Débats publics sur le nucléaire : L'édition 2006 du baromètre IRSN évalue les réactions des Français
A l’automne 2005, deux débats publics ont été organisés dans le domaine du nucléaire : l’un sur la gestion des déchets radioactifs de haute activité et à vie longue, l’autre sur le projet de réacteur EPR à Flamanville, avec en parallèle un débat sur la ligne à très haute tension reliant le Cotentin au Maine.
Ils ont donné lieu à de fortes controverses : « Débat bidon », « Les dés sont déjà jetés », « manque de transparence », « le public n’est pas dans la salle »… Ces opinions sont-elles partagées ? Quel regard les Français portent-ils sur ces débats dont ils ont été dans leur grande majorité absents ? Le baromètre IRSN édition 2006 présente l’opinion des Français sur ces débats avec un zoom sur les déchets radioactifs qui restent pour eux le problème le plus préoccupant de toutes les activités nucléaires. Un éclairage à découvrir au moment où le projet de loi sur la transparence et celui sur la gestion des déchets radioactifs doivent être prochainement discutés à l’Assemblée nationale.
Un nombre non négligeable de Français a entendu parler des débats
Un peu plus de 20% des Français ont entendu parler du débat sur la gestion des déchets radioactifs, plus de 30% ont entendu parler du débat sur le projet de réacteur EPR. S’agissant de sujets aussi difficiles, avec une participation relativement faible du public, on aurait pu s’attendre à des chiffres nettement inférieurs. Il faut souligner que l’enquête révèle un écho plus important des débats principalement chez les habitants proches de la région de Bure dans la Meuse et de la Manche où ils sont plus de 60% à déclarer en avoir entendu parler.
Les Français adhérent au débat public mais ne se sentent pas encore prêts à y participer
65% jugent utile pour la société un débat qui permette aux élus, aux membres d'associations, aux scientifiques et aux représentants des organismes publics de rencontrer des citoyens pour échanger des points de vue sur la gestion des déchets radioactifs. Mais ils ne sont que 25% à dire que les Français peuvent y exprimer leurs idées. Par contre, ce pourcentage est en hausse de 15 points lorsqu’il s’agit de dire que ce débat a pour objectif d’informer et que de nouveaux points de vue et idées peuvent en émerger. Derrière ces chiffres, se cachent certainement pour le public la difficulté de participer à un débat technique et aussi le désir de voir les différents acteurs confronter leurs arguments.
Stocker les déchets près de la surface ou à grande profondeur: les Français sont partagés. Leur opinion n’est pas en contradiction avec les conclusions du débat public
Le questionnaire IRSN invitait les Français à exprimer leur préférence au regard de deux concepts bien différents d’installations permettant d’accueillir les déchets les plus radioactifs. Les avantages et les inconvénients associés à chacun des deux concepts ont été présentés de manière très simplifiée : d’une part un site à faible profondeur, avec l’avantage de pouvoir surveiller les déchets et les récupérer, même si l'installation risque d'être davantage exposée à des agressions ou des accidents ; d’autre part, un site à grande profondeur, avec l’avantage de mieux protéger les déchets des agressions mais avec l’impossibilité de les récupérer si de nouvelles solutions devaient être découvertes ou s'ils se dégradaient trop rapidement.
Les deux types d’installations sont mises sur un pied d’égalité par les Français. 46% optent pour une installation de stockage des déchets radioactifs à faible profondeur. 42% préfèrent une installation de stockage définitif des déchets radioactifs à grande profondeur. Ce sont les diplômés qui sont les plus attirés par une installation à faible profondeur : 57% y sont favorables. Cette mise sur un pied d’égalité des deux options recoupe les conclusions du débat public où, effectivement, la solution de l’entreposage pérennisé est apparue au cours des séances comme une alternative possible au stockage en profondeur.
L’accès à l’information : un thème qui a marqué les débats et en particulier celui sur le projet EPR
Comment expliquer que les Français aient davantage entendu parler du débat sur le réacteur EPR ? Une hypothèse est envisageable : la polémique liée au secret de défense, qui a touché davantage ce débat que celui sur les déchets, a sans doute marqué les esprits.
Le sujet de l’accès à l’information est très sensible dans l’opinion publique comme le montrent les réponses du baromètre. Parmi quatre arguments contre le nucléaire, le « manque de transparence » recueille 20% des suffrages. Il est cité juste après l’accident de la centrale de Tchernobyl (40%) et les déchets nucléaires (30%) mais bien avant la vulnérabilité des installations nucléaires (10%).
Autre signe qui va dans ce sens : la crédibilité des acteurs du nucléaire est mise en cause mais pas leur compétence. Aucun acteur du nucléaire n’atteint un score de 50% en ce qui concerne sa crédibilité, ce qui n’est pas le cas des associations ou des médecins qui recueillent toujours plus de 50%. Ce score pour les acteurs du nucléaire ne se retrouve toutefois pas sur le jugement de leur compétence, plus de 60% des Français leur reconnaissant cette qualité. Quant aux politiques, que ce soit en termes de crédibilité ou de compétence, ils recueillent des scores inférieurs à 10%. Cette opinion défavorable à leur égard est confirmée par les 25% qui pensent que les conclusions du débat public ne seront pas prises en compte pour écrire la future loi sur les déchets.
Quelles leçons tirer de ces chiffres ? Pour construire la confiance du public dans le système de contrôle du nucléaire, la concertation semble devoir s’imposer entre les acteurs reconnus comme compétents et ceux qui sont considérés comme crédibles. Une concertation qui nécessite un préalable : une définition claire des modalités d’accès à l’information.
Le baromètre IRSN
Le baromètre IRSN permet de connaître la perception des français sur les risques, notamment nucléaires, ainsi que leur appréciation des qualités des intervenants du nucléaire, à la lumière de la compréhension qu’ont les personnes interrogées des missions dont les organismes cités ont la responsabilité. Ce n’est un baromètre ni de notoriété ni d’image.
L’IRSN a réalisé une enquête en collaboration avec l’Institut BVA en décembre 2005 auprès d’un échantillon représentatif de 1047 personnes. Elle fait suite à une série d’enquêtes réalisées depuis novembre 1988 sur le thème de la perception des risques par les Français.
Le rapport de synthèse de l’édition 2006 est disponible en version électronique sur www.irsn.fr ou en version papier sur demande auprès de la Direction de la communication de l’IRSN.
Une fiche détaillant les faits saillants de l’édition 2006 est présentée au début du rapport.