Ukraine : Dispositions prévues en cas de perte totale des alimentations électriques externes de la centrale de Zaporizhzhya
Les six réacteurs de la centrale électronucléaire de Zaporizhzhya sont des réacteurs de conception russe de type VVER 1000. Sur la base des informations disponibles auprès de l’AIEA, l’état des réacteurs est le suivant :
- les réacteurs 2 et 4 fonctionnent ;
- le réacteur 1 est à l’arrêt pour maintenance depuis le 27 février 2022 ;
- le réacteur 3 est en arrêt à froid [1] depuis le 4 mars 2022 ;
- les réacteurs 5 et 6 sont en arrêt à froid depuis le 25 février 2022.
Les cœurs des réacteurs en arrêt à froid n’ont pas été déchargés.
La centrale est actuellement connectée au réseau électrique ukrainien par deux des quatre lignes de 750 kV prévues. En effet deux lignes sont actuellement indisponibles à la suite des combats ; une troisième a été temporairement indisponible mais réparée le 18 mars 2022 dans la soirée. La centrale est également reliée au réseau ukrainien de 330 kV, sur lequel sont connectées, à proximité, la centrale thermique de Zaporizhzhya et les centrales hydroélectriques de Dnipro et Kakhovka. Cette ligne de 330 kV est actuellement disponible.
La centrale électronucléaire de Zaporizhzhya fournit de l’électricité au réseau électrique ukrainien mais lorsque ses réacteurs sont à l’arrêt, le réseau électrique ukrainien lui fournit l’alimentation électrique nécessaire à ses systèmes de surveillance et de sauvegarde. La disponibilité de ces alimentations électriques externes présente donc un enjeu important pour assurer la sûreté des réacteurs.
Moyens de gestion d’une perte totale des alimentations électriques externes
En cas de perte totale du réseau électrique externe (750 kV et 330 kV), les réacteurs en fonctionnement pourraient continuer à produire l’électricité nécessaire aux six réacteurs de la centrale de Zaporizhzhya, sous réserve qu’un réacteur au moins réussisse un « transitoire d’ilotage » [2].
En cas d’échec de l’ilotage de tous les réacteurs du site, chaque réacteur dispose de trois groupes électrogènes de secours (6,6 kV). En effet, chaque réacteur dispose de trois trains de systèmes de sauvegarde, indépendants, un seul train étant suffisant pour stabiliser le réacteur. Ainsi, un seul groupe électrogène est suffisant pour maintenir le réacteur dans un état sûr. La redondance des groupes électrogènes apporte une certaine garantie sur la stabilisation des réacteurs. En outre, deux groupes électrogènes, protégés contre les agressions et les actes de malveillance (bunkerisés), sont également présents sur le site.
Chaque diesel dispose d’un réservoir de carburant lui procurant une autonomie estimée à une semaine par l’exploitant du site. Au-delà, les réservoirs de carburant devront être réalimentés.
Cette situation favorable ne doit pas occulter les risques de défaillance intrinsèque de certains groupes électrogènes dont le fonctionnement long terme dépasserait vraisemblablement le cadre de leurs tests périodiques (sans doute quelques heures) et pourrait générer des problèmes non connus de l’exploitant.
La défaillance de plusieurs groupes électrogènes de secours ne pourrait donc pas être exclue avant épuisement des réserves de carburant. Pour éviter cette situation, la restauration d’une alimentation électrique externe (330 kV ou 750 kV) serait activement recherchée par les équipes du site.
A la suite des tests de résistance européens (stress tests) réalisés après l’accident de la centrale de Fukushima Daiichi, chaque réacteur possède également des équipements mobiles pour gérer la défaillance totale des alimentations électriques internes et externes, notamment :
- une pompe thermique mobile autonome (camion) assurant une alimentation en eau des générateurs de vapeur qui sont capables de refroidir le cœur du réacteur, à partir de réserves d’eau multiples ;
- une pompe thermique mobile autonome (camion) assurant une injection d’eau dans la piscine d’entreposage des assemblages de combustible pour compenser les pertes d’eau par ébullition, à partir de réserves d’eau multiples ;
- un groupe électrogène mobile (camion) permettant l’alimentation électrique de certains équipements : instrumentation, contrôle-commande, pompes d’injection d’eau borée à haute pression dans le circuit primaire, pompes du circuit de refroidissement de la piscine de désactivation du combustible, système d’air comprimé, conditionnement thermique de la salle de commande, organes de contrôle de la pression des circuits primaire et secondaire.
Ces équipements ont une autonomie en carburant de trois jours. Cette autonomie s’ajoute à l’autonomie de sept jours apportée par les équipements fixes. Les équipes du site ont été entrainées à la mise en œuvre de ces moyens mobiles.
Conclusion
Sur la base des informations disponibles à l’IRSN, les moyens prévus sur la centrale de Zaporizhzhya permettraient aux équipes du site, en cas d’échec du transitoire d’ilotage, de faire face à une situation de perte totale des alimentations électriques externes pour une durée d’au moins 10 jours. Cette conclusion est sous réserve de la fiabilité des équipements mis en œuvre, de leur approvisionnement initial en carburant, de la disponibilité des équipes et de l’absence d’autres facteurs qui pourraient aggraver la situation.
Télécharger la note d'information du 22 mars 2022
Notes:
1- Les réacteurs 3, 5 et 6 pourraient être redémarrés si le réseau électrique ukrainien avait besoin de plus de puissance. La consommation électrique en Ukraine est actuellement réduite du fait du conflit en cours.
2- Après le transitoire d’ilotage, l’alimentation électrique d’un réacteur est assurée directement par son alternateur principal et non plus par le réseau électrique externe.
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