Apport des traceurs à la compréhension des processus de transport au sein de formations argileuses indurées
Sébastien Savoye a soutenu son HDR le 24 janvier 2008
à l'Université Paris-Sud d'Orsay.
Dr. Pierre de Cannière, SCK-CEN Mol, Rapporteur
Pr. Roberto Gonfiantini, CNR Pise, Examinateur
Pr. Ghislain de Marsily, Université Paris 6, Examinateur
Pr. Martin Mazurek, Université de Berne, Rapporteur
Pr. Maurice Pagel, Université Paris 11, Examinateur
Pr. Pierre Toulhoat, Université Lyon 1, Rapporteur
Mes travaux ont porté sur l’étude des processus de migration au sein des formations
argileuses indurées et ce, dans le cadre des recherches réalisées sur la faisabilité d’un
stockage des déchets radioactifs en milieu géologique profond. Afin d’appréhender
les effets d’échelles, de la diffusion au travers d’un échantillon de taille centimétrique
au laboratoire, jusqu’au transfert dans le massif argileux, je me suis appuyé sur deux
outils complémentaires, les traceurs artificiels et les traceurs naturels.
Les investigations menées à l’aide des traceurs artificiels ont permis de lever plusieurs
interrogations. Tout d’abord, les expériences de diffusion menées directement en forage
sur le terrain ont conduit à des valeurs de coefficients de diffusion légèrement plus
grandes que celles obtenues à partir d’expériences réalisées au laboratoire, suggérant
un possible effet d’échelle, même faible, imputable à l’existence d’une zone perturbée
autour du forage. En outre, il apparaît que l’influence de fractures de diverses origines
(tectoniques, liée à la dé-saturation, artificiellement créée) sur la diffusion du tritium
est faible, voire nulle, tandis que les zones situées à proximité des fractures d’origine
tectonique voient leurs propriétés de confinement diminuées, ces zones ayant été
probablement endommagées lors de la mise en place des dites fractures. Enfin, quant
aux travaux qui ont trait au comportement des ions iodures vis-à-vis de l’argilite de
Tournemire, ils ont principalement montré toute la difficulté de mettre en évidence
leurs affinités pour le substrat, avec des niveaux si faibles, mais sachant que si affinité
il y a, même infime, cela peut changer drastiquement les calculs de «performance
assessement». Néanmoins, après moult améliorations, son affinité pour l’argilite de
Tournemire a été démontrée à l’aide des expériences en milieu dispersé. En revanche,
les résultats obtenus par diffusion radiale sont plus discutables, car même si rien
ne semble l’indiquer, on ne peut exclure une contamination par l’oxygène de l’air,
puisqu’aucune précaution n’avait été prise dans ce sens.
Concernant l’approche basée sur les traceurs naturels (les chlorures, les isotopes
stables de l’eau), plusieurs avancées méthodologiques significatives ont été réalisées.
En effet, du fait des propriétés extrêmes de ces matériaux argileux (faible teneur en
eau, taille de pore nanométrique), il a été nécessaire en premier lieu d’évaluer les
méthodes d’acquisition de ces teneurs en traceur et le cas échéant, d’en développer
de nouvelles. Ainsi, nous avons montré que la méthode classiquement utilisée en
science des sols -la distillation sous vide à basse température- n’était pas adaptée
à ce matériau. En effet, comme la totalité de l’eau porale n’est pas extractible à la
température de 50 °C, cela conduit à un appauvrissement systématique des teneurs
en isotopes stables mesurées, et ce, par distillation incomplète. Par ailleurs, une
technique, la diffusion radiale, initialement mise au point pour les argiles plastiques,
a été adaptée aux argilites. Cette technique, contrairement à la distillation, est basée
sur le même processus qui prévaut à l’échelle du massif, c’est-à-dire la diffusion, ce
qui permet de ne mobiliser que les traceurs réellement impliqués dans le transport.
Elle permet ainsi la détermination conjointe des teneurs en isotopes stables de l’eau
et en chlorure, ainsi que des paramètres de diffusion associés. Enfin, les premières
reconstructions par modélisation de ces profils de traceurs naturels montrent que la
diffusion serait le moteur principal du transport, et ce, en utilisant dans ces simulations
comme paramètres de diffusion ceux déterminés à l’échelle du laboratoire. Ce dernier
point rendrait compte, s’il est confirmé, d’un faible effet d’échelle.