La plateforme d'irradiation MICADO LAB
MICADO LAB (Moyen d'irradiation chronique pour l'acquisition de relations dose-effet en laboratoire) est une plateforme d’irradiation externe gamma dédiée à l’étude des effets d’une exposition chronique aux rayonnements ionisants sur les écosystèmes.
Contexte
La radioprotection de l’environnement a été intégrée dans les nouvelles normes de base en radioprotection internationale (AIEA, 2014) et européenne (Conseil de l’Union Européenne, 2014). Il s’agit, dans le cadre d’une évaluation d’impact ou dans le cadre de la surveillance, de protéger les écosystèmes et les niveaux d’organisation inférieurs (population, espèce) face à une exposition aux substances radioactives. Pour cela, il faut disposer de critères d’effet réalistes afin de limiter les incertitudes liées à l’évaluation du risque écologique.
Il est donc nécessaire d’améliorer les connaissances fondamentales sur les effets des rayonnements ionisants sur le vivant, conformément à l’agenda stratégique de recherche en radioécologie (Scientific challenge 2 : To Determine Ecological Consequences under Realistic Exposure Conditions) et à l’état de l’art récemment publié par l’IRSN sur le sujet de la radioprotection de l’environnement (IRSN, 2016).
Toutefois, les études dans ce domaine se heurtent à des obstacles théoriques et méthodologiques, liés en particulier à la différence de sensibilité entre les espèces ou encore aux conditions d’exposition des organismes (débits de dose et durée).
L’installation MICADO LAB a été conçue afin de permettre l’irradiation chronique de divers modèles biologiques représentatifs des espèces présentes dans les écosystèmes, à des débits de dose allant du bruit de fond radiologique jusqu’à 100 mGy/h.
Photo : Le hall d'expérimentation vu du haut de la plateforme d'irradiation © Francesco Acerbis/IRSN
Description de la plateforme
L'iridiateur
La plateforme MICADO LAB est implantée sur le site de Cadarache. Elle est composée d’un hall d’irradiation climatisé de 4 m de large sur 35 m de long et 5 m de hauteur, qui permet d’accueillir des dispositifs expérimentaux adaptés à différents modèles biologiques (cultures cellulaires, plantes et animaux). Quatre sources de 137Cs permettent d’irradier les organismes sur une gamme de débits de dose comprise entre 5 µGy/h et 100 mGy/h.
La durée de l’irradiation, comprise entre quelques heures et plusieurs semaines, permet d’envisager des expositions chroniques sur une ou plusieurs générations.
MICADO LAB est associé à un laboratoire de biologie cellulaire et à une plateforme analytique composée de laboratoires de physiologie, de biologie cellulaire et moléculaire, de biochimie, de microscopie, essentiels pour caractériser les effets radio-induits à différentes échelles biologiques.
Photo : représentation schématique des débits de dose d’irradiation dans MICADO LAB (estimation à partir du code MCNP). Haut débit de dose (rouge > 100 mGy/h), débit de dose modéré (vert de 1 à 10 mGy/h), faible débit de dose (bleu < 0,1 mGy/h)
L'animalerie
L'installation est associée à une animalerie « poisson » et à des élevages d'invertébrés. Les espèces utilisées en routine au Laboratoire d'écotoxicologie des radionucléides (Leco) sont le poisson-zèbre (Danio rerio), le nématode Caenorhabditis elegans et la daphnie Daphnia magna.
Les deux premières espèces sont des modèles animaux utilisés classiquement en génétique, toxicologie et/ou biologie évolutive. Leurs génomes sont entièrement séquencés et de nombreux outils de génie génétique sont disponibles ; parallèlement, leur physiologie et leur biologie sont parfaitement caractérisées.
Le micro-crustacé Daphnia magna est un bio-indicateur environnemental ubiquiste en eaux douces et couramment utilisé en écotoxicologie.
Photo : au premier plan, les aquariums posés sur des racks pour être exposés à l'irradiation ; au second plan Nicolas Dubourg, responsable technique de l'installation, sur la plateforme d'irradiation © Francesco Acerbis/IRSN
Micado Lab
Comparaison de Micado Lab avec quelques installations en Europe
MICADO LAB offre des conditions d'exposition uniques et complémentaires à celles proposées par les autres dispositifs européens, en particulier en termes d'énergie des rayonnements et de gamme de débits de dose applicables.
Elle permet notamment d'utiliser des débits de dose inférieurs à la valeur de référence pour la protection des écosystèmes. Elle complète également l'installation MIRE de l'IRSN, qui correspond à des incubateurs pouvant accueillir seulement des organismes de petite taille (daphnies, nématodes) ou des cultures cellulaires.
Les axes de recherches
Quatre axes principaux de recherche sont développés à l’aide de l’installation MICADO LAB ; ils seront complétés par des travaux en collaboration au sein de projets européens.
Axe 1 : évaluation des effets des rayonnements ionisants de la biomolécule à l'individu
Les études de l'axe 1 visent à caractériser des biomarqueurs pertinents permettant de prédire les effets sur les fonctions biologiques majeures pour le maintien de la dynamique des populations (liens protéines / reproduction et survie dans le cas du projet ISATIS, liens génome et épigénome / développement embryonnaire (projet EpiTox), reproduction (projet ReproTox) et neurogénèse (projet MENINGES).
Axe 2 : impact transgénérationnel et mécanismes d'adaptation
Il s'agit d'identifier les mécanismes qui gouvernent les effets transgénérationnels (héritabilité, adaptation), enjeu majeur pour les écosystèmes soumis de façon chronique aux rayonnements ionisants. Le rôle joué par les mutations et les changements épigénétiques est étudié chez un organisme ayant une reproduction clonale (projet EpiDaph chez la daphnie) ou chez un hermaphrodite (projet 3E-Gen chez le nématode C. elegans), avec des périodes d'exposition allant respectivement de 4 à plus de 30 générations (projet REPERE).
Axe 3 : radiosensibilité des espèces et variabilité interspécifique
Il vise à mieux cerner les mécanismes clés gouvernant la radiosensibilité des espèces, cet aspect étant l’un des piliers de la démarche de protection des écosystèmes, par essence holistique. L’approche considérée se base sur la prise en compte du métabolisme des espèces (projet EMERIC).
Axe 4 : effets des rayonnements ionisants sur les fonctions écosystémiques
Il s’agit d’étudier le maintien de la structure et de la fonction des écosystèmes, selon une approche intégratrice étudiant les processus de dégradation de la matière organique (projet IDILIC).
Photo : Olivier Simon, ingénieur-chercheur au Laboratoire d'écotoxicologie des radionucléides (Leco) de l'IRSN et Thomas Munch prélèvent et transfèrent pour observation des larves de poisson-zèbre © Francesco Acerbis/IRSN
Caractéristiques techniques
- Sources d'irradiation : césium 137
- Activité totale : 444 GBq
- Débits de dose possibles : de 5 µGy/h à 100 mGy/h.
- Durée d'irradiation possible : de quelques heures à plusieurs mois
- Hall d'expérimentation : l 4 m x L 35 m x h 5m, climatisé
- Éclairage et températures contrôlés en fonction des écosystèmes étudiésAnimalerie « poisson » et élevages d'invertébrés
- Espèces utilisées en routine : le poisson Danio rerio, le nématode Caenorhabditis elegans et la daphnie Daphnia magna
Contact
François Paquet, chef du Service de recherche sur les transferts et les effets des radionucléides sur les écosystème (SRTE)