Biodisponibilité des éléments traces métalliques et des radionucléides en milieu aquatique continental : Implications pour l’évaluation du risque écologique dans un contexte de multi-contamination
Rodolphe Gilbin a soutenu son HDR le lundi 24 juin 2013 à Cadarache.
Mme Vera Slaveykova Professeure à l'Université de Genève, Directrice de l'Institut F.A. Forel (Suisse)
M. Éric Quemeneur, Directeur de recheche au CEA, responsable des programmes à la Direction des Sciences du Vivant
Mme Hildegarde Vandenhove, Directrice de recherche au SCK.CEN, Chef de l’Unité d’Etude d’Impact Biosphérique
Mme Claude Casellas, Professeure à l'Université Montpellier 1, UMR Hydrosciences
Mme Elena Gomez, Professeure à l'Université Montpellier 1, UMR Hydrosciences
Mme Jacqueline Garnier-Laplace, HDR, Chef du Service de Recherche et d’Expertise sur les Risques Environnementaux à l’IRSN
Résumé
Dans le cadre des expositions chroniques des écosystèmes aquatiques à de faibles doses de contaminants, des méthodes simplifiées d’évaluation du risque écologique ont été développées pour les substances chimiques stables et plus récemment pour les substances radioactives. Ces approches sont basées sur l’établissement d’un rapport entre une Concentration (ou Dose) Prévisible dans le milieu (exposition à un contaminant) et une Concentration (ou Dose) Prévisible Sans Effet pour l’écosystème (danger écotoxique de ce même contaminant). Dans ce contexte, les recherches que nous avons menées ont eu pour but de contribuer à mieux caractériser les liens entre l’exposition des organismes aquatiques aux éléments traces métalliques (ETM) et radionucléides (RNs) et leur toxicité.
Le travail s’est principalement appuyé sur la conduite de bioessais d’écotoxicité sur différents organismes aquatiques (ex. algues, daphnies) pour la mesure de réponses toxiques sensibles et représentatives de la physiologie et de la dynamique de population des espèces. Les projets menés ont permis d’aborder de manière comparative différentes situations d’exposition aux ETM (cuivre, sélénium) et RNs (isotopes de l’uranium ; irradiation externe gamma ; contamination interne par des émetteurs alpha (américium 241) et béta (tritium)). Cependant, ces données d’écotoxicité, obtenues isolément pour chaque contaminant et dans des conditions de laboratoire spécifiques, ne représentent pas les conditions réalistes d’exposition des organismes aquatiques.
Tout particulièrement pour les ETM et RNs, l’extrapolation des résultats obtenus en laboratoire à d’autres conditions d’exposition est rendue délicate car leur biodisponibilité (degré avec lequel un contaminant est assimilé par un organisme) est influencée par de nombreux facteurs environnementaux. Ainsi, notre objectif a été de déterminer la biodisponibilité de deux contaminants (cuivre, uranium) en fonction de leur spéciation chimique dans l’eau. Les résultats obtenus ont permis de préciser les limites d’application d’outils analytiques permettant la mesure de la fraction potentiellement biodisponible (ex. mesure de la fraction labile par la technique du gradient de diffusion en couche mince, DGT) et de modèles (modèle de l’ion libre, du ligand biotique), notamment dans le cadre de la proposition d’une Valeur Guide Environnementale pour l’uranium.
Les études menées ont par ailleurs montré que les écosystèmes aquatiques sont souvent exposés à plusieurs contaminants à risque potentiel (ex. contamination diffuse par les activités agricoles ou les rejets urbains ; rejets des installations du cycle du combustible nucléaire en fonctionnement normal ou incidentel), alors que les méthodes simplifiées d’évaluation du risque écologique ne permettent pas de représenter de manière pertinente les effets conjoints de ces mélanges. Dans ce cadre, nos travaux ont permis de déterminer expérimentalement les effets conjoints d’ETM et RNs (ex. sélénium+uranium, cuivre+tritium) et d’en identifier les éventuels écarts par rapport à l’hypothèse d’additivité (modèles d’addition des concentrations ou indépendance d’action).
À l’issue de ces travaux, le projet proposé visera à élargir la prise en compte effective des mélanges de contaminants stables et radioactifs pour l’évaluation du risque écologique. Il s’agira dans un premier temps d’identifier des classes de substances, stables ou radioactives, pour lesquelles le principe d’une évaluation du risque cumulé est valide, ou au contraire entre lesquelles une interaction systématique (synergie, antagonisme) peut être attendue. Les recherches proposées auront pour objectif de proposer à terme (1) une représentation mécaniste des interactions entre les contaminants, par le couplage de modèles de biodisponibilité et toxicologiques, et (2) des descripteurs de l’exposition (fraction biodisponible, dose interne, et approches analytiques associées) qui permettront de déterminer l’exposition aux ETM et RNs dans des conditions réalistes (ex. déploiement in situ de DGT, présence de matière organique dissoute…).