Bilan des incidents de transport de matières radioactives à usage civil : l'IRSN tire les enseignements des évènements déclarés entre 1999 et 2007

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21/10/2008

 

Quelque 900 000 colis de matières radioactives à usage civil sont transportés chaque année en France. La grande majorité de ces transports concerne des matières radioactives utilisées dans le domaine médical, pharmaceutique, industriel ou immobilier. Les transports de matières radioactives liées au cycle du combustible nucléaire ne représentent en effet que 15% des transports.

 

Figure 1 - Répartition des transports de matières radioactives par type d'utilisation


 

Il existe une grande variété de matières transportées qui diffèrent par leur poids (de quelques grammes à plusieurs dizaines de tonnes), leur forme, leur activité, leur conditionnement… Les risques associés sont également divers : contamination radioactive, exposition externe aux rayonnements ionisants, risque chimique…

 

Dans son rôle d’appui technique des autorités de sûreté et de radioprotection, l’IRSN a une mission d’expertise qui couvre la conception, la fabrication, les essais de mise en service et l’exploitation des emballages et systèmes de transport. L’Institut participe également à la gestion et à l’analyse des évènements survenant au cours des transports de matières radioactives. Dans ce cadre, l’IRSN gère notamment une base de données qui recense les écarts, anomalies, incidents et accidents déclarés (dénommés de manière générique « évènements ») relatifs à des transports. Afin de réduire les risques, le retour d’expérience résultant de l’analyse approfondie des évènements survenus est capitalisé par l’IRSN, de même que le retour d’expérience des expertises des dossiers de sûreté des différents modèles de colis. En s’appuyant sur ce retour d’expérience, l’IRSN propose des axes d’amélioration concernant les emballages et les dispositions de transport, des évolutions réglementaires ainsi que des thèmes d’inspection prioritaires au titre du contrôle effectué par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

L’IRSN a réalisé une analyse transverse de tous les évènements de transport de matières radioactives survenus en France de 1999 à 2007 répertoriés dans sa base de données, soit 901 évènements. Pour chacun, environ 70 informations ont été enregistrées à partir de l’analyse des déclarations et des comptes-rendus d’évènement transmis par les industriels (type d’évènement survenu, type de colis concerné, niveau de classement sur l’échelle INES [1]…). Cette synthèse permet de connaître l’évolution annuelle du nombre d’évènements de transport de matières radioactives ainsi que les niveaux de gravité associés. Elle présente également une description succincte de certains d’entre eux (les évènements à caractère radiologique et les évènements marquants de l’année 2007), ainsi qu’une analyse des types d’évènements les plus fréquents sur la période 1999-2007 avec indication des tendances d’évolution observées. Enfin, les principaux éléments qui peuvent être apportés par le retour d’expérience sont présentés ; ils sont de nature à permettre à l’ASN d’en tirer des enseignements en vue d’améliorer la sûreté des transports de matières radioactives.

 

Figure 2 - Evolution du nombre d'événements déclarés par an

 

Les principaux enseignements tirés des évènements de transport de matières radioactives survenus en France entre 1999 et 2007

 

Il peut être relevé que les évènements liés aux transports de matières radioactives ont diminué de 27% durant les années 2005-2007 par rapport aux années 1999-2004 (80 évènements par an en moyenne contre 110 précédemment) alors que le nombre de transports reste globalement stable. A cet égard, les mesures correctives mises en œuvre, notamment pour les types d’évènement les plus fréquents (par exemple les dépassements de limite de contamination surfacique), ont montré leur efficacité. Les fluctuations observées, notamment l’augmentation relative du nombre d’évènements survenus en 2006, puis en 2007, par rapport à l’année 2005, révèlent l’importance d’inscrire ces actions d’amélioration dans la durée. En effet, il est nécessaire que les actions correctives apportées ponctuellement à la suite d’incidents soient déployées dans le cadre d’un processus global d’amélioration.

De même, parmi tous ces évènements de transports de matières radioactives, peu sont classés comme « anomalies » et très peu comme « incidents » (10 évènements classés au niveau 1 en 2007), et les situations correspondantes ont été gérées sans risque pour la population ou l’environnement. Il y a notamment une bonne confiance et une bonne collaboration entre les acteurs de l’intervention sur le terrain. Cela est dû, en partie, au travail mené en profondeur via les formations, les exercices et l’analyse du retour d’expérience.

 

 

Figure 3 - Evolution de la répartition des événements - Cliquez sur l'image pour l'agrandir.

 

Plus particulièrement, l’analyse transverse des évènements de transport de matières radioactives survenus en France de 1999 à 2007 a mis en évidence les pistes d’amélioration essentielles suivantes :

  • Les déclarations des évènements dits « intéressant » le transport, classés hors échelle INES, sont une source d’analyse riche et il convient que l’ensemble des acteurs soient bien conscients de l’importance de les déclarer et de les analyser. Ces évènements sont en effet autant de « signaux faibles » qu’il convient d’interpréter convenablement pour éviter l’occurrence d’évènements plus graves.
  • Les évènements de contamination des colis et des moyens de transport, bien qu’en nette diminution, demeurent fréquents en 2007. L’effort observé sur les transports de combustibles irradiés est à étendre à l’ensemble des transports.
  • Le nombre d’évènements liés à un défaut d’arrimage du ou des colis reste significatif, en dépit de la baisse constatée en 2006 et 2007. Il en est de même pour les évènements liés aux chocs sur colis en manutention. Il convient, par conséquent, de rester attentif à ces évènements. L’analyse de ces deux types d’évènements révèle souvent des défauts d’information ou de formation des opérateurs. En particulier, le contrôle des sociétés prestataires qui réalisent les opérations de chargement/déchargement et de manutention des colis (notamment dans les aéroports) est essentiel.
  • Les erreurs de conditionnement sont à l’origine d’évènements qui peuvent avoir des conséquences significatives. En particulier, l’incident dont le niveau de gravité sur l’échelle INES est le plus important depuis 1999 (incident survenu le 27 décembre 2001 à Roissy au cours d’un transit lors d’un transport entre la Suède et les Etats-Unis) est lié à une erreur de conditionnement de pastilles d’iridium dans le colis, ce qui a conduit à leur déplacement hors de leur protection radiologique. Par ailleurs, un certain nombre d’évènements induits par une erreur de conditionnement peuvent avoir des conséquences significatives sur la sûreté du colis. Par exemple, la présence d’eau dans un colis en raison d’un séchage incomplet peut induire des risques de surpression associés à la tension de vapeur saturante ainsi que des risques d’inflammation liés à des phénomènes de décomposition de l’eau sous rayonnement (radiolyse). Aussi, une attention particulière est à apporter aux procédures de préparation des colis avant expédition ainsi qu’aux contrôles associés.
  • Enfin, les efforts sont à poursuivre pour prévenir les pertes de colis et, le cas échéant, retrouver rapidement les colis perdus, ceci afin d’éviter que des personnes non informées courent des risques importants en cas d’ouverture incontrôlée de ces colis.

 

Télécharger le rapport complet Le transport des matières radioactives : Bilan des évènements de transport survenus en France de 1999 à 2007

 

Les règles de sûreté du transport des matières radioactives

Pour maintenir un haut niveau de sûreté et de radioprotection lors de la réalisation de cette activité, en limitant la probabilité d’occurrence, la sévérité et les conséquences des incidents et accidents, des règles strictes doivent être observées sous le contrôle des autorités. La sûreté du transport des matières radioactives s’appuie ainsi sur une démarche de défense en profondeur qui est déclinée selon les trois axes suivants :
- sûreté de conception des emballages des colis ;
- fiabilité des opérations de transport des colis (emballage et contenu) ;
- efficacité de l'intervention en cas d'anomalie, d'incident ou d'accident.


Les prescriptions techniques et opérationnelles applicables aux transports de matières radioactives sont issues, principalement, du règlement de sûreté des transports de l'AIEA. Ce règlement a été conçu selon une approche déterministe dans le but de garantir un niveau de sûreté homogène quels que soient le mode et le lieu de transport ainsi que la matière transportée. Il postule l’occurrence d’accidents et définit un ensemble d’épreuves simulant les différentes conditions de transport (dites « de routine », « normales » et « accidentelles ») que le colis doit pouvoir subir sans perte de ses fonctions de sûreté. Il vise à limiter l’exposition des travailleurs et du public, en cohérence avec la réglementation de radioprotection, et prévoit l'application d'une démarche d’optimisation pour réduire les expositions radiologiques.

Pour plus d’information sur ce sujet, consultez notre dossier Transports de matières radioactives.
 


Note :  

  1. Cette échelle, destinée à faciliter la perception par les médias et le public de l'importance en matière de sûreté des incidents et des accidents nucléaires, comporte 8 niveaux de gravité, notés 0 (écart), 1 (anomalie), 2 et 3 (incident) et 4 à 7 (accident). D’autres « évènements » de moindre importance, dénommés « intéressant le transport », sont classés hors échelle.