Bilan 2021 des expositions professionnelles aux rayonnements ionisants en France : vers un « retour à la normale » après la crise sanitaire due à la COVID-19.
Ce bilan 2021 est décliné, comme l’an passé, dans une version numérique et interactive : expro.irsn.fr qui facilite l’observation temporelle des données et permet leur téléchargement pour une réutilisation personnalisée. Cette nouvelle présentation permet d’accroître le potentiel de valorisation des données et de remplir plus largement la mission d’information de l’IRSN aussi bien auprès des experts que du grand public.
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PRINCIPAUX CONSTATS
En 2021, 392 180 travailleurs suivis dans le cadre d’activités professionnelles les exposant à des sources artificielles ou naturelles de rayonnements ionisants, soit un effectif en hausse de 1,2 % par rapport à 2020, et qui permet de retrouver un effectif comparable à celui des années 2019 et 2018.
Cet effectif se répartit en 370 756 travailleurs dans des activités civiles du domaine nucléaire, de l’industrie, de la recherche et du médical ou dans des installations et activités intéressant la défense, et 21 424 travailleurs suivis pour une exposition à la radioactivité naturelle. Comme les années précédentes, c’est dans le domaine médical (60 %) et dans celui du nucléaire (22 %) que les effectifs se trouvent principalement.
Une dose collective[1] et une dose individuelle moyenne en hausse par rapport à 2020 mais qui restent inférieures à celles des années précédentes
En 2021, la dose collective pour l’ensemble des travailleurs suivis s’établit à 82,7 H.Sv, soit 14 % de plus par rapport à 2020 (72,4 H.Sv). Cette augmentation concerne tous les domaines d’activité, mais est principalement liée à l’augmentation du volume des travaux de maintenance dans l’industrie nucléaire, en lien avec une amélioration de la situation sanitaire due à la COVID-19. Cette dose collective reste néanmoins inférieure à celle des années précédentes (112,3 H.Sv en 2019 et 104,1 H.Sv en 2018).
En 2021, la dose individuelle moyenne s’établit à 0,85 mSv, en hausse de 9 % par rapport à 2020 (0,78 mSv) pour des raisons similaires à la dose collective. Elle reste cependant inférieure à celle des années précédentes (1,20 mSv en 2019 et 1,12 mSv en 2018). Près de 94 % des travailleurs suivis ont reçu une dose annuelle inférieure à 1 mSv[2] . Un dépassement de la limite annuelle réglementaire (20 mSv sur 12 mois glissants) a été enregistré pour un travailleur (contre sept en 2020). Un dépassement concerne la limite de dose à la peau (supérieure à 500 mSv sur douze mois glissants). Un dépassement concerne la limite de dose au cristallin (supérieure à 50 mSv sur l’année civile 2021).
Des doses individuelles moyennes variables selon les domaines d’activité
La dose individuelle moyenne la plus élevée est celle des travailleurs du nucléaire (1,33 mSv). Viennent ensuite les travailleurs exposés à la radioactivité naturelle, qui sont, à plus de 98 %, des personnels navigants soumis au rayonnement cosmique puis ceux de l’industrie non nucléaire qui ont reçu respectivement des doses individuelles moyennes de 1,12 mSv et 0,97 mSv. Enfin, le domaine médical et vétérinaire et le domaine de la recherche présentent les doses annuelles individuelles moyennes les plus faibles, inférieures ou égales à 0,28 mSv.
Une exposition interne limitée
En 2021, 232 140 analyses ont été réalisées en routine pour le suivi de l’exposition interne : trois travailleurs ont eu une dose efficace engagée supérieure ou égale à 1 mSv.
FOCUS THEMATIQUES
Comme chaque année, des focus sur des thèmes porteurs d’enjeux viennent compléter le rapport.
HERCA
Le réseau ODCRR (Occupational Dose Collection, Registration and Reporting) d’HERCA (association des Autorités de radioprotection européennes) a lancé, en mars 2021, un questionnaire portant notamment sur les pratiques courantes en termes de surveillance individuelle de l’exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants. Des réponses reçues, il ressort que l’exposition au radon dans les lieux de travail et l’exposition au cristallin figurent parmi les thématiques présentant le plus d’intérêt.
Etude Experts
Cette étude ciblée porte sur l’EXposition des Professionnels de santE aux RayonnemenTs ioniSants (étude EXPERTS) issue des CHU de l’AP-HP (Paris), de Bordeaux et de Clermont-Ferrand. Les résultats montrent que l’exposition externe des travailleurs de santé diminue d’année en année sur la période 2009-2019 et que l’exposition dans les services de médecine nucléaire reste la plus élevée. Cette étude s’est également basée sur les résultats d’un questionnaire envoyé à tous les professionnels inclus dans l’étude montrant notamment que les moyens de protection (tablier et/ou paravent) sont assez fréquemment utilisés.
Exposition des travailleurs dans le secteur de la médecine vétérinaire
Ce focus fait suite à l’utilisation croissante des rayonnements ionisants dans le secteur de la médecine vétérinaire. L’analyse de l’exposition des travailleurs concernés sur les années 2017 à 2021 montre que les doses individuelles moyennes au corps entier sont faibles et globalement similaires chez les vétérinaires et les auxiliaires spécialisés vétérinaires. Concernant la dosimétrie des extrémités, les effectifs suivis et les doses enregistrées sont faibles. Toutefois, la question est de savoir si les personnes réellement exposées aux extrémités du fait de leur pratique portent des dosimètres.
Exposition des travailleurs dans le secteur de la fabrication du combustible
Le rapport présente les résultats d’une étude spécifique sur l’exposition des travailleurs du secteur de la fabrication du combustible, secteur du nucléaire présentant la dose individuelle la plus élevée. Ces résultats montrent que les doses individuelles moyennes enregistrées au cours des quatre dernières années sont assez stables pour les travailleurs de ce secteur. L’IRSN relève aussi que les métiers les plus exposés sont les opérateurs de fabrication et les électriciens ou électroniciens.
Le rapport présente les résultats d’une étude spécifique sur l’exposition des travailleurs du secteur de la fabrication du combustible, secteur du nucléaire présentant la dose individuelle la plus élevée. Ces résultats montrent que les doses individuelles moyennes enregistrées au cours des quatre dernières années sont assez stables pour les travailleurs de ce secteur. L’IRSN relève aussi que les métiers les plus exposés sont les opérateurs de fabrication et les électriciens ou électroniciens.
Exposition du cristallin de l’œil des travailleurs dans le domaine nucléaire
Cette étude ciblée fait suite au décret n° 2018-437 du 4 juin 2018 qui a introduit un abaissement de la limite réglementaire d’exposition du cristallin sur 12 mois, pour prévenir le risque de cataracte radio-induite. Il ressort de cette étude que :
- Pour certains postes de travail, le cristallin peut être davantage exposé que la poitrine chez les travailleurs du domaine nucléaire ;
- Le métier de décontamineur apparait comme le plus exposé.
Exposition des travailleurs du secteur du démantèlement
A la suite du bilan 2020, l’édition 2021 présente une mise à jour des résultats du suivi de l’exposition externe et de l’exposition interne enregistrés pour les travailleurs identifiés comme étant intervenus sur l’un des trois sites en démantèlement suivants : les installations nucléaires de base (INB) n°165 et n°166 du CEA de Fontenay-aux-Roses, la centrale nucléaire EDF de Chooz A et les ateliers rattachés à l’usine UP2-400 du site ORANO de La Hague. L’ensemble des travailleurs de ces trois sites présentent des expositions externes qui restent globalement faibles. Le risque prépondérant dans l’activité de démantèlement, par rapport aux autres activités du secteur nucléaire, se confirme être la contamination interne, puisqu’en 2021, les résultats du suivi de l’exposition interne sont positifs pour 8 % des travailleurs ayant fait l’objet de ce suivi (comme en 2020), contre 0,2 % tous secteurs confondus du domaine nucléaire.
Exposition des travailleurs prestataires du nucléaire
Les prestataires du nucléaire réalisent une part très importante des opérations de maintenance des installations nucléaires, au plus près de la radioactivité. L’étude ciblée les concernant a également fait l’objet d’une mise à jour. L’activité de prestation, qui représente, comme les années antérieures, environ un tiers des effectifs du domaine nucléaire et plus des deux tiers de la dose collective de ce dernier, présente une dose individuelle moyenne en hausse par rapport à 2020 (1,8 mSv versus 1,6 mSv), et reste la plus élevée du domaine après celle du secteur de la fabrication du combustible. Cette hausse est attribuée à la réalisation de certaines interventions de maintenance en 2021 par ces prestataires dont certaines avaient été reportées/décalées du fait de la crise sanitaire due à la COVID-19 en 2020. Concernant le suivi de l’exposition interne, les résultats des analyses individuelles sont positifs pour 0,5 % des travailleurs (0,7 % en 2020) avec des doses associées toujours faibles.
Notes :
- La dose collective d’un groupe de personnes est la somme des doses individuelles reçues par ces personnes. A titre d’exemple, la dose collective de 1 000 personnes ayant reçu chacune 1 mSv est égale à 1000 homme.mSv soit 1 homme.Sv (H.Sv).
- Les valeurs de 1 mSv et de 5 mSv sont des valeurs repères : 1 mSv est la limite réglementaire de dose pour le public et 5 mSv est le quart de la limite réglementaire de dose pour les travailleurs, qui constitue un seuil d’obligation de déclaration à l’Autorité de Sûreté Nucléaire