Dosimétrie cardiovasculaire à l'aide de fantômes numériques hybrides en radiothérapie externe
Alexandra Moignier a soutenu sa thèse le 7 novembre 2015 à Orsay.
Les atteintes cardiovasculaires consécutives à la radiothérapie font partie des effets secondaires tardifs soulevant de nombreuses interrogations au sein de la communauté scientifique, notamment du point de vue de la relation dose-effet et des
effets concomitants d’autres facteurs de risque (chimiothérapie, cholestérol, âge, tension artérielle,…). Les coronaropathies postradiques sont une des principales causes de morbidité cardiaque. Cependant, l’étude des doses reçues par les coronaires lors d’une radiothérapie requiert des approximations importantes, notamment d’un point de vue morphologique. Pour les études rétrospectives avec des dossiers médicaux anciens, les informations anatomiques sont réduites à des radiographies orthogonales et quelques contours au simulateur. Pour les dossiers médicaux plus récents, l’utilisation de l’imagerie scanner pour la planification de traitement permet la considération d’une anatomie 3D, toutefois extrêmement limitée pour les coronaires en raison d’une résolution et d’un contraste trop faibles. Par ailleurs, lors de la planification de traitement des patients traités actuellement, les doses reçues par les artères coronaires sont rarement quantifiées en clinique, et quand elles le sont, c’est au moyen d’une segmentation par a priori anatomique. Ce travail de thèse propose une utilisation originale des fantômes numériques hybrides afin d’étudier les doses aux coronaires dans le cadre de radiothérapies du sein gauche et du lymphome de
Hodgkin.
Au cours de la thèse, une méthode d’insertion de fantômes numériques hybrides au format DICOM dans le système de planification de traitement a été développée et validée. Elle a été adaptée et testée avec des informations anatomiques limitées
aux radiographies comme c’est le cas pour les dossiers médicaux anciens, pour des traitements du sein gauche. La méthode a également été adaptée pour effectuer des reconstructions dosimétriques précises aux artères coronaires de patients traités par radiothérapie pour un lymphome de Hodgkin médiastinal, ayant bénéficié d’un suivi cardiovasculaire incluant le diagnostic de sténoses coronariennes à l’aide d’un coroscanner. Par une étude cas-témoin, le risque de sténoses à un segment d’artère coronaire donné a été évalué comme étant multiplié par 1,049 à chaque Gray additionnel sur la dose médiane au segment d’artère coronaire.
Pour les dossiers actuels, les incertitudes associées à l’approche de segmentation par a priori anatomique des artères coronaires ont été estimées dans le cadre du traitement du sein gauche, en simulant différentes topologies réalistes d’artères coronaires dans un unique thorax et en évaluant les doses, pour une balistique donnée avec et sans irradiation de la chaîne mammaire interne. La variabilité inter-topologique de la dose moyenne à l’artère coronaire la plus irradiée, l’interventriculaire antérieure, a été estimée à respectivement 35 % et 19 % avec et sans irradiation de la chaîne mammaire interne tandis qu’avec la dose aux 2 % du volume de l’artère interventriculaire les plus irradiés, cette variabilité est respectivement de 76 % et 49 %.
Enfin, l’ordre de grandeur des écarts entre des mesures par films radiochromiques et des calculs de dose du système de planification de traitement ISOgray en bordure de champ et hors du champ a été évalué pour des configurations simple (fantôme physique homogène parallélépipédique, champ carré ouvert) et complexe (fantôme physique anthropomorphe avec hétérogénéités, faisceaux tangentiels rectangulaires avec filtres en coin). Ces écarts sont jugés significatifs essentiellement en bordure de champ quelle que soit la configuration.