Etude épidémiologique des travailleurs à risque d’incorporation d’uranium
Irina GUSEVA-CANU, thèse de doctorat de l'université Pierre et Marie Curie, spécialité épidémiologie, école doctorale santé publique et sciences de l'information biomédicale, 255 p., soutenue le 29 septembre 2008
Réalisée dans le Laboratoire d’épidémiologie de l’IRSN, cette thèse constitue une étude pilote des travailleurs du cycle du combustible nucléaire à risque d’exposition interne aux rayonnements alpha. L’exposition interne résultant de l’incorporation des composés uranifères lors de la conversion et l’enrichissement de l’uranium a été étudiée au sein de l’établissement AREVA NC de Pierrelatte.
Une matrice emplois expositions semi-quantitative, spécifique de cet établissement a été élaborée. Elle permet de calculer les scores individuels de l’exposition cumulée à l’uranium et 16 autres catégories d’agents d’exposition pour 2709 travailleurs de l’établissement sur la période 1960-2006. L’analyse des données de l’exposition multiple a révélé de nombreuses corrélations entre l’exposition à l’uranium et les expositions associées : l’exposition à l’amiante, les fibres céramiques réfractaires, le trichloréthylène, etc. Le suivi de mortalité effectué sur la période 1968-2005, a montré une augmentation de la mortalité par cancer de la plèvre, du rectum et par lymphome non Hodgkinien, comparée aux taux de mortalité nationaux et régionaux. Les résultats d’analyse de la relation entre l’exposition et la mortalité suggèrent une augmentation du risque de mortalité par cancer du poumon chez les travailleurs exposés aux composés uranifères faiblement solubles aussi bien à base d’uranium naturel que d’uranium de retraitement. Néanmoins, ce résultat est non statistiquement significatif et basé sur un nombre de décès observés faible.
Les résultats de cette étude sont concordants avec les données de la littérature. Les études expérimentales de la biocinétique et du mécanisme d’action des oxydes d’uranium faiblement solubles fournissent des éléments en faveur de la plausibilité biologique de l’augmentation du risque de cancer du poumon lié à l’exposition. La prise en compte des expositions associées dans les analyses et l’examen partiel des données du tabagisme permettent de réduire l’éventuel biais de confusion. Néanmoins, la puissance de cette étude est faible et ne permet pas de conclure sur l’existence d’une association entre la mortalité par cancer et l’exposition à l’uranium.
Cette étude montre l’intérêt et la faisabilité de l’étude épidémiologique des travailleurs à risque d’incorporation d’uranium et d’autres radioéléments émetteurs du rayonnement alpha au niveau national. Elle met en évidence l’importance de l’évaluation de l’exposition à des agents cancérigènes associés et sa prise en compte dans les analyses, notamment lorsque le risque de cancer est étudié. De façon plus générale, cette étude apporte des éléments supplémentaires concernant l’hypothèse de l’effet cancérogène de l’exposition chronique à l’uranium et aux rayonnements alpha chez l’homme.