Évolution à long terme de la spéciation et de la mobilité de l’uranium dans les sédiments et les sols : processus naturels d'enrichissement en uranium dans le bassin versant du Lac Nègre
Pierre Lefebvre a soutenue sa thèse le 14 décembre 2021 à Sorbonne université
La connaissance du comportement géochimique de l’uranium (U) dans l’environnement est essentielle pour en limiter la propagation dans les milieux contaminés. Ce travail de thèse visait avant tout à déterminer l’évolution sur plusieurs milliers d’années des phases non-cristallines de U dans les sédiments naturellement riches en U (jusqu’à plus de 1000 µg/g) du lac Nègre, dans le massif du Mercantour (Alpes-Maritimes, France). Grâce aux rapports isotopiques de U (δ238U et (234U/238U)) et à la spectroscopie d’absorption X (XAS) au seuil L3 de U, il est montré que U est déposé initialement sous forme d’espèces mononucléaires liées à la matière organique, et est rapidement réduit en U(IV). En moins de 700 ans, ces phases sont transformées en polymères de U(IV)-silice avec une structure locale proche de la coffinite (USiO4·nH2O). Cette transformation souligne l’impact de l’abondance de ligands qui limitent la précipitation de phases cristallines de U, mais ne réduit que faiblement la labilité de U, dont la mobilité potentielle reste importante après plus de 3000 ans. A l’échelle du bassin versant, U provient initialement de fractures dans la roche-mère granitique, puis est piégé en grandes quantités dans les sols, en particulier dans la zone humide en amont du lac (jusqu’à > 5000 µg/g U), avant d’être transporté vers le lac par érosion. Cette fixation dans les sols a lieu par complexation sur la matière organique dont certaines structures biologiques, avant réduction partielle en U(IV). On trouve ainsi surtout des formes mononucléaires de U, mais aussi des phases polymériques de U(VI) potentiellement issues d’un vieillissement de U après des milliers d’années d’accumulation.