Caractérisation de l'effet de l'exposition chronique à faibles doses de radiations ionisantes sur les mécanismes épigénétiques et leurs conséquences sur le développement du système nerveux central
Sophia Murat El Houdigui a soutenu sa thèse le 4 mai 2020 à Aix En Provence.
À la suite des accidents nucléaires de Tchernobyl et Fukushima et de par l’utilisation croissante des radionucléides, la radioprotection de l’environnement constitue une source de préoccupation majeure. Des études démontrent une sensibilité aux rayonnements ionisants (RI) accrue lors du développement embryonnaire. Cependant, il existe peu de données sur les mécanismes moléculaires conduisant à des effets des RI sur l’embryogenèse et de surcroit pour les expositions chroniques. Dans ce contexte, l’objectif de cette thèse, est de mieux comprendre les effets d’une exposition aux RI sur le développement du poisson zèbre (Danio rerio), un organisme modèle en écotoxicologie et en biomédecine. Des œufs fécondés ont été exposés à des rayons gamma émis par une source de 137Cs à des débits de doses faibles à modérés (de 0,005 mGy/h à 50 mGy/h), puis analysés du stade gastrula (6 heures) au stade larvaire (5 jours) par une approche intégrative des effets moléculaire aux effets comportementaux.
Une partie de ce travail a porté sur l’étude des effets des RI à un stade précoce de développement du poisson zèbre après une exposition aux RI. Pour cela, une approche multi-omics avec l’étude du transcriptome et du méthylome a été mise en place. Une étude transcriptomique au stade shield à des débits de doses allant de 0,005 mGy/h à 50 mGy/h a été réalisée et a démontré un effet modéré mais significatif sur la régulation du stress oxydatif et de l’activité mitochondriale. À 5 et 50 mGy/h, les gènes impliqués dans le développement du système nerveux central (SNC) et des muscles sont impactés. L’étude du méthylome a permis de mettre en évidence une hypométhylation des séquences promotrices des gènes impliqués dans le développement du SNC et des muscles associé à une modification de l’expression des gènes. Ces résultats sur des stades embryonnaires précoces, mettent en évidence des effets potentiels sur le développement du SNC et des muscles. L’autre partie de ce travail a porté sur l’évaluation des effets d’une exposition aux RI à des stades plus tardifs du développement par une approche de biologie des systèmes. Pour cela des analyses ont été réalisées de l’échelle moléculaire à l’échelle phénotypique. À l’échelle moléculaire, une analyse multi-omics du transcriptome et du protéome a mis en évidence la modulation de gènes impliqués dans la voie de l’acide rétinoïque, le développement du SNC et des muscles chez des embryons et des larves exposés à 0,5 ; 5 et 50 mGy/h. Le marquage par hybridation in-situ a confirmé la modulation de l’expression des facteurs de transcription her4.4 dans le SNC et de myog dans les muscles des embryons exposés aux RI. Au niveau tissulaire, une disruption des myofibrilles musculaires et une altération des jonctions neuromusculaires ont été détectées chez les embryons exposés à 5 et 50 mGy/h. Afin d’évaluer un effet individuel à l’échelle phénotypique, le comportement locomoteur des larves a été évalué en situation de stress. Une diminution significative de la motilité des larves a été détectée entre 0,5 mGy/h et 50mGy/h.
Ces travaux ont montré des effets des RI sur le développement du SNC et des muscles dès le développement précoce au niveau moléculaire. Ces effets sont confirmés à des stades de développement plus tardifs. Cette étude suggère donc que les perturbations moléculaires observées au cours du développement précoce sont prédictives des effets observés à des stades de développement plus tardifs. De plus ce travail de thèse, permet de proposer un modèle d’« Adverse Outcome Pathway » où la dérégulation de la voie de l’acide rétinoïque par une exposition aux RI conduirai à des effets sur le développement du SNC et des muscles.