L’IRSN tire les enseignements des événements de transport de matières radioactives survenus en France entre 1999 et 2009
Quelque 940 000 colis de matières radioactives à usage civil sont transportés chaque année en France, représentant environ 615 000 transports. La grande majorité de ces transports concerne des matières radioactives utilisées dans le domaine médical, pharmaceutique, industriel ou immobilier. Les transports de matières radioactives liées au cycle du combustible nucléaire représentent environ 15 % de ces transports.
Il existe une grande variété de matières transportées qui diffèrent par leur poids (de quelques grammes à plusieurs dizaines de tonnes), leur forme, leur activité, leur conditionnement… Les risques associés sont également divers : contamination radioactive, exposition externe aux rayonnements ionisants, risque chimique…
Dans son rôle d’appui technique des autorités de sûreté et de radioprotection, l’IRSN a une mission d’expertise qui couvre la conception, la fabrication, les essais de mise en service et l’exploitation des emballages et systèmes de transport. L’Institut participe également à la gestion et à l’analyse des événements survenant au cours des transports de matières radioactives.
Dans ce cadre, l’IRSN gère notamment une base de données qui recense les écarts, anomalies, incidents et accidents déclarés (dénommés de manière générique « événements ») relatifs à des transports. Afin de réduire les risques, le retour d’expérience résultant de l’analyse approfondie des événements survenus est capitalisé par l’IRSN, de même que le retour d’expérience des expertises des dossiers de sûreté des différents modèles de colis. En s’appuyant sur ce retour d’expérience, l’IRSN propose des axes d’amélioration concernant les emballages et les dispositions de transport, des évolutions réglementaires ainsi que des thèmes d’inspection prioritaires au titre du contrôle effectué par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
L’IRSN a réalisé une analyse transverse des événements de transport de matières radioactives survenus en France de 1999 à 2009 répertoriés dans sa base de données. Pour chacun, environ 70 informations ont été enregistrées à partir de l’analyse des déclarations et des comptes-rendus d’événement transmis par les industriels (type d’événement survenu, type de colis concerné, niveau de classement sur l’échelle INES [1]…).
Cette synthèse permet de connaître l’évolution annuelle du nombre d’événements de transport de matières radioactives ainsi que les niveaux de gravité associés. Elle présente également une description succincte de certains d’entre eux (les événements à caractère radiologique et les événements marquants des années 2008 et 2009), ainsi qu’une analyse des types d’événements les plus fréquents sur la période 1999-2009 avec indication des tendances d’évolution observées. Enfin, les principaux éléments qui peuvent être apportés par le retour d’expérience sont présentés ; ils sont de nature à permettre à l’ASN d’en tirer des enseignements en vue de faire progresser la sûreté des transports de matières radioactives.
Les principaux enseignements tirés des événements de transport de matières radioactives survenus en France entre 1999 et 2009
Il peut être relevé que les événements liés aux transports de matières radioactives ont diminué de 20 % durant les années 2005-2009 par rapport aux années 1999-2004, malgré la hausse observée en 2009.
A cet égard, les mesures correctives mises en œuvre, notamment pour les types d’événement les plus fréquents (par exemple les dépassements de limite de contamination surfacique), ont montré leur efficacité. Néanmoins, il est important que les actions d’amélioration s’inscrivent dans la durée et que les actions correctives apportées ponctuellement à la suite d’incidents soient déployées dans le cadre d’un processus global d’amélioration. Ainsi, l’augmentation du nombre d’événements déclarés en 2009 justifie le maintien des efforts en termes de sensibilisation des différents acteurs du transport de matières radioactives.
De même, parmi tous les événements de transports de matières radioactives, peu sont classés comme « anomalies » et très peu comme « incidents » (2 événements classés au niveau 1 en 2008 et 8 en 2009), et les situations correspondantes ont été gérées sans risque pour la population ou l’environnement. Il y a notamment une bonne confiance et une bonne collaboration entre les acteurs de l’intervention sur le terrain. Cela est dû, en partie, au travail mené en profondeur via les formations, les exercices et l’analyse du retour d’expérience.
Plus particulièrement, l’analyse transverse des événements de transport de matières radioactives survenus en France de 1999 à 2009 a permis de tirer les principales conclusions suivantes.
- L’augmentation de 38 % des événements classés au niveau 0 et hors échelle INES observée en 2009 par rapport à la période 2005-2008 pourrait être liée à une plus grande rigueur de déclaration de ces événements par les expéditeurs des secteurs du cycle du combustible et médical, favorisée notamment par les actions de sensibilisation menées par l’ASN et l’IRSN ; il conviendrait de veiller au maintien de cette sensibilisation et à l’étendre aux autres secteurs.
- Le nombre d’événements déclarés concernant le secteur des contrôles industriels est en baisse depuis 2007 et pourrait masquer une moindre connaissance des pratiques de déclaration, notamment pour les événements qui n’ont pas eu de conséquence sur la sûreté des colis ; les actions de sensibilisation devraient être maintenues à l’adresse des acteurs concernés.
- Les colis non agréés sont particulièrement impliqués dans les événements liés à des erreurs concernant l’étiquetage et les documents de transport, à des dépassements des limites admissibles de contamination surfacique ainsi qu’à des défauts d’arrimage ; dans cette perspective, l’ASN prévoit d’intensifier ses inspections auprès des fabricants et transporteurs d’emballages dont le concept n’est pas soumis à agrément par l’autorité.
- Les événements de dépassement des niveaux de contamination surfacique sont en hausse en 2009 et confirment la tendance soulignée en 2007 : ce type d’événement ne concerne plus les colis de transport de combustible irradié, mais en majorité des colis de type « Industriel » ou des véhicules vides utilisés pour le transport d’outillages contaminés ; ils sont principalement dus à un défaut de contrôle des colis ou des véhicules avant expédition ; des actions de sensibilisation sur la « propreté » devraient de nouveau être entreprises.
- L’augmentation des événements liés à des chocs lors des manutentions en aéroport montre la nécessité de maintenir les efforts de formation des opérateurs en charge de ces transferts ; par ailleurs, ces formations devraient s’accompagner d’une sensibilisation aux événements liés aux pertes ou vols de colis qui, bien qu’en diminution ces dernières années, constituent le type d’événement le plus fréquent parmi ceux classés au niveau 1 sur l’échelle INES depuis 2005. Cette action de formation doit être étendue aux opérateurs de manutention de cylindres d’UF6 dans les ports pour limiter les risques d’endommagement de ces conteneurs.
- Les événements liés à des défauts d’arrimage sont également en hausse en 2009 et les efforts sont donc à poursuivre pour prévenir ces événements notamment pour les colis non agréés.
- Un certain nombre d’événements en augmentation en 2009 sont liés à des erreurs dans la préparation des colis ; aussi, une attention particulière sera accordée aux procédures d’utilisation et de préparation des colis avant expédition, notamment lors des expertises des modèles de colis réalisées par l’IRSN.
- Une politique préventive devrait être mise en place pendant les opérations de chargement, déchargement, maintenance et fabrication des emballages afin de prévenir les événements liés à la découverte de corps « étrangers » dans les emballages ; cette politique, qui a été demandée aux expéditeurs des colis de combustibles irradiés, devrait être élargie à tous les expéditeurs de colis émetteurs de rayonnements et de chaleur importants (combustibles neufs à oxyde mixte uranium-plutonium, sources de haute activité, déchets de haute activité…).
- L’utilisation de méthodes du type de l’arbre des causes pour l’examen des événements est à promouvoir pour l’identification et le traitement de toutes les causes d’un événement, notamment celles liées aux facteurs organisationnels et humains.
Télécharger le rapport IRSN : Le transport des matières radioactives : Bilan des événements de transport survenus en France de 1999 à 2009
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Notes :
- Cette échelle, destinée à faciliter la perception par les médias et le public de l'importance en matière de sûreté des incidents et des accidents nucléaires, comporte 8 niveaux de gravité, notés 0 (écart), 1 (anomalie), 2 et 3 (incident) et 4 à 7 (accident). D’autres « événements » de moindre importance, dénommés « intéressant le transport », sont classés hors échelle.
Les règles de sûreté du transport des matières radioactives
Pour maintenir un haut niveau de sûreté et de radioprotection lors de la réalisation de cette activité, en limitant la probabilité d’occurrence, la sévérité et les conséquences des incidents et accidents, des règles strictes doivent être observées sous le contrôle des autorités. La sûreté du transport des matières radioactives s’appuie ainsi sur une démarche de défense en profondeur qui est déclinée selon les trois axes suivants :
- sûreté de conception des emballages des colis ;
- fiabilité des opérations de transport des colis (emballage et contenu) ;
- efficacité de l'intervention en cas d'anomalie, d'incident ou d'accident.
Les prescriptions techniques et opérationnelles applicables aux transports de matières radioactives sont issues, principalement, du règlement de sûreté des transports de l'AIEA. Ce règlement a été conçu selon une approche déterministe dans le but de garantir un niveau de sûreté homogène quels que soient le mode et le lieu de transport ainsi que la matière transportée. Il postule l’occurrence d’accidents et définit un ensemble d’épreuves simulant les différentes conditions de transport (dites « de routine », « normales » et « accidentelles ») que le colis doit pouvoir subir sans perte de ses fonctions de sûreté. Il vise à limiter l’exposition des travailleurs et du public, en cohérence avec la réglementation de radioprotection, et prévoit l'application d'une démarche d’optimisation pour réduire les expositions radiologiques.
Pour plus d’information sur ce sujet, consultez notre dossier « Transports de matières radioactives ».