Séisme du sud de la Turquie du 6 février 2023 - Note d'information
Rappel des faits
Lundi 6 février 2023 à 1h17 temps universel, un séisme de magnitude de moment 7,8 s’est produit au sud de la Turquie à la limite avec la Syrie (Figure 1). Sa profondeur est estimée à 17,9 km par le service géologique des États-Unis (USGS). Ce séisme est le plus fort enregistré en Turquie depuis le séisme d’Erzincan de 1939, également de magnitude de moment 7,8.
La secousse a fait des nombreux dégâts dans la province turque de Gaziantep où des effondrements d’immeubles ont été répertoriés dans des nombreuses villes. Les informations sur l’impact du séisme sur le territoire syrien sont plus incertaines à cause de la situation géopolitique de la région.
La secousse principale est suivie par de nombreuses répliques, la séquence est en cours. Une forte réplique de magnitude de moment 7,5 a eu lieu le 6 février à 10h24 TU (Figure 1). Le séisme s’est produit sur la faille est-anatolienne, sur laquelle le séisme d’Elazig de magnitude de moment 6,8 a eu lieu en 2020 (fiche IRSN).
Contexte géodynamique et sismicité régionale
Le séisme s’est produit sur la faille est-anatolienne (EAF), une structure d’environ 700 km marquant la limite méridionale du bloc anatolien poussé vers l’ouest par la convergence de la plaque Arabie vers l’Eurasie (Figure 2). Cette faille présente un taux de glissement qui varie entre ~10 mm par an à l’est et 1-4 mm par an à l’ouest (Güvercin et al. 2022).
Plusieurs séismes majeurs ont eu lieu sur la faille est-anatolienne dont le séisme d’Elazig de magnitude de moment 6,8 en 2020 (Figure 3 en rouge).
Le séisme du 6 février 2023 est le séisme le plus fort recensé sur la partie méridionale de la faille est-anatolienne. Selon plusieurs auteurs (Güvercin et al. 2022 ; Duman et Emre 2013) cette partie est celle qui a causé les plus forts séismes notamment celui de 1822 de magnitude 7,5 (Duman et Emre 2013) qui a provoqué entre 20 000 et 60 000 victimes (source USGS) et celui de 1872 de magnitude 7,2 (Güvercin et al. 2022 – Figure 3), les deux événements ont eu lieu sur le segment de faille en bleu clair en Figure 3
Le séisme du 6 février et ses répliques ont mobilisé plusieurs segments de la faille est-anatolienne. Le choc principal a engendré une rupture d’environ 200 km de longueur sur une profondeur d’environ 25 km avec un déplacement maximal sur la faille d’environ 3 m selon l’USGS. Il a intéressé les segments de faille de Amanos (bleu clair en Figure 3) et de Pazarcik (orange en Figure 3) qui ont généré les séismes de 1872 et de 1795. La réplique principale de magnitude de moment 7,5 s’est produite sur la faille de Sürgü, un segment adjacent à la faille est-anatolienne (Figure 3).
Mouvements sismiques enregistrés
Le 7 février l’AFAD (l’institut Turque en charge de la gestion de crise) a publié les informations relatives aux mouvements sismiques enregistrés par les réseaux sismologiques turques, parmi lesquels on remarque une ligne de stations installées le long du tracé du segment de la faille est-anatolienne qui a rompu pendant le séisme principal. Sur la base de ces informations il apparaît que les valeurs d’accélération maximale du sol enregistrées le long du segment de faille rompu par le séisme présentent une forte variabilité. Les stations localisées au sud de la rupture ont enregistré des accélérations du sol maximales d’environ 0,7 g (g étant l’accélération de la pesanteur égale à 9,8 m/s2 à la surface de la Terre). Ces observations seront utilisées pour analyser les caractéristiques de la rupture sismique.
Conséquences sur les installations nucléaires
Aujourd’hui la Turquie ne dispose pas de réacteur nucléaire en fonctionnement. L’installation nucléaire la plus proche de la zone de rupture est située à environ 240 km sur le site d’Akkuyu situé le long de la côte méditerranéenne dans province de Mersin (Figure 5). Sur ce site, la construction de quatre réacteurs à eau sous-pression de 1200 MWe chacun (VVER) est en cours. L’Agence fédérale russe de l’énergie atomique (ROSATOM), en charge de ce chantier, a indiqué que le séisme n’a pas affecté le site d’Akkuyu (source Reuters). Cette information est corroborée par les enregistrements du séisme publiés par l’AFAD qui indique des accélérations du sol inférieures à 0,01 g dans cette région (Figure 4).
Références
- Güvercin, S. E., Karabulut, H., Konca, A. Ö., Doğan, U., & Ergintav, S. (2022). Active seismotectonics of the East Anatolian Fault. Geophysical Journal International, 230(1), 50-69.
- Duman, T. Y., & Emre, Ö. (2013). The East Anatolian Fault: geometry, segmentation and jog characteristics. Geological Society, London, Special Publications, 372(1), 495-529.
- Hubert-Ferrari, A., King, G., Woerd, J. V. D., Villa, I., Altunel, E., & Armijo, R. (2009). Long-term evolution of the North Anatolian Fault: new constraints from its eastern termination. Geological Society, London, Special Publications, 311(1), 133-154.
- Site web USGS sur le choc principal : https://earthquake.usgs.gov/earthquakes/eventpage/us6000jllz/executive
- Site de l’AFAD : https://tadas.afad.gov.tr/event-detail/14742