Des bactéries symbiotiques à l’origine de la magnétoréception chez un microorganisme
Une équipe de chercheurs appartenant notamment au Biam (CEA-CNRS-Université Aix-Marseille) [1] et à l'IRSN a découvert un comportement symbiotique entre des bactéries douées de magnétisme et des microorganismes eucaryotes [2]. Cette étude parue fin avril dans Nature Microbiology ouvre de nouvelles perspectives sur la compréhension des mécanismes impliqués dans la coopération des sens. Magali Floriani, du Laboratoire IRSN d'écotoxicologie des radionucléides (LECO), a réalisé certaines des observations au microscope électronique en transmission (MET) des bactéries et microorganismes magnétiques.
La magnétoréception permet aux organismes de s'orienter et naviguer le long des lignes du champ géomagnétique. Les processus cellulaires et biophysiques impliqués dans cette fonction sont assez bien compris chez certains microorganismes procaryotes mais beaucoup moins chez les eucaryotes. Chez les bactéries magnétotactiques (MTB), la magnétoréception est assurée par des cristaux ferrimagnétiques biominéralisés dans des micro-compartiments appelés magnétosomes. La magnétoréception couplée à un système de chimiotactisme définissent ensemble la magnétotaxie dont le rôle est de faciliter le déplacement des bactéries vers les zones optimales de croissance.
Images au MET de deux microorganismes eucaryotes recouverts de bactéries magnétotactiques, en coupe transversale (A, A') et en coupe longitudinale (B, B'). © Magali Floriani/IRSN
Les chercheurs ont découvert dans des sédiments marins des microorganismes eucaryotes avec le même comportement magnétotactique que les MTB. Par des approches de microscopie et de génomique, ils ont montré que ces organismes vivent en symbiose avec des bactéries magnétiques non flagellées recouvrant entièrement la surface de l'hôte, formant un assemblage appelé holobionte3. C'est l'alignement des bactéries et de leur chaîne de magnétosomes le long de l'axe de mobilité de la cellule eucaryote qui permet au micro-holobionte de s'orienter. L'interaction durable et mutualiste des partenaires repose sur une double coopération impliquant non seulement une magnétotaxie collective mais également des échanges métaboliques. Cette dernière reposerait notamment sur l'échange d'hydrogène moléculaire produit par des organites du protiste, les hydrogénosomes, qui servirait de source d'énergie aux bactéries ectosymbiotiques4.
Images au MET de trois micro-holobiontes magnétotactiques (A, B, C) et zoom sur les bactéries ectosymbiotiques synthétisant les chainettes de magnétosomes (A', B', C'). © Magali Floriani/IRSN
Ces travaux sur les symbioses magnétotactiques font non seulement évoluer notre vision de la diversité des organismes sensibles au champ géomagnétique, mais étend également nos connaissances sur les stratégies écologiques impliquées dans l'adaptation des microorganismes à leur environnement. Les chercheurs souhaitent maintenant développer ce champ de recherche pour mieux comprendre les mécanismes fonctionnels et évolutifs impliqués dans la coopération des sens d'espèces en interaction et son rôle dans leur adaptation aux environnements anoxiques.
Lire la publication "Ectosymbiotic bacteria at the origin of magnetoreception in a marine protist"
Notes :
1- Institut de biosciences et biotechnologies d'Aix-Marseille
2- Désigne l'ensemble des organismes unicellulaires ou multicellulaires dont les cellules sont dites « eucaryotes ». Elles se distinguent des procaryotes par la présence d'un noyau.
3- Association d'un hôte, plante ou animal, à des microorganismes (bactéries, archées, micro-eucaryotes et virus) hébergés par cet hôte.
4- Symbiose dont les symbiotes vivent à la surface de leur hôte (et pas dedans : endosymbiose)