Modélisation du transfert de 137Cs dans le continuum fleuve-mer Rhône-Méditerranée
Adrien DELAVAL a soutenu sa thèse le 22 Octobre 2021.
Les estuaires sont des systèmes dynamiques qui assurent le transfert d’eau et de contaminants du fleuve vers la mer, y compris pour des radionucléides rejetés par les installations nucléaires en situations normale ou accidentelle.
Le césium 137 est récurrent en situation accidentelle et persistant dans l’environnement. Il a une forte affinité avec les particules en milieu fluvial mais se désorbe dans le gradient de salinité, ce qui favorise sa dispersion en mer et son transfert vers les organismes marins.
Un des objectifs de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) est de prédire et quantifier la radioactivité transitant sur le continuum fleuve-mer en recourant à la modélisation. Cette modélisation pour des radionucléides dissous est déjà assurée par deux modèles indépendants pour les parties fluviale et marine (CASTEAUR et STERNE), mais leur couplage n’existe pas. Or, il est nécessaire pour améliorer les capacités de prédiction et anticiper des mesures de mitigation. La fonction de transfert de l’estuaire, différente d’un continuum à l’autre, doit y être définie et intégrée pour simuler le mélange des eaux et la désorption, en particulier pour le 137Cs.
Cette thèse présente un nouveau modèle boîte (DRACAR) décrivant les processus estuariens hydrodynamiques et géochimiques qui affectent le devenir du 137Cs dans un estuaire. Cette approche est généralisable à d’autres radionucléides, et permettra d’augmenter la cohérence des entrées-sorties des deux modèles et de les interfacer. Le site d’étude est le continuum Rhône-Méditerranée qui présente 4 centrales nucléaires sur le Rhône et un estuaire stratifié comme la plupart des estuaires nucléarisés dans le monde.
DRACAR réalise la jonction des flux du Rhône vers la mer et prend en compte les phénomènes de désorption. Il a été alimenté et validé par des données de terrain pour représenter les processus hydrodynamiques comme la diffusion et l’advection.
L’augmentation de salinité favorise la désorption du 137Cs mais ce processus général est mal contraint. Cette désorption a été caractérisée grâce à une synthèse bibliographique exhaustive et des expérimentations de laboratoire sur des particules du Rhône, qui ont permis de préciser le rôle, l’intensité et les cinétiques de ce processus utilisables dans DRACAR. La désorption du césium commence au seuil de 3 à 4 de salinité, et elle est d’autant plus forte que la durée de contamination des particules (phase d’adsorption) a été courte (quelques heures). Un modèle d’échange dynamique impliquant 2 sites de différentes affinités sur les particules est le plus apte à prédire la distribution du césium sur le gradient de salinité.
Dans la majorité des conditions le panache fluvial n’existe qu’à l’extérieur du fleuve, et dans ce cas la désorption est simulée à la sortie en mer. Mais d’après DRACAR un coin salé remonte dans le lit du Rhône pour un débit inférieur à 1700 m3/s et va apporter du sel à la couche de surface. En dessous de 700 m3/s ces apports sont suffisants pour que la salinité du panache interne dépasse 3. Des simulations dans cette zone estuarienne interne montrent qu’une désorption de 40 à 50 % du césium des particules pourrait y avoir lieu avant la sortie en mer.
Pour anticiper les conséquences d’une dispersion en mer de césium, la dernière partie de la thèse s’attache à catégoriser les états hydroclimatiques (conditions de vents et débits) les plus fréquents à l’embouchure grâce à un algorithme de fuzzy clustering. 6 scénarios récurrents avec des variabilités saisonnières ont été identifiés. Une simulation de rejet dans le Rhône a été faite avec les modèles couplés et elle a été testée sur ces 6 scénarii pour évaluer les schémas de dispersion. Cette approche a permis d’identifier des conditions pénalisantes où le 137Cs est totalement exporté sous phase dissoute et où le panache radioactif est bloqué à l’embouchure ou exporté vers le Golfe de Fos