Prise en compte des erreurs de mesure dans l'analyse du risque associé à l'exposition aux rayonnements ionisants dans une cohorte professionnelle : application à la cohorte française des mineurs d'uranium
Rodrigue Sètchéou Allodji a soutenu sa thèse le 9 décembre 2011 à Villejuif.
Dans les études épidémiologiques, les erreurs de mesure de l’exposition étudiée peuvent biaiser l’estimation des risques liés à cette exposition. Un grand nombre de méthodes de correction de l’effet de ces erreurs a été développé mais en pratique elles ont été rarement appliquées, probablement à cause du fait que leur capacité de correction et leur mise en oeuvre sont peu maîtrisées. Une autre raison non moins importante est que, en l’absence de données répétées ou de données de validation, ces méthodes de correction exigent la connaissance détaillée des caractéristiques (taille, nature, structure et distribution) des erreurs de mesure.
L’objectif principal de cette thèse est d’étudier l’impact de la prise en compte des
erreurs de mesure dans les analyses du risque de décès par cancer du poumon associé à l’exposition au radon à partir de la cohorte française des mineurs d’uranium (qui ne dispose ni de données répétées, ni de données de validation). Les objectifs spécifiques étaient (1) de caractériser les erreurs de mesure associées aux expositions radiologiques (radon et ses descendants, poussières d’uranium et rayonnements gamma), (2) d’étudier l’impact des erreurs de mesure de l’exposition au radon et à ses descendants sur l’estimation de l’excès de risque relatif (ERR) de décès par cancer du poumon et (3) d’étudier et comparer la performance des méthodes de correction de l’effet de ces erreurs.
La cohorte française des mineurs d’uranium comprend plus de 5000 individus
exposés de manière chronique au radon et à ses descendants qui ont été suivis en moyenne pendant 30 ans. Les erreurs de mesure ont été caractérisées en prenant en compte l’évolution des méthodes d’extraction et de la surveillance radiologique des mineurs au fil du temps. Une étude de simulation basée sur la cohorte française des mineurs d’uranium a été mise en place pour étudier l’impact de ces erreurs sur l’ERR ainsi que pour comparer la performance des méthodes de correction.
Les résultats montrent que les erreurs de mesure de l’exposition au radon et à ses
descendants ont diminué au fil des années. Pour les premières années, avant 1970, elles dépassaient 45 % et après 1980 elles étaient de l’ordre de 10 %. La nature de ces erreurs a aussi changé au cours du temps ; les erreurs essentiellement de nature Berkson ont fait place à des erreurs de nature classique après la mise en place des dosimètres individuels à partir de 1983. Les résultats de l’étude de simulation ont montré que les erreurs de mesure conduisent à une atténuation de l’ERR vers la valeur nulle, avec un biais important de l’ordre de 60 %. Les trois méthodes de correction d’erreurs considérées ont permis une réduction notable mais partielle du biais d’atténuation. Un avantage semble exister pour la méthode de simulation extrapolation (SIMEX) dans notre contexte, cependant, les performances des trois méthodes de correction sont fortement tributaires de la détermination précise des caractéristiques des erreurs de mesure.
Ce travail illustre l’importance de l’effet des erreurs de mesure sur les estimations de
la relation entre l’exposition au radon et le risque de décès par cancer du poumon. L’obtention d’estimation de risque pour laquelle l’effet des erreurs de mesure est corrigé devrait s’avérer d’un intérêt majeur en support des politiques de protection contre le radon en radioprotection et en santé publique.