Anomalie de niveau 2 sur les pompes de sûreté de 34 réacteurs 900 MWe d'EDF
EDF a informé la DGSNR et l’IRSN d’une anomalie susceptible d’affecter la sûreté des réacteurs de 900 MWe dans certaines situations accidentelles. Cette anomalie concerne la mise en évidence, lors d’essais à échelle 1 en usine, de vibrations anormales de pompes de sauvegarde RIS et EAS.
Systèmes et matériels concernés
Le combustible des réacteurs à eau sous pression est, en fonctionnement normal, refroidi par de l’eau circulant dans le circuit primaire, maintenu à une pression d’environ 155 bars. En cas de brèche de ce circuit (accident de perte de réfrigérant primaire), le réacteur est arrêté automatiquement. Mais il convient d’évacuer la puissance qui continue de se dégager du combustible, du fait de la radioactivité des produits formés pendant le fonctionnement du réacteur ; ce refroidissement doit être assuré sur des durées importantes. A cette fin, un système dénommé système d’injection de sécurité (RIS) permet d’envoyer de l’eau dans le cœur du réacteur tandis que la vapeur qui se dégage par la brèche du circuit primaire est condensée dans l’enceinte de confinement par le système d’aspersion dans l’enceinte (EAS) qui pulvérise de l’eau sous le dôme de l’enceinte.
Dans un premier temps, l’eau utilisée pour l’injection de sécurité et pour l’aspersion dans l’enceinte de confinement provient d’un réservoir (PTR) d’une capacité de 1600 m3 pour une tranche de 900 MWe. Quand le réservoir PTR est vide, au bout d’un temps variable selon l’importance de la brèche (de l’ordre de 30 minutes pour la rupture instantanée de la plus grosse tuyauterie), les systèmes d’injection de sécurité et d’aspersion dans l’enceinte de confinement sont alimentés par l’eau récupérée au fond de l’enceinte de confinement dans des puisards prévus à cet effet. Les systèmes RIS et EAS fonctionnent alors en circuit fermé et permettent d’évacuer la puissance résiduelle du réacteur. Ces systèmes mettent en œuvre des groupes motopompes à axe vertical (2 motopompes permettent d'assurer le débit nécessaire pour chacun des systèmes). Le moteur et la pompe sont installés verticalement à deux niveaux différents distants de plus de quatre mètres.
Historique et actions de l’IRSN
Des essais des matériels sont effectués en usine par les constructeurs en vue de leur qualification (ou de leur recette) mais ils ne sont pas toujours représentatifs des conditions d'implantation et de fonctionnement réelles. D'une façon générale, l’IRSN a toujours souligné l’importance de réaliser des essais représentatifs des conditions accidentelles dans lesquelles les matériels seraient utilisés.
Plus précisément, dès les années 1980, EDF et l’IPSN ont engagé des échanges techniques sur le comportement à long terme des motopompes de sauvegarde. A la suite de ces échanges, EDF a réalisé, en complément des essais réalisés en usine, un essai d’endurance sur site d’une pompe du système d'aspersion dans l'enceinte lors des essais de démarrage des premières tranches de 1300 MWe. Un essai de 2000 heures a ainsi été effectué à Saint-Alban 2 en 1985, sur un groupe motopompe de ce système.
Cet essai a mis en évidence un phénomène pouvant affecter la fiabilité des pompes : le soulèvement du rotor du moteur électrique dû à la dilatation du corps de pompe lorsque celle-ci aspire de l'eau chaude. Or, en cas d'accident de perte de réfrigérant primaire, selon les estimations de l'IRSN, la température de l'eau des puisards pourrait atteindre 120°C. Une modification a alors été définie par EDF pour éviter le soulèvement du rotor et mise en place sur l'ensemble des réacteurs de 1300 MWe.
De plus, compte tenu des constatations rappelées ci-dessus, lors du premier réexamen de sûreté des tranches de Fessenheim et Bugey après une dizaine d'années d'exploitation, l’IPSN a recommandé que des essais analogues de recirculation à grand débit soient effectués sur les pompes du système d'injection de sécurité à basse pression avec aspiration dans le puisard situé au fond du bâtiment du réacteur. Bien que réalisés à froid et d’une durée plus courte que ceux décrits plus haut, les essais ainsi réalisés sur Fessenheim 2 sont beaucoup plus représentatifs des conditions réelles de fonctionnement des pompes en situation accidentelle que ceux effectués à faible débit pendant quelques dizaines de minutes dans le cadre des essais périodiques ; ils ont mis en évidence, au bout de plusieurs heures, des vibrations au niveau des moteurs d'amplitude supérieure aux valeurs impliquant l'arrêt volontaire des groupes motopompes pour éviter leur dégradation.
A la suite de ces essais, EDF a mis en place des améliorations sur l’ensemble des pompes RIS et EAS des réacteurs de 900 MWe. De plus, un suivi particulier du comportement vibratoire de ces matériels a été effectué par EDF. Compte tenu de la persistance de difficultés, EDF a plus récemment mené avec le constructeur des pompes une campagne d’essais afin d’améliorer la compréhension des phénomènes rencontrés. Ces essais ont été réalisés en simulant l’échauffement de l’ensemble motopompe dans une boucle d’essai à l’échelle 1. Ils ont de plus permis de tester des solutions techniques permettant de réduire de façon pérenne les vibrations constatées au niveau du moteur. Parmi les solutions étudiées, EDF a retenu de remplacer les roulements à billes du palier supérieur de chaque moteur, en vue d'empêcher le soulèvement du rotor du moteur qui est à l’origine des phénomènes vibratoires susceptibles d’endommager les moteurs des pompes RIS et EAS après plusieurs heures de fonctionnement.
EDF a indiqué que les modifications ainsi définies seront mises en place dans les mois à venir sur l’ensemble des réacteurs de 900 MWe. Dans l’attente de la mise en place de ces modifications, EDF prévoit de mettre en oeuvre des dispositions particulières de conduite et d’intervention permettant d'assurer au mieux les missions des systèmes RIS et EAS dans les situations accidentelles considérées.
L’IRSN va procéder à un examen critique des résultats des essais réalisés par EDF et des modifications prévues par EDF, y compris des modalités d’intervention et de requalification des matériels sur les sites.
Pour les tranches du palier N4, EDF avait entrepris avant leur démarrage, des essais d'endurance de 1500 heures sur les pompes des systèmes de sauvegarde.