Appréciation du risque sismique pour la centrale nucléaire de Fessenheim : analyse du rapport du bureau d'études RESONANCE
En 2007, les cantons suisses de Bâle et du Jura ont mandaté le bureau d’études suisse RESONANCE pour effectuer une expertise dont l’objectif était d’évaluer si la sûreté sismique de la centrale nucléaire de Fessenheim en vigueur actuellement correspondait à l’état actuel de la science et de la technique.
Le rapport du bureau d’études RESONANCE, qui a été rendu public en décembre 2007, conclut en indiquant que « la réévaluation de l’aléa sismique [1], telle que proposée jusqu’à présent par EDF en vue de la 3ème visite décennale de la centrale de Fessenheim, mène à une sous-estimation prononcée de l’aléa et n’est donc pas acceptable. Le même constat est valable, dans une moindre mesure, pour la réévaluation de l’aléa proposée par l’IRSN ». Dans ces conditions, pour ce qui concerne le dimensionnement de la centrale, le bureau d’étude suisse jugeait « impératif de procéder à un contrôle sismique approfondi des bâtiments et des installations ».
L’IRSN souligne que l’évaluation de l’aléa sismique pour une centrale nucléaire est périodiquement revue, tous les 10 ans, à l’occasion des études effectuées en préparation des visites décennales des réacteurs. Ces études sont l’occasion d’examiner leur niveau de sûreté en prenant en compte les éléments nouveaux apparus depuis l’examen précédent ; ceci concerne notamment le domaine des connaissances sur les séismes. Les conclusions de ces études peuvent conduire à des modifications des installations, par exemple, dans le domaine du risque sismique, à des travaux de renforcement. C’est le cas pour la centrale de Fessenheim pour laquelle des travaux conséquents doivent être effectués à partir de 2009.
Les évaluations d’aléa sismique en France sont conduites en utilisant une méthode déterministe (dite Règle Fondamentale de Sûreté 2001-01). Celle-ci est une modification d’une règle plus ancienne, qui a été adoptée en 2001 après un examen approfondi de l’état de l’art. Le choix a été fait alors de conserver une approche déterministe, qui ne doit en aucun cas être opposée à une approche probabiliste [2]. Ces deux types d’approche, qui utilisent les mêmes données de base, sont complémentaires et ont l’une et l’autre leurs mérites respectifs. Depuis plusieurs années, l’IRSN a choisi de mener en parallèle, sur ces sujets, des études déterministes et des études probabilistes.
Pour ce qui concerne les points plus techniques soulevés par les experts du bureau RESONANCE, l’IRSN souligne les éléments suivants :
- L’évaluation de la magnitude du séisme de Bâle de 1356 retenue par l’IRSN dans son étude de 2002 (magnitude de 6,0) est conforme aux connaissances de l’époque. Des études récentes menées par l’IRSN et publiées en 2006 dans une revue scientifique pourraient conduire à réévaluer la magnitude de ce séisme à la hausse. Ce sujet fait actuellement l’objet de discussions avec EDF et l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) dans le cadre d’un groupe de travail spécifique.
- L’IRSN a toujours retenu un séisme proche [3] dans les évaluations de l’aléa sismique qu’il a conduites pour le site de Fessenheim. Ce sujet fait également l’objet de discussions dans le groupe de travail précité.
En conclusion, pour l’IRSN, le rapport du bureau d’études RESONANCE conforte la démarche réglementaire qui impose de réexaminer régulièrement l’aléa sismique retenu pour les installations nucléaires.
L’IRSN souligne par ailleurs qu’il n’existe pas, à l’heure actuelle, d’éléments permettant de privilégier une démarche d’évaluation probabiliste de l’aléa sismique par rapport à une évaluation déterministe telle que pratiquée pour les installations nucléaires françaises, les deux approches étant complémentaires.
Enfin, la plupart des questions techniques détaillées dans le rapport font l’objet de discussions suivies entre l’IRSN, EDF et l’ASN dans la perspective des prochaines visites décennales des installations du parc électronucléaire, sachant que d’ores et déjà des travaux de renforcement conséquents seront réalisés à Fessenheim à partir de 2009.
Télécharger l’analyse faite par l’IRSN concernant le rapport du bureau d’études RESONANCE relatif au risque sismique sur le site de Fessenheim.
Télécharger le rapport du bureau d’études RESONANCE Centrale nucléaire de Fessenheim : appréciation du risque sismique
Notes :
- L’aléa sismique correspond à la probabilité qu’une secousse sismique d’une certaine importance puisse affecter une région durant une période de temps donnée.
- Dans le cadre d’une approche déterministe de l’aléa sismique, on s’intéresse principalement aux séismes connus les plus importants et aux mouvements du sol qu’ils génèreraient sur le site étudié, si ces séismes se produisaient à proximité du site. Dans l’approche probabiliste, on tient compte de la fréquence des séismes en fonction de leur magnitude, ce qui permet de définir l’aléa sous la forme d’une probabilité de dépasser un niveau donné de mouvement du sol (par exemple l’accélération du sol). Il est à noter que les deux approches nécessitent les mêmes données de base, à savoir un catalogue de sismicité qui recense les séismes (magnitude et localisation) passés dans la région étudiée.
- Dans le cadre de la méthode utilisée pour définir l’aléa sismique pour les installations nucléaires françaises, le séisme proche désigne un scénario sismique virtuel où un séisme se produirait directement à l’aplomb de la centrale.