Savoir et comprendre

Rappel des faits

25/02/2013

Novembre 2010 : état de crise à Saint-Maur-des-Fossés où l'on a détecté une pollution à la radioactivité.

Pour en reconstituer les circonstances et évaluer les conséquences, trois équipes de l’Institut sont intervenues. Comment ont-elles géré conjointement les différents aspects de l’incident ?

 

Tout commence le 3 novembre 2010 par une simple analyse d’urine à l’entrée du CEA de Valduc (Côte-d’Or). Elle révèle qu’un visiteur est contaminé par du tritium. Très rapidement, le lien est fait avec la société pour laquelle il travaille, 2M Process, un prestataire du CEA. Ce bureau d’études – spécialisé dans le traitement des gaz et ne manipulant pas de radioactivité – loue des locaux en proche banlieue parisienne, à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne). « Le soir même, je demandais des échantillons d’urine à mes cinq salariés et les portais au CEA », témoigne Marc Monnet, le chef d’entreprise. « Le lendemain, la contamination, légère mais réelle, nous était confirmée. » Plusieurs experts de l’IRSN sont immédiatement dépêchés sur les lieux.
 

Eclairage

Le tritium, isotope radioactif de l’hydrogène, est produit naturellement dans l’atmosphère par l’action des rayonnements cosmiques. Il peut aussi se former artificiellement et être rejeté lors des essais nucléaires atmosphériques, la fabrication d’armes thermonucléaires, le fonctionnement des réacteurs ou des usines de retraitement du combustible. Il existe sous forme gazeuse et surtout sous forme liquide (eau tritiée) dans laquelle il s’intègre au cycle normal de l’eau (pluie, cours d’eau, océan, évaporation...).

 

Intervention d’urgence

 

D’où vient cette radioactivité ? Quel est le niveau de pollution ? Telles sont les questions auxquelles l’équipe d’intervention de l’IRSN a dû rapidement répondre en se rendant sur place dans la nuit du 4 novembre.

 

« Faute de connaître la source et le niveau de pollution, les personnels de l’IRSN avaient pris les précautions adaptées pour intervenir : appareil respiratoire isolant, combinaison intégrale... », explique Olivier Chabanis, coordinateur de l’équipe durant cette intervention. « Le tritium a la particularité de ne pas être mesurable directement avec des appareils portables, compte tenu du rayonnement qu’il émet. Des prélèvements – frottis, eaux, air et végétaux – ont ainsi été réalisés à l’intérieur des locaux de la société 2M Process et dans l’environnement proche. Une centaine de prélèvements a été analysée in situ par le véhicule laboratoire et en différé dans les laboratoires de l’IRSN. »

 

Rapidement, les soupçons se portent sur un tamis moléculaire provenant du CEA de Valduc, installé dans les locaux de 2M Process pour réaliser des essais.

 

« Les 8 et 9 novembre, l’Institut est revenu sur site en appui technique de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) dans le cadre des opérations d’évacuation du matériel contaminé », complète Olivier Chabanis. « La semaine suivante, nous sommes intervenus pour réaliser les caractérisations radiologiques des locaux adjacents où six autres sociétés sont implantées. » 

 

Après ces premières interventions, deux autres groupes d’experts de l’IRSN ont pris le relais. L’un pour mettre en place une surveillance du tritium dans l’environnement du bâtiment contaminé, et l’autre pour prendre en charge les salariés et les riverains.

 

Une contamination persistante mais localisée

 

Dans la pratique, cela était complexe, car la source de contamination est restée plusieurs mois dans les locaux de l’entreprise. L’Institut a dû retracer le circuit de cet équipement depuis sa sortie du CEA de Valduc, montrant qu’il avait été préalablement stocké, et fait l’objet de premiers tests à Bondoufle (Essonne), chez un partenaire de 2M Process.

 

« L’IRSN s’est rendu sur place. Une cinquantaine de mesures à l’intérieur et à l’extérieur des locaux a été effectuée. Des traces de tritium ont été mises en évidence sur des végétaux à l’extérieur, là où une partie des eaux contenues dans l’équipement avait été vidangée », résume Olivier Chabanis. Il a fallu lister les stagiaires, les prestataires, qui, en plus des salariés, avaient pu être contaminés. Sans oublier le matériel livré par la société 2M Process.

 

La localisation de cette pollution, située dans une banlieue pavillonnaire, loin de toute préoccupation nucléaire, est une autre particularité de cet événement. « Le voisinage s’est vite inquiété de l’arrivée des experts en tenue de protection », témoigne Marc Monnet.

 

Un risque sanitaire faible rapidement estimé

 

« L’Institut a rapidement considéré qu’il n’existait pas de risque sanitaire pour le voisinage », poursuit Alain Rannou, expert en radioprotection dépêché sur les lieux. « Au sein de l’entreprise, quatre salariés sur six avaient reçu une dose estimée comprise entre 1 et 5 millisieverts (mSv), supérieure à la limite réglementaire de 1 mSv fixée pour le public, mais sans conséquences sanitaires et ne nécessitant pas de suivi. »

 

Pour autant, l’Institut a tenu à prendre en charge tous ceux qui le souhaitaient. « En concertation avec l’ASN, le maire et le préfet, des mesures sur les riverains, les professeurs et les élèves d’un collège situé à 200 mètres qui en formulaient la demande ont été réalisées. Elles n’avaient pourtant pas d’autre utilité que celle de rassurer », explique Alain Rannou. « Les flacons nécessaires au prélèvement des urines sur 24 heures ont été fournis par l’IRSN. La mairie organisait la logistique sur place. » 

 

Les experts ont également participé à des réunions publiques avec le quartier, les parents d’élèves… afin de répondre aux interrogations diverses : dois-je prendre des précautions ? Puis-je continuer les travaux de ma piscine ? Puis-je vendre les végétaux de ma pépinière ? « Progressivement, l’inquiétude a décru. L’Institut a même été confronté à une demande de discrétion, pour ne pas déprécier le quartier », se remémore Alain Rannou.

 

Environnement en vigilance

 

Un dispositif de surveillance a été déployé dès le 8 novembre pour suivre l’évolution du tritium dans l’environnement. « Le tritium qui s’était échappé de l’atelier a suivi le cycle de l’eau : il a été absorbé par les plantes, dans le sol, respiré par les hommes, les animaux et les plantes », explique Guillaume Manificat, responsable du laboratoire de veille radiologique de l’environnement lors de l’événement.

 

« L’étendue de la contamination et son niveau dans les végétaux et l’eau ont été évalués. Des prélèvements de vapeur d’eau ont été réalisés au moyen d’un barboteur et d’un condenseur. Depuis deux ans, plus de 400 mesures ont été effectuées au cours de 25 campagnes de prélèvements qui se sont progressivement espacées dans le temps. »

 

Une situation revenue à la quasi-normale un an après

 

L’ensemble des mesures a montré que l’exposition est restée faible à l’extérieur du bâtiment contaminé, même si elle demeurait visible dans un rayon de 50 mètres. Moins d’un an après l’incident, les mesures d’activité en tritium dans l’air extérieur étaient revenues à un niveau comparable à ceux habituellement observés dans l’environnement en France. L’activité dans l’eau de pluie prélevée dans la cour de la société était inférieure à la limite de détection. En attente d’une solution définitive, la surveillance de l’environnement se poursuit encore à l’heure actuelle, axée principalement sur les végétaux au plus près du site.

 

L’Institut a rendu compte des résultats de sa surveillance environnementale par plus de quinze notes d’information. Cet incident a mis en évidence la bonne coordination et la complémentarité des équipes spécialisées engagées sur le terrain en cas de pollution accidentelle. Il confirme tout l’intérêt du développement par l’IRSN d’équipements et de matériels spécifiques – véhicule d’intervention, condenseurs – pouvant être déployés sur le terrain pour évaluer dans les meilleurs délais les niveaux de pollution.

 

Zoom sur le déploiement des experts à partir du 8 novembre 2010

 

Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) : une contamination au tritium est détectée dans la société 2M Process. Différentes équipes de l’Institut sont mobilisées sur le terrain et au sein de l’établissement. De la maîtrise de la source à la surveillance du milieu et des hommes, retour sur la mise en place d’un dispositif coordonné.

 

Zoom sur le déploiement des experts à partir du 8 novembre 2010. © Hervé Bouilly / IRSN.