Savoir et comprendre
Résumé
Impact environnemental en 2016 de l’accident de Fukushima Daiichi
23/03/2016
Cinq ans après l’accident, les concentrations en radionucléides sont stables dans le milieu marin proche de la centrale. Des traces sont également visibles dans l’air. Toutefois, les activités mesurées dans les denrées alimentaires diminuent.
Concentrations en radionucléides dans l’air
En 2015, les résultats de mesure relatifs au suivi des radionucléides présents dans l’air montrent que des traces sont toujours perceptibles dans l’air cinq ans après l’accident.
Ainsi, à Tsushima , au sein de la zone évacuée, les mesures montrent que les concentrations sont nettement plus élevées qu’à Tsukuba, une commune agricole située à 170 km de la centrale.
Les principaux moteurs de cette rémanence atmosphérique sont la mise en suspension par érosion éolienne de particules issues des sols et des cendres provenant de feux de biomasse plus ou moins contaminée au moment de l’accident. Ces particules et ces cendres peuvent être transportées par le vent vers des territoires où les dépôts ont été moindres et entrainent alors une augmentation passagère des concentrations dans l’air.
Dépôts radioactifs dans l’environnement
Le devenir du césium 134 et du césium 137 déposées sur les territoires, et les débits de dose dans l’air qui en résultent, sont des éléments déterminants pour guider les stratégies de retour des habitants dans les zones évacuées et les actions de décontamination.
L’évolution de la situation radiologique a été caractérisée au travers de multiples campagnes de mesures du débit de dose dans l’air. Quel que soit le dispositif utilisé, le débit de dose dans l’air a diminué en moyenne d’un facteur 2 à 3 entre mi-2011 et fin 2013 dans les 80 km autour de l’installation de Fukushima.
Cartographies des débits de doses dans l’air extérieur à 1 m du sol (µSv/h) établies à partir de mesures aéroportées.
Cette diminution a été assez soutenue durant les deux premières années après l’accident et s’est opérée à un rythme plus rapide que celui attendu par décroissance radioactive du césium 134 (période de 2 ans) et du césium-137 (30 ans). Cette décroissance s’est ensuite ralentie depuis 2013, en se conformant peu ou prou à l’évolution théorique attendue.
Évolution des débits de dose mesurés par l’ensemble des dispositifs déployés et évolution attendue dans un rayon de 80 km autour de la centrale.
De multiples mécanismes d’origine naturelle ou anthropique ont été évoqués pour expliquer cette décroissance, tels que l’effet du lessivage par les pluies, la migration dans le sol, l’effet des labours et actions de décontamination. La contribution de ces processus est très certainement significative en milieux urbains et agricoles.
Néanmoins, aucun de ces mécanismes ne permet d’expliquer la décroissance des débits de dose à l’aplomb des surfaces forestières. Une étude de l’IRSN a permis de démontrer que la décontamination progressive des canopées de conifères pouvait sensiblement modifier le signal mesuré en altitude, en raison notamment de l’effet d’écran exercé par la végétation sur les rayonnements émis au niveau du sol.
Contamination des denrées alimentaires japonaises
L’une des voies d’atteinte radiologique de l’homme est l’ingestion de denrées contaminées. Depuis l’accident, le ministère de la Santé et du travail japonais publie régulièrement sur son site Internet les résultats de mesure de radionucléides des denrées alimentaires produites au Japon.
Entre mars 2015 et février 2016, plus de 270 000 échantillons ont été analysés sur l’ensemble du territoire japonais. Ces analyses concernent principalement les denrées issues des productions animales (86 % des échantillons), agricoles (10 %), laitières (1 %), de la viande de gibiers (0,2%) et d’autres denrées (3%).
Sur cette période, les activités mesurées dans ces denrées diminuent. Ceci peut s’expliquer par la décroissance radioactive des radionucléides, différents processus naturels (migration du césium dans les sols) ainsi qu’à différentes actions anthropiques (décontamination des sols, utilisation d’engrais potassiques diminuant le transfert des radiocésiums, changement ou arrêt de cultures).
Ainsi, moins de 0,1 % des échantillons testés dépassent les Normes Maximales Admissibles (NMA) fixée à 100 Bq/kg frais pour la commercialisation des denrées. En 2015, à de rares exceptions près, les denrées supérieures aux NMA ne concernent plus que :
- les denrées sauvages (gibiers, champignons saisonniers) ou cultivées en milieu naturel (champignons shiitakes) ;
- les denrées issues de végétaux qui avaient des feuilles en mars 2011 au moment des retombées radioactives (pousses de bambou, feuilles de thé, pousses d’aralia, de koshiabura, crosses de fougères…).
L’accident de Tchernobyl a déjà montré que les produits forestiers comme les champignons et le gibier peuvent atteindre des niveaux de contamination élevés qui ne diminuent que lentement au fil des années. Fukushima a confirmé cette particularité en l’étendant aux pousses de végétaux consommées au Japon et aux champignons cultivés, les shiitakes.
Enfin, malgré la baisse notable des activités mesurées dans les productions agricoles de la préfecture de Fukushima et le faible pourcentage de résultats de mesures dépassant les NMA, la filière agricole enregistre une forte diminution de la demande entrainant une surproduction et une diminution des cours. La baisse de revenus des agriculteurs a entraîné la cessation d’activité pour 20 000 d’entre eux. Seuls quelques produits bénéficiant d’une forte image de marque ont retrouvé des prix de ventes équivalents voir supérieurs à 2010.
Télécharger la note Contamination des denrées japonaises après l’accident de Fukushima (PDF)
Contamination du milieu marin
L’évolution en 2015 de la contamination du milieu marin côtier autour de la centrale de Fukushima se caractérise par une relative stabilité des concentrations en radionucléides. Dans le détail, on observe une absence de diminution décelable de l’activité en césium 137 dans les sédiments et une très lente diminution de la contamination de l’eau de mer.
Ces phénomène sont entretenus par de probables rejets des installations en mer en raison des fuites existant sur les réacteurs toujours refroidis, des apports permanents provenant du lessivage et drainage des sols, ainsi que la remise en suspension de particules sédimentaires et la possible désorption des radiocésiums associés.
Évolution des activités dans l’eau de mer par rapport à la distance à la centrale de 0 à 2 km, de 2 à 30 km, de 30 à 100 km (bleu foncé) et de 100 à 200 km (bleu moyen, bleu clair).
Évolution des activités en césium 137 dans les sédiments jusqu’à 280 km de la côte.
Dans les 30 km autour de la centrale, la contamination de l’eau de mer est maintenue par l’effet de trois catégories d’apports qu’il est cependant difficile de quantifier :
- les rejets probables des installations (fuites sur les réacteurs endommagés, écoulement de l’eau injectée pour refroidir les réacteurs dont les enceintes ne sont plus étanches, et drainage des sols du site fortement contaminés) ;
- le lessivage et drainage des bassins versants dont les sols sont contaminés suite aux dépôts radioactifs. Ce processus est particulièrement visible lors des typhons ;
- la remise en suspension de particules sédimentaires.
Au-delà de 200 km de la centrale, les concentrations en césiums radiaoctifs sont retombées à des niveaux proches de ceux observés avant l'accident.
Cinq ans après l’accident, les niveaux de radioactivité dans les sédiments de surface évoluent peu entre l’environnement immédiat de la centrale jusqu’à 80 km de distance. Ils sont également constants depuis 2012. Au-delà, entre 80 et 280 km, les activités sont plus faibles.
Ce sont très logiquement les organismes vivant à proximité des fonds côtiers qui présentent les activités les plus élevées et une décroissance de l’activité la plus lente.
En dehors de la préfecture de Fukushima, les niveaux en césiums radioactifs mesurés dans les denrées marines ne dépassent plus, depuis fin 2014, la limite de commercialisation fixée par les autorités sanitaires japonaises (100 Bq/kg). Dans la préfecture de Fukushima, cette limite est encore parfois dépassée.
Évolution des concentrations en radiocésiums de différentes espèces de poissons démersaux (se nourrissant sur le fond)
Résultats des stratégies de décontamination et gestion des déchets
Différentes actions pour réduire le débit de dose dans l’air ont été menées en zone non évacuées et se poursuivent en zone évacuée là où se prépare le retour des populations. Elles consistent à retirer une partie du césium fixé en retirant les premiers centimètres de terre, en coupant une partie de la végétation ou en nettoyant et décapant les surfaces artificielles.
À la fin 2015, dans la « zone de décontamination spéciale » (territoires contaminés et évacués), les opérations sont achevées dans 6 municipalités sur 11. Pour les cinq autres municipalités, les actions de décontamination devraient être terminées à la fin 2016. Par exemple, à Tamura, l’ambiance radiologique dans les zones résidentielles a diminué de 28 % à 56 % à l’issue des travaux.
Délimitation des zone de décontamination spéciale (contaminée et évacuée) et zone d'évaluation intensive de la contamination (contaminée et non-évacuée)
Néanmoins les travaux mis en œuvre ont permis de soulever des questions concernant :
- la multiplication des entreposages ou l’utilisation d’installations conventionnelles pour le traitement des déchets, en particulier dans les zones habitées ;
- les retards pris dans la réalisation des actions de décontamination et les créations d’installations dédiées au traitement ou à la gestion des déchets sont dépassés.
Afin de limiter les retards, l’état japonais semble procéder de manière différente selon les préfectures :
- Pour la préfecture de Fukushima, l’état japonais a décidé, en 2015, l’installation d’entreposage de très grande capacité (Interim storage facility, ISF) à Futaba et Okuma. Bien que l’ISF (cf. schéma ci-contre) ne soit pas encore construite, des déchets ont déjà été transférés dans le cadre d’une phase pilote d’une durée d’un an. Le volume concerné en phase pilote (43 000 m3 de déchets) reste limité en regard des 20 millions de tonnes qui seront entreposés dans l’ISF.
- Dans les autres préfectures, les emplacements des installations de stockage ne sont pas encore définis. Ces préfectures se heurtent à l’opposition de la population concernant la création d’installations amenées à recevoir plusieurs milliers de tonnes de déchets présentant une activité massique d’au moins 8 000 Bq/kg en césium.
- Selon la presse japonaise, le gouvernement a autorisé la préfecture d’Ibaraki à poursuivre l’entreposage de ces déchets sur des sites dispersés, contrairement à ce que préconise la loi. Et il envisage d’autoriser d’autres préfectures à en faire de même. Si tel est le cas, les questions relatives à la sûreté à moyen terme et à la surveillance devront être traitées.
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