima (Japon) en 2011, une centaine d’études a été publiée sur le thème des conséquences de l’exposition chronique aux rayonnements ionisants sur la santé de la faune et la flore sauvages peuplant les écosystèmes impactés par les rejets radioactifs dans les environs des deux centrales nucléaires.
Si les effets immédiats d’une exposition aiguë aux rayonnements ionisants sont connus et incontestés, les conclusions sont souvent contradictoires pour ce qui concerne l’exposition dans la durée à des doses plus faibles. Certaines études rapportent ainsi des effets délétères importants chez les espèces étudiées quand d’autres ne constatent aucun effet, voire même des effets bénéfiques.
A quelques exceptions près, ces études ont un point commun : les estimations des doses (ou des débits de dose) absorbées par les organismes étudiés sont soit absentes, soit parcellaires. Dans ce dernier cas, les doses sont estimées par la simple mesure de l’intensité du rayonnement ionisant ambiant réalisée à l’aide d’un radiamètre portatif.
Le débit de dose externe ambiant, un indicateur incomplet
Le débit de dose externe ambiant mesure l’irradiation externe d’un organisme à un instant donné et à l’endroit où est réalisée la mesure. Or, l’irradiation peut aussi se faire par voie interne, suite à une incorporation de radionucléides dans l’organisme par divers processus (respiration, nutrition, absorption dermique, transfert materno-fœtal…).
Pour des espèces différentes, le débit de dose total (externe et interne) varie en fonction des caractéristiques de l’espèce, de ses spécificités métaboliques - notamment l’efficacité d’assimilation du radionucléide -, de son cycle et de son mode de vie. Même pour une espèce donnée, la contribution des deux voies d’irradiation (externe et interne) fluctue également au fil du temps, selon le stade de vie.
Enfin, en fonction du radionucléide et de son émission principale « alpha », « bêta » ou « gamma », la contribution de l’irradiation externe face à l’irradiation interne peut devenir négligeable. Ainsi, substituer le débit de dose total absorbé par l’organisme par le débit de dose ambiant introduit un biais dans le cas des radionucléides ayant par exemple, une composante principale d’émission « bêta » tel le césium 137.
Une estimation dosimétrique d’autant plus incertaine que l’aire de vie d’une espèce est grande
Sur un même territoire contaminé, les dépôts radioactifs sont hétérogènes en qualité et en quantité. Ce constat de « tâches de léopard » établi à Tchernobyl et à Fukushima fait peser une incertitude sur la dose ou le débit de dose absorbée par les espèces sauvages qui ont une aire de vie importante. Ceci est particulièrement vrai pour les espèces migratrices.
Des problèmes de méthodes
Dans la plupart des études, les méthodes d’analyse des données présentent souvent un défaut de puissance statistique, en l’occurrence une difficulté à détecter une différence (si elle existe) entre le groupe des individus ou espèces exposées et le groupe non-exposé (ou témoin) qui sert à établir des comparaisons. En outre, un même effet biologique n’a pas les mêmes conséquences démographiques sur la population, d’une espèce à l’autre.
Enfin, les exigences méthodologiques contraignantes propres aux études in situ ne sont pas toujours respectées. Par exemple, la stratégie d’échantillonnage devrait être conçue pour permettre d’analyser l’influence de facteurs divers comme les effets saisonniers, la durée de l’échantillonnage, les relations de compétition entre espèces, l’immigration/émigration des individus de la même espèce, l’exposition à d’autres stresseurs (métaux, substances organiques, manque de nourriture, conditions climatiques extrême, etc.).
Télécharger la note d’information de l’IRSN du 28 octobre 2014