Savoir et comprendre

L’expertise par l’IRSN du réacteur EPR

27/03/2024

De la conception à la mise en service de l’EPR de Flamanville 3  
 

De la conception à la mise en service de l’EPR de Flamanville 3, en passant par le suivi de la réalisation et des essais de démarrage, l'IRSN intervient à chaque étape du chantier. L’Institut analyse les dispositions retenues par EDF et propose, si nécessaire, des évolutions pour améliorer la sûreté du nouveau réacteur.

Depuis l’origine du projet EPR, au début des années 1990, l’IRSN a contribué à définir les objectifs de sûreté attendus et à examiner les solutions techniques proposées par le concepteur pour les atteindre. Deux étapes ont marqué l’évaluation de la sûreté du projet EPR menée par l’IRSN : la publication des objectifs généraux de sûreté en 1993 et celle des directives techniques, approuvées par le Groupe permanent d’experts chargés des réacteurs en 2000.

L’IRSN a ensuite poursuivi son analyse technique du projet EPR par l’instruction des dossiers transmis par EDF et le contrôle de la construction. In fine, la démonstration de sûreté repose donc sur les caractéristiques du réacteur tel que réalisé. Plus d'une cinquantaine d'experts IRSN, dans des domaines variés (mécanique, génie civil, neutronique, thermohydraulique, systèmes électriques, etc.), ont participé à l’analyse préalable à la demande d’autorisation de mise en service du réacteur depuis 2015.

Outre l’analyse des dossiers transmis par EDF, les experts se sont appuyés sur les études réalisées par l’IRSN avec ses propres outils, les visites sur site, les enseignements tirés du retour d’expérience des réacteurs en fonctionnement et un dialogue technique permanent avec les différents acteurs. 

 

Des évolutions à tous les stades du projet
 

Ces études et expertises ont notamment conduit à faire évoluer le projet initial sur plusieurs points dont le récupérateur de corium destiné à maîtriser les accidents graves avec fusion de cœur et le contrôle-commande informatisé. Autre évolution importante : le nombre de groupes électrogènes de secours a été augmenté de quatre à six à la suite aux premières études probabilistes de sûreté.
 

D’autres améliorations de sûreté ont également été apportées au cours du projet. Une troisième voie a été ajoutée au système de refroidissement et de traitement de l’eau de la piscine d’entreposage des assemblages combustibles usés. Une source froide diversifiée a été ajoutée pour refroidir ce système ainsi qu'un système d’évacuation de la puissance de l’enceinte en cas d’accident grave.
 

Puis, l’accident de Fukushima de mars 2011 a conduit à prévoir des dispositifs mobiles permettant d’utiliser la réserve d’eau douce située sur la falaise au-dessus de la centrale pour refroidir notamment l’enceinte de confinement en cas d’accident grave ainsi que les assemblages combustibles entreposés dans la piscine de désactivation. 


Centre de crise local de la centrale de Flamanville

Centre de crise local de la centrale de Flamanville

Après l’accident de Fukushima, des travaux importants ont été imposés par l'ASN afin d'assurer des marges de sûreté supplémentaires face aux événements naturels extrêmes : la centrale de Flamanville a été la première a être équipée d'un centre de crise local. (Source : EDF).

Les expertises menées par l’IRSN ont porté notamment sur :

 

    Fin de bétonnage du récupérateur de corium en février 2013 (Source : EDF)

    • Contrôle-commande : depuis 2009, l’IRSN a émis plusieurs réserves sur les équipements informatiques qui assurent le bon fonctionnement du réacteur et agissent en temps réel en cas de problème. En savoir plus : Le contrôle-commande 
    • Récupérateur de corium : ce dispositif-clé pour la maîtrise des accidents avec fusion du cœur permet la collecte des matériaux fondus s’écoulant de la cuve après sa percée. Il permet ainsi de maintenir le confinement des produits radioactifs en cas d’accident grave. Le principe de fonctionnement a été validé en 2000 et sa conception détaillée approuvée en 2005. L’IRSN a pu confirmer en 2015, le caractère satisfaisant de ce dispositif et le respect de l’objectif de limitation des conséquences d’un accident de fusion du cœur auquel il contribue. En savoir plus : Le récupérateur de corium 
    • Conduite informatisée : les moyens de conduite de l’EPR se fondent sur une approche qui considère que l’homme doit, à tout instant, conserver la maîtrise de l’installation. En juin 2015, l’IRSN a estimé que, si l’organisation et les moyens de conduite retenus par EDF sont satisfaisants sous réserve de valider l’adéquation de l’organisation et des moyens de conduite aux activités de conduite de l’installation lors de la dernière campagne d’essais sur simulateur. Suite à cette campagne, l’IRSN poursuit son examen des moyens de conduite de l’EPR. En savoir plus : La conduite informatisée
    • Soupapes du pressuriseur : Le circuit primaire principal de l’EPR FA3 est muni de trois soupapes de sûreté pilotées installées au sommet du pressuriseur. Ces soupapes de sûreté pilotées assurent notamment la protection du circuit primaire contre les surpressions à chaud et à froid. Leur conception diffère des soupapes installées sur le parc en exploitation car elles sont issues des Konvoi. L’IRSN a expertisé ces soupapes à plusieurs reprises de 2016 à 2023.
    • Filtration du système RIS en recirculation : dans les situations accidentelles de brèche sur le circuit primaire, le système RIS peut fonctionner en mode recirculation, aspirant de l’eau dans l’IRWST (réservoir en fond de bâtiment réacteur qui récupère l’eau de la brèche notamment) pour la réinjecter dans le circuit primaire. Dans cette situation, des débris générés par l’accident, peuvent se retrouver dans l’eau de l’IRWST. Des dispositifs de filtration sont donc nécessaires afin de garantir une qualité d’eau en aval suffisante pour le bon fonctionnement des systèmes. En 2022 et 2023, l’IRSN a analysé l’efficacité de la fonction de recirculation de l’eau de l’IRWST et plus particulièrement de sa filtration.
    • Qualification des équipements : La qualification d’un équipement est la démonstration de l’aptitude de cet équipement à assurer ses fonctions, pendant une certaine durée de mission, dans les conditions (température, pression, humidité, irradiation…) auxquelles il est susceptible d’être soumis en situation accidentelle notamment. L’IRSN a mené plusieurs expertises sur la méthodologie de qualification des équipements aux conditions d’accident grave ainsi que les notes de synthèse de qualification des équipements électriques et robinetterie.
    • Les règles générales d’exploitation (RGE) : elles définissent l’ensemble des dispositions techniques et organisationnelles d’exploitation permettant la protection des intérêts visés à l’article L. 593-1 du code de l’environnement. Elles permettent de maintenir l’installation dans un domaine de fonctionnement couvert par la démonstration de sûreté présentée dans le Rapport de sûreté (RDS) et l’étude d’impact. Les RGE de l’EPR FA3 sont réparties en 12 chapitres. Elles ont fait l’objet de plusieurs instructions. Pour en savoir plus sur les RGE, voir le chapitre 20 de l'ouvrage "Éléments de sûreté nucléaire - Les réacteurs à eau sous pression"
    • Essais de démarrage : Ces essais permettent de vérifier le bon fonctionnement de l’installation avant et après le chargement du combustible. Ils se poursuivront lors de la montée progressive en puissance jusqu’à 100 % de puissance nominale. Un expert de l’IRSN a été ponctuellement détaché sur site pour suivre le déroulement des essais de démarrage du réacteur EPR de Flamanville. De nombreux avis ont été émis sur le bilan des essais de démarrage réalisé par EDF depuis 2021. En savoir plus : Les essais de démarrage 

    Des expertises ont également été réalisées à la suite de la détection d’écart :

    • Anomalie de fabrication du couvercle et du fond de la cuve : Fin 2014, Areva NP a découvert une anomalie de fabrication de l’acier du couvercle et du fond de la cuve du réacteur EPR de Flamanville. Ce dossier a fait l’objet d’une analyse conjointe ASN– IRSN, dont les conclusions ont été présentées les 26 et 27 juin 2017 au GP ESPN. De leur instruction, l’ASN et l’IRSN ont conclu que, si Areva NP a démontré l’aptitude au service du couvercle et du fond de la cuve du réacteur EPR de Flamanville, des dispositions de suivi en service doivent être mises en œuvre pour contrôler périodiquement ces équipements durant le fonctionnement de l’installation. Si la faisabilité de ces contrôles apparaît acquise pour le fond de la cuve, il n’en est pas de même pour le couvercle : à défaut de pouvoir les réaliser, l’ASN et l’IRSN ont considéré que le remplacement de ce couvercle devait être réalisé à l’horizon de quelques années. En savoir plus : Anomalie du couvercle et du fond de la cuve
    • Écart fabrication CSP/CCP : En 2017, EDF a informé l’ASN de l'existence de « non-conformités » concernant les exigences associées à la démarche d'exclusion de rupture pour les 66 soudures des tuyauteries VVP du réacteur EPR de Flamanville. En mars 2018, EDF a également informé l'ASN de la présence de défauts qui n'avaient pas été détectés lors des contrôles de fin de fabrication de ces soudures. Suite à l’expertise, l'IRSN a conclu que la confiance dans la qualité des soudures des tuyauteries de vapeur principales au niveau des traversées de la double enceinte de confinement n'atteignait pas le haut niveau attendu, et que compte tenu de l'importance des écarts identifiés, EDF devait procéder à la remise en conformité des soudures concernées. En savoir plus : Écart fabrication CSP/CCP
    • Le REX des premiers réacteurs EPR en fonctionnement : le REX de démarrage des premiers EPR mis en service a mis en évidence des questions relatives au comportement physique du cœur. Des expertises ont été menées sur le sujet de 2021 à 2023. En savoir plus : Le REX des premiers réacteurs EPR en fonctionnement

    Pour en savoir plus