Le projet Mithygène

Le projet MITHYGÈNE (Amélioration de la connaissance du risque hydrogène et de sa gestion en situation d'accident grave), lancé début octobre 2013, est l'un des 23 projets lauréats de l'appel à projets Recherche en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection (RSNR) effectué dans le cadre du programme Investissements d'avenir. Il vise à améliorer la connaissance du « risque hydrogène » - c'est-à-dire un risque d'explosion de l'hydrogène qui apparait lors d'un accident de fusion du cœur d'un réacteur - et de sa gestion en situation d'accident grave.

MITHYGÈNE a pour objectif d'améliorer la connaissance des phénomènes régissant ce risque et de développer un prototype de mesures des gaz compatible avec les conditions qui règnent dans l'enceinte de confinement lors d'un accident grave. Les avancées de ce projet sont mises à profit pour améliorer les procédures de gestion des accidents graves et permettront également d'interpréter les événements survenus lors de l'accident de Fukushima-Daiichi. Les apports du projet devraient également bénéficier aux pratiques adoptées par les industriels pour éliminer le risque d'explosion d'hydrogène dans leurs propres installations, nucléaires ou non.

Caractéristiques du projet

  • Dates : 2013-2021
  • Partenaires : CEA-DEN, CEA-DRT, Icare, Institut Jülich, Arcys
  • Sponsors : Air-Liquide, EDF

Contexte

Lors d'un accident de fusion de cœur, de l'hydrogène est produit par l'oxydation de métaux au cours de la progression de l'accident. Cette production est intense pendant la dégradation du cœur du réacteur lorsque les gaines métalliques des crayons de combustible et les structures en acier s'oxydent sous l'effet de la vapeur. Elle peut l'être également lorsque le corium (magma résultant de la fusion du cœur) perce la cuve du réacteur et interagit avec le béton du radier situé sous la cuve : les métaux du corium sont alors oxydés par les gaz issus de la décomposition du béton.

L'hydrogène relâché dans l'enceinte de confinement peut s'accumuler dans certaines zones et conduire à la formation de nuages de gaz inflammables. Ceux-ci, en cas de combustion, génèrent des charges en pression et en température capables de menacer la structure de confinement du réacteur et la tenue des équipements qu'elle contient, notamment ceux importants pour la sûreté.

La survenue des explosions d'hydrogène de différentes natures lors de l'accident de la centrale de Fukushima-Daiichi en 2011 a renforcé la question de l'évaluation de ce risque dans le parc nucléaire en France et de la suffisance des moyens mis en place pour s'en prémunir ou pour en limiter les conséquences. Pour les réacteurs à eau sous pression (REPs) français, la conception combine l'existence d'enceintes de grands volumes et la mise en place de recombineurs autocatalytiques passifs (RAPs) utilisés dans l'ensemble des tranches du parc électronucléaire français depuis 2007. Malgré les performances affichées des recombineurs, les études réalisées à l'IRSN ne parviennent pas à démontrer que la formation d'un mélange hydrogène-oxygène – qui peut conduire à des phénomènes d'accélération locale de flamme - peut être exclue à tout instant et en tout point de l'enceinte de confinement.

Le risque d'explosion d'hydrogène doit ainsi être intégré dans la définition des guides de gestion d'un accident grave définis par les exploitants de centrales nucléaires qui prévoient la mise en œuvre de systèmes de sauvegarde. Ainsi la mise en service du système d'aspersion, qui permet d'abaisser la pression et de rabattre les produits de fission dans l'enceinte de confinement en cas d'accident, peut conduire au "desinertage" de l'enceinte par condensation de la vapeur d'eau sur les gouttes d'eau ; ce qui peut favoriser la formation d'un nuage inflammable. De plus, la turbulence induite par les gouttes d'eau aspergées peut provoquer une accélération de flamme en cas de combustion. Aussi, la compétition entre ces effets négatifs ou positifs pour la sûreté a conduit à modifier la gestion du système d'aspersion en situation d'accident grave, décalant sa mise en œuvre pour permettre aux recombineurs de réduire fortement la concentration d'hydrogène.

La compréhension fine des phénomènes demeure donc un enjeu important pour optimiser les mesures prises pour gérer une situation accidentelle. Ce constat a été souligné dans le rapport de l'ASN sur les évaluations complémentaires de sûreté menées après l'accident de Fukushima-Daiichi. Outre les deux problèmes mentionnés ci-dessous et reconnus par la communauté des experts, le rapport montre notamment la nécessité d'étudier le risque d'explosion d'hydrogène dans l'espace entre les deux parois des enceintes des réacteurs de 1300 MWe et dans les dispositifs d'éventage-filtration (filtre U5) des enceintes de confinement.

Axes de recherche

Le projet MITHYGÈNE, coordonné et animé par l'IRSN, comporte trois volets constitués chacun de plusieurs axes thématiques. Le projet qui regroupe un partenaire universitaire - l'Institut Icare - des partenaires institutionnels - IRSN, CEA et l'Institut allemand Julich - et un partenaire industriel - la société Arcys. Par ailleurs, deux industriels soutiennent le projet : EDF et Air-Liquide.

- Premier volet (2013-2016)

Il avait pour objectif d'améliorer la prédictibilité des outils de calcul qui évaluent le risque d'explosion d'hydrogène et de développer une instrumentation in situ, en temps réel, dédiée à la mesure des gaz et qualifiée pour les conditions d'accidents graves.

Quatre axes de recherches avaient été identifiés :

  • L'axe 1 avait pour but de réaliser des études expérimentales et numériques de la distribution de l'hydrogène en tenant compte de l'effet des moyens de mitigation. Les résultats de ces études ont permis d'améliorer la capacité des outils de calcul à prédire des situations non couvertes par les programmes nationaux et internationaux ;

  • L'axe 2 visait à réaliser des études expérimentales et numériques de la propagation de flammes de l'hydrogène en tenant compte de l'impact de la vapeur d'eau, de la présence des gouttes d'eau ou encore des conditions thermodynamiques. Les expériences ainsi réalisées ont permis d'une part d'affiner les données disponibles grâce à l'utilisation d'une instrumentation détaillée et d'autre part à combler le manque de données sur la propagation de flammes d'hydrogène en milieu humide. Les études numériques ont permis d'améliorer les modèles de combustion implantés dans les outils de calcul et à élargir leur domaine de validation 

  • l'axe 3 avait pour objectif de réaliser des études expérimentales et numériques de la tenue des structures suite à une combustion d'hydrogène. Différents régimes de combustion ont été étudiés pour améliorer la connaissance sur les effets de la combustion sur les structures ;

- Deuxième volet (2016-2018)

À caractère plus applicatif, le second volet visait à valoriser les connaissances acquises à l'issue de la réalisation du premier volet.

Trois axes d'application avaient été identifiés :    

  • l'axe 5 avait pour but de préparer l'industrialisation du prototype à spectroscopie Raman de mesure des concentrations d'hydrogène qui a été développé lors de la réalisation de l'axe 4

  • l'axe 6 visait à synthétiser les résultats obtenus et à améliorer les pratiques des industriels en matière de gestion du risque d'explosion d'hydrogène dans leurs propres installations ;

  • L'axe 7 avait pour objectif d'interpréter les accidents survenus dans l'installation de Fukushima Daiichi.

Le projet, d'une durée initiale de cinq ans (2013-2018), a été prolongé pour trois années supplémentaires, avec une extension à caractère industriel.

- Extension (2018-2021)

L'extension du projet MITHYGÈNE vise à permettre le passage du prototype de laboratoire développé lors du second volet (axes 4 et 5) au premier produit prototype industriel de mesure. Il permettra de disposer d'une information en temps réel sur la composition de l'atmosphère dans l'enceinte de confinement et dans l'espace entre les deux parois de l'enceinte de confinement en situation d'accident grave. Ces travaux seront réalisés par un consortium composé de l'IRSN, du CEA/LIST et de la société Arcys.

Quatre nouveaux axes de recherche et développement ont été identifiés :

  • l'axe 1 concerne la rédaction des spécifications techniques détaillées et du plan de qualifications du dispositif de mesure industriel en s'appuyant sur les travaux réalisés dans les deux volets précédents du projet ;

  • L'axe 2 a pour but de développer l'instrumentation Raman (sonde et système optoélectronique associé) sur laquelle se base l'équipement de mesure de l'hydrogène dans l'atmosphère de l'enceinte ;

  • L'axe 3 consiste à valider et qualifier le dispositif de mesure industriel complet

  • L'axe 4 vise à valoriser le dispositif comme moyen de gestion du risque. Il s'agit de proposer sur la base des études de scénarios, des améliorations des procédures de gestion des accidents graves en incluant l'information sur la composition de l'atmosphère de l'enceinte de confinement.

Conclusion

La première phase du projet MITHYGÈNE avait permis d’améliorer la prédictibilité des outils de calcul utilisés pour l’évaluation du risque d'explosion d'hydrogène et à développer une instrumentation in situ, en temps réel, dédiée à la mesure des gaz et qualifiée pour les conditions d'accidents graves. Il s'agissait de réaliser des études expérimentales et numériques sur la distribution de l'hydrogène dans l'enceinte mais aussi sur la propagation des flammes d'hydrogène et la tenue des structures du réacteur face à la combustion du gaz.

Outre la constitution d’une base de données expérimentales unique pour la validation des outils de calculs utilisés pour l’évaluation de la sûreté, les résultats ont permis de dégager des enseignements sur l’emplacement optimale des recombineurs dans l’enceinte de confinement, ou encore la mise en exergue, pour la première fois, l’accentuation de l’accélération de flamme dès la mise en service de l’aspersion.

La deuxième phase a été dédiée à l’amélioration des performances du prototype de mesures des 6 gaz (H2, O2, N2, CO, H2O, CO2) simultanément dans un environnement représentatif des accidents graves.

Les connaissances acquises ont fait l’objet de nombreuses publications scientifiques et de rapports OCDE et IAEA. Elles ont permis aussi l’organisation de deux benchmarks internationaux dans le cadre ETSON et de participer à l’analyse des accidents de Fukushima dans le cadre des projets OCDE/ARC-F et FACE.​

Les laboratoires IRSN impliqués

Les laboratoires LECEV, LIE - Le bureau d'études : B2EGR

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