Expertise de l’IRSN en matière de rejets hospitaliers de médecine nucléaire

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09/10/2009

 

L’IRSN participera le 12 octobre 2009 à une réunion de travail qui se tiendra à Toulouse (Haute-Garonne) avec des représentants des DDASS, de la CRIIRAD, des hôpitaux de Toulouse et de Véolia. Cette réunion, organisée par les élus du Grand Toulouse, fait suite à la publication le 9 septembre dans « La Dépêche du Midi » de résultats de mesures d’iode 131 réalisées par la CRIIRAD dans la Garonne. L’Institut apportera son expertise acquise depuis plusieurs années au sujet de la surveillance radiologique des rejets hospitaliers.

 

Cette perspective donne l’occasion à l’IRSN de faire le point sur les connaissances qu’il a acquises à ce jour au sujet de la radioactivité d’origine médicale dans les cours d’eau en aval des grandes agglomérations. L’IRSN a en effet mené depuis plusieurs années des études et expertises sur les rejets de radionucléides utilisés en médecine nucléaire et sur leur impact sur l’environnement.

 

Rappels sur la médecine nucléaire, les radionucléides utilisés et leur mode d’élimination

 

La médecine nucléaire regroupe l'ensemble des applications médicales mettant en œuvre des substances radioactives à des fins de diagnostic ou thérapeutiques,  qualifiées dans ce cas de « produits radiopharmaceutiques ».

 

La vocation des services de médecine nucléaire est de déceler et de soigner des affections tumorales en utilisant les propriétés spécifiques de substances radioactives ou des rayonnements ionisants. Dans ces services, deux grandes pratiques mettent en œuvre des produits radiopharmaceutiques :

  • le diagnostic fonctionnel : l'objectif est l'exploration fonctionnelle de certains organes par imagerie (le radionucléide majoritairement mis en œuvre est le technétium 99 métastable - l’iode 131 n’est plus utilisé) ;
  • la radiothérapie métabolique : l'objectif est la destruction ciblée, par irradiation, de tissus pathologiques (l'iode 131 est le radionucléide le plus largement utilisé [1].

Ces deux radionucléides à courtes demi-vies (6 heures pour le technétium 99 métastable et 8 jours pour l’iode 131) fournissent à eux seuls près de 99% de la radioactivité utilisée par les services de médecine nucléaire.

 

Les produits radiopharmaceutiques sont considérés comme des médicaments et sont soumis, de ce fait, aux mêmes contraintes administratives que tout autre médicament. Leur caractère radioactif les soumet, en plus, aux différentes réglementations relatives à la radioprotection des patients, des travailleurs exposés et du public.

 

De la réception à l'élimination des produits radioactifs au sein des services de médecine nucléaire, en passant par la préparation ou encore l'administration des produits, des déchets et des effluents sont produits.

 

Les déchets sous forme solide des services de médecine nucléaire, sont placés dans des conditionnements adaptés, conformes à la réglementation, puis sont traités dans des installations extérieures autorisées à cet effet.

 

Les effluents liquides sont quant à eux normalement rejetés dans l’environnement de l’établissement hospitalier en respectant des règles de gestion imposées par la réglementation. Ces effluents sont de deux natures :

  • ceux en provenance des lavabos ou des bondes d'évacuation : leur maîtrise est simple puisqu'ils peuvent être stockés et confinés par le réseau de canalisations de l’hôpital ;
  • les urines et les selles des patients traités, qui peuvent présenter une activité significative durant quelques jours. La réglementation impose le stockage systématique temporaire des urines en provenance des chambres réservées aux patients subissant une radiothérapie à l'iode 131. Les selles, non stockées à l'hôpital en raison de leur potentiel d'induction de maladies nosocomiales, rejoignent le réseau d'assainissement plus rapidement. L’iode 131 ainsi introduit dans l’environnement peut être détecté dans les stations d’épuration et les cours d’eau.

Les stations d’épuration ne disposent pas de procédés spécifiques pour le traitement des produits radioactifs. Cependant, les procédés habituellement utilisés dans ces installations peuvent conduire à fixer préférentiellement l’iode 131 dans les boues d’épuration. Malgré cela, une proportion d’iode 131 est susceptible de se retrouver dans la rivière, en aval de la station d’épuration. Du fait de la dilution induite par le cours d’eau en aval de ce type d’installation, il est très difficile de détecter ce radionucléide dans l’eau. Par contre, il est parfois mesuré dans les matières en suspension et le plus souvent dans les végétaux aquatiques, à des concentrations comprises entre quelques Bq et quelques centaines de Bq par kilogramme de produit frais.

 

Le suivi de la radioactivité dans certaines stations d’épuration de grandes agglomérations françaises : le réseau d’études « Téléhydro » de l’IRSN

 

L’IRSN a acquis depuis 2000 des dispositifs de télémesure afin de mieux quantifier l’impact des rejets hospitaliers de médecine nucléaire dans les réseaux d’assainissement des eaux usées. Au total, sept sondes de spectrométrie gamma ont ainsi été disposées dans les stations d’épuration de sept grandes villes, permettant de mesurer directement et en continu la radioactivité des eaux usées. Chaque sonde peut ainsi détecter et quantifier automatiquement la présence d’iode 131 et de technétium 99 métastable.


 

 Sonde mobile Telehydro  Sonde mobile Telehydro
 Sonde mobile Telehydro

 

Les données ainsi mesurées sont récupérées à distance par l’IRSN et font l’objet d’une exploitation technique à des fins d’étude et d’expertise. Une synthèse de ces résultats est fournie dans le bilan annuel de l’état radiologique de l’environnement français produit par l’IRSN.

 

En outre, pour chaque point d’implantation, les moyennes quotidiennes sont mises à disposition sur le portail de l’environnement de l’IRSN dont la mise à jour est mensuelle. La base de données correspondante regroupe ainsi près de 23 000 mesures de radioactivité dans les eaux usées urbaines, effectuées au cours des cinq dernières années. 

 

 Restitution des résultats sur le site internet de la surveillance de la radioactivité dans l'environnement
 Restitution des résultats sur le site internet de la surveillance de la radioactivité dans l'environnement
Exemple de restitution des résultats sur le site internet de la surveillance de radioactivité dans l'environnement de l'IRSN

    

Quelles sont les conséquences dosimétriques potentiellement associées à ces rejets ?

 

L'IRSN a mené une étude en 2004 à Toulouse, à la demande de la Compagnie Générale des Eaux - exploitant de l’usine de dépollution de Ginestous -. Cette étude a été fondée sur l’utilisation du dispositif Téléhydro fixe installé à Ginestous depuis 2002, complété d’une sonde mobile qui a été placée en différents points du réseau d’assainissement de l’agglomération, en particulier les points de rejet des établissements de médecine nucléaire.

 

Les résultats de cette étude ont montré que l’iode 131, présent dans les eaux usées, et dans une moindre proportion en rivière, provient des selles des patients hospitalisés pour des thérapies anticancéreuses. En effet, pour une activité administrée à chaque injection de l’ordre de 3700 mégabecquerels (MBq) à chaque patient, environ 15 % sont éliminés par les selles. Chaque patient peut ainsi rejeter environ 550 MBq d’iode 131, au cours des 5 jours qui suivent l’administration du produit radiopharmaceutique.

 

Les mesures réalisées au cours de vidanges successives des cuves de stockage des urines, n’ont mis en évidence aucun marquage significatif d’iode 131 dans les eaux usées.

 

Cette étude a été complétée par des estimations de doses auxquelles des travailleurs (égoutiers ou agents de l’usine de dépollution) pourraient être exposés, par inhalation ou par irradiation externe . Les mesures de dose par irradiation externe ont été réalisées à partir de dosimètres d’ambiance, installés pendant plusieurs semaines, en différents points de l’usine de dépollution et du réseau d’assainissement. La dose par inhalation a été estimée à l’aide de préleveurs d’air permettant la capture de l’iode 131 sur des cartouches de charbons actifs.

 

La dose efficace résultant du cumul de l’exposition externe et de l’exposition par inhalation est estimée de l’ordre de 0,1 mSv par an au maximum, soit 10 fois inférieure à la limite réglementaire de dose pour les personnes du public qui est de 1 mSv par an. L’exposition externe contribue de façon prépondérante à la dose estimée, l’exposition par inhalation restant négligeable.

 

Consulter le rapport de l'IRSN concernant l’étude des termes sources et des transferts de la radioactivité d’origine médicale dans le réseau d’assainissement de la ville de Toulouse.

 

Voir la fiche sur l'iode 131

 

Notes :

  1. Etude présentée notamment lors du congrès de Chambéry « Les effluents liquides des établissements de santé : Etat des lieux et perspectives de gestion », les 26 et 27 novembre 2008