Metabolic programming of zebrafish Danio rerio uncovered. Physiological performance as explained by dynamic energy budget theory and life-cycle consequence of uranium induced perturbations
Starrlight Augustine a soutenu sa thèse le 23 avril 2012 à Amsterdam.
L’objectif de ces travaux de thèse était de caractériser la toxicité de l’uranium sur le métabolisme du poisson zèbre, Danio rerio. Puisque les effets de l’uranium se traduisent par des modifications de la performance du métabolisme, la question suivante se pose : que savons-nous du métabolisme du poisson zèbre témoin ? Très peu de chose. En effet, nos connaissances à ce sujet sont assez limitées en dépit d’un grand nombre de travaux sur le développement de ce poisson. C’est pourquoi les trois premiers chapitres de ce manuscrit sont dédiés à la caractérisation du métabolisme témoin du Danio. J’ai utilisé la théorie des bilans d’énergie dynamique (DEB) pour procéder à cette caractérisation ; à l’heure actuelle c’est la seule théorie qui quantifie l’ingestion, l’assimilation, la croissance, la reproduction, la maturation, la maintenance et le vieillissement pendant le cycle de vie entier d’un organisme. L’effet de l’uranium sur l’organisme implique un effet sur au moins une des processus cités ci-avant. Etant donné que la longévité du poisson zèbre est d’environ quatre ans et demi, et que l’intensité des effets liés à un stress chimique est inversement proportionnel à la taille, nous avons centré nos efforts sur les stades de vie précoces (embryon, juvénile et reproduction adulte). De surcroît, les stades de vies précoces semblent plus sensibles aux effets de l’uranium surtout au niveau des effets sur la croissance.
D’importants progrès ont été réalisés dans le domaine de la quantification du développent, de la croissance et de la reproduction du poisson zèbre. Nous avions imaginé que l’uranium pourrait affecter le système immunitaire ainsi que d’autres mécanismes de défense cellulaire (e.g. système antioxydant). Selon la théorie DEB, l’allocation des ressources à la maturation comprend une fraction fixe de la réserve mobilisée auquel est soustrait le coût de maintenance de la maturité. Notre idée est que les coûts du système immunitaire et de défense cellulaire contribuent à la maintenance de la maturité. Si l’uranium augmentait les coûts de ce dernier alors la maturation ralentira, ainsi j’ai porté une attention soutenu aux taux de maturation.
Il s’est avéré que le poisson zèbre accélère son développent après la naissance (c’est-à-dire l’instant où l’individu commence à se nourrir), jusqu’à la métamorphose, où l’accélération cesse. Ce processus a été constaté chez d’autre espèces de poissons, mais pas toutes. Une autre conclusion surprenante était que la maintenance somatique est beaucoup plus élevée que la valeur typique d’un poisson. Nous n’arrivons pas encore à expliquer pourquoi. De plus nous avons découvert que les détails sur la physiologie reproductive sont importants pour caractériser les effets de l’uranium : chez l’adulte les ressources allouées à la reproduction sont stockées dans un compartiment où siègent les processus de préparation de « batch » d’œufs (=buffer de reproduction). Il est donc important de comprendre ce processus pour comprendre comment le poisson zèbre élimine l’uranium via les œufs.
La théorie DEB spécifie que l’individu atteint un stade de développement à un niveau de maturité donné. Selon la température et/ou la nourriture, ce niveau de maturité peut être atteint à des tailles ou des âges différents. Nous avons élargi le concept pour inclure tous les stades de développement (définis sur la base de critères morphologiques) publiés dans les atlas de développement. Ce travail nous a permis d’expliquer par la théorie DEB à présent la variabilité en termes de taille et d’âge.
Dans le but de tester si la théorie DEB peut expliquer des perturbations au niveau de la maturation, nous avons étudié le développement de deux espèces de grenouilles taxonomiquement proches et de taille similaires. Une des espèces possède un développement typique comprenant un stade embryonnaire, un stade têtard qui se nourrit et puis un stade juvénile avec la morphologie typique d’une grenouille. Par contre la deuxième espèce témoigne d’une accélération du développement après l’éclosion mais avant la naissance- qui correspond au stade de développement où l’individu commence à se nourrir. Cette accélération est trahie par une augmentation de la respiration et un retard de la croissance avec au final une diminution de la taille à chaque stade de développement par rapport à la première espèce. Cette accélération s’estompe après la métamorphose (le moment où les jeunes grenouilles quittent l’eau). Toutes les différences entre les deux types de développement ont été expliquées par la théorie DEB en considérant qu’un seul paramètre changeait temporairement de valeur : la fraction de la réserve mobilisée vers la croissance et la maintenance somatique. La conclusion est que les perturbations observées au niveau de la maturation et de la variabilité de l’âge et la taille entre les différents stades de développement soutiennent empiriquement la façon que la théorie DEB incorpore la maturation.
Non seulement notre étude requérait une quantification détaillée de la maturation, mais elle requérait aussi la prise en compte de périodes (prolongées) de jeune, et ce plus particulièrement pour les stades précoces. Selon la théorie DEB la maintenance est alimentée avec l’énergie mobilisée de la réserve. Dès lors que la nourriture devient rare ou disparait cette dernière ne suffit plus pour alimenter la maintenance somatique. Nous avons détaillé ce cas de figure en modélisant le lien entre les processus de rajeunissement et d’amaigrissement extrême et la probabilité de survie. Les prédictions du modèle sont en accord avec les trajectoires de survie de larves obtenues en conditions de laboratoire. Certaines poissons libèrent plus d’un million d’œufs par événement de ponte et pourtant, si la dynamique de la population est stable, à chaque génération chaque poisson n’est remplacé que par un seul individu. Le processus de survie des larves représente une grande énigme irrésolue dans le domaine de la dynamique de populations de poisson.
Par le biais de ces travaux de doctorat, nous disposons à présent d’un outil permettant de comprendre, et de prédire, la manière dont la performance physiologique du poisson zèbre dépend de son niveau de nutrition. Le modèle a été utilisé pour détecter les modifications induites par l’uranium sur la performance physiologique d’un individu exposé par rapport à celle du témoin. A cette fin, nous avons développé un modèle dynamique qui spécifie la manière dont l’uranium s’accumule et s’élimine chez un individu qui se nourrit, grandit et se reproduit. Nous avons montré que l’uranium altère l’histologie de la paroi intestinale (acteur majeure dans l’assimilation des nutriments) et pourrait potentiellement modifier l’homéostasie des interactions hôte-bactérienne (acteur majeur dans l’assimilation et l’immunité inné). De plus nos travaux suggèrent que l’uranium augmenterait les coûts de synthèse de la structure et diminuerait l’assimilation et/ou augmenterait le coût de la maintenance somatique. Chose étonnante, malgré ce que nous pensions, nous n’avons pas pu détecter d’effets notables sur la maturation à ces faibles concentrations. Puisque la maturation interagit avec la croissance, la reproduction et la maintenance, je considère néanmoins que les travaux que j’ai pu mener sur la maturation sont pertinents. La toxicité de l’uranium est telle que les effets sur le coût de la synthèse de la structure et de la maintenance somatique sont estimés proches de 0 nM d’uranium dans l’eau.
Un résultat très important se dégageant de ces travaux est que la condition des poissons (structure, maturité, réserve, buffer de reproduction, stade de préparation des « batch ») au début de l’expérience dépend de l’individu et conditionne la réponse de celui-ci au stress pendant (toute) l’expérience. Ce problème s’aggrave lorsque nous travaillons avec des poissons zèbres adultes car la contribution de la masse du buffer de reproduction par rapport à la masse totale diffère de manière important entre chaque individu. Ceci affecte alors non seulement les trajectoires de masse dans le temps, mais aussi la concentration interne, car la reproduction représente une voie importante d’élimination de l’uranium. La quantité totale de réserve (à savoir : réserve + buffer de reproduction) conditionne la sévérité de l’effet toxique contribuant ainsi à la variabilité dans les données. En prenant en compte les différences entre les conditions initiales de chaque individu, j’ai pu expliquer les résultats contradictoires publiés dans la littérature ainsi qu’expliquer mes propres résultats sur les effets de l’uranium. La leçon à retenir c’est que des données acquises sur des individus ne devraient pas être moyennées sur des groupes d’individus.