Évaluation de la contribution du mécanisme d’échange isotopique à l’épuration de l’iode radioactif - Application aux tests de pièges à iode par une méthode non-radioactive
Hantao LIN a soutenu sa thèse le 14 avril 2023 à l’INSTN de Saclay
Jury
Mme Pascaline PRÉ, Professeure / IMT Atlantique, Rapporteure
Mme Cécile VALLIERES, Professeure / Univ. Lorraine, Rapporteure
M. Thierry LOISEAU, Directeur de recherche / Univ. Lille, Examinateur
M. Denys GREKOV, Maitre de conférence / IMT Atlantique, Examinateur
M. Jean-Christophe SABROUX, Chercheur / Retraité, Examinateur
M. Bruno AZAMBRE, Maître de conférence – HDR / Univ. Lorraine, Invité
M. Mouheb CHEBBI, Chercheur / IRSN, Co-encadrant - invité
Mme Céline MONSANGLANT-LOUVET, Chercheure / IRSN, Co-encadrante
M. Denis DOIZI, Professeur / CEA, Directeur de thèse
Résumé
La nécessité de limiter les rejets de substances radioactives dans l'environnement a toujours été un défi majeur dans le domaine de la radioprotection et de la sûreté des installations nucléaires que ce soit en exploitation normale, situation d’incident ou en conditions d’accident grave. Une attention particulière est accordée aux espèces radioactives iodées (notamment I2 et CH3I) compte tenu de leurs grandes mobilités dans l'environnement et de leurs affinités spécifiques pour la thyroïde.
Dans ce contexte les charbons actifs sont très largement utilisés dans l’industrie nucléaire. Le charbon actif (CA) de qualité nucléaire est un charbon issu de la noix de coco, co-imprégné au KI (1 wt.%) et à la TEDA (5 wt.%) pour améliorer l'efficacité du piégeage des espèces iodées, en particulier dans des conditions humides. L’apport de l’imprégnation au KI n’a pas été démontré d’une manière précise. La contribution ainsi que le mécanisme de cette réaction ont été rarement abordés. L’enjeu est de comprendre le rôle des différents imprégnants et des caractéristiques intrinsèques du matériau pour la rétention de l’iode radioactif, notamment ceux dus à la réactivité du KI.
Cette première thèse porte sur la quantification de la contribution de l’échange isotopique en se basant sur différentes méthodologies d’essai. Il s’agit d’un défi majeur pour l’industrie nucléaire, où ces pièges à iode sont testés annuellement sur site avec de l’iode radioactif car la procédure de test mise en place induit parfois d’une manière paradoxale, pratiquement les seules émissions en iode-131 à l’environnement de certaines installations nucléaires.
Les performances des CA pour la rétention de CH3I radioactive ont donc été étudiées dans le but d’isoler le mécanisme d’échange isotopique avant de quantifier sa contribution.
Différentes combinaisons d'imprégnation de charbons commerciaux (CA) ont été utilisées dans le cadre de la thèse. Ces matériaux présentent une microporosité bien développée (Vmicro/Vpore > 94%), avec un diamètre de micropore d'environ 0,5 nm adapté à la rétention de CH3I par physisorption. En outre, les imprégnants KI et TEDA ont été trouvés localisés dans la porosité interne sans former d’agglomérats sur la surface externe du matériau
Les performances des CA pour la rétention de CH3I radioactif ont été étudiées dans différentes configurations expérimentales. En utilisant des protocoles basés sur la détermination des coefficients d’épuration (CE) {T = 20 °C, HR = 40% et 90%}, l'affinité de l'adsorption d'eau par les CA imprégnés au KI conduit à la réduction des performances en fonction de la teneur en KI à HR = 40%. A HR = 90%, le mécanisme de rétention est gouverné par l'échange isotopique comme 90% de la microporosité était occupée par des molécules d'eau. Une augmentation légère des CE a été ainsi observée après l’imprégnation au KI (CE~10). Une amélioration plus significative a été observée en présence de la TEDA (CE~102) en raison de sa réactivité. A la lumière de ces considérations, le mécanisme d’échange isotopique semble être mis en évidence expérimentalement pendant la percée du filtre. En conséquence, de nouvelles méthodologies expérimentales ont été développées afin de mesurer les courbes de percée vis-à-vis de CH3I stable et radioactif en utilisant notamment les CA imprégnés au KI {T = 20 - 30 °C, conditions sèches}. Une amélioration significative des performances du CA pendant la phase de percée est observée après l'imprégnation au KI. Une contribution relative due à l'échange isotopique d'environ 19% a été calculée pour une percée de 1% en utilisant un charbon imprégné à 5 wt.% en KI. Le dispositif expérimental développé pour les mesures en actif a permis ainsi de fournir des premiers éléments importants concernant la quantification de l'échange isotopique.
Cette quantification doit permettre in fine de vérifier la validité d’un coefficient de transposition entre le CE mesuré à l’iode radioactif et le CE mesuré à l’iode non radioactif.