Influence de la bioturbation des macro-invertébrés benthiques sur le comportement biogéochimique de l’uranium au sein des sédiments d’eau douce
Sandra LAGAUZERE, thèse de doctorat de l'université de la Méditerranée Aix-Marseille II, discipline sciences de l'environnement, 310 p., soutenue le 13 juin 2008
Dans les écosystèmes aquatiques continentaux, les sédiments représentent un compartiment d’accumulation pour les polluants métalliques comme l’uranium. Secondairement, ils peuvent également se comporter comme des sources endogènes de contamination, par remise en suspension (e.g. crues, bioturbation) ou par évolution de la spéciation des métaux, laquelle va également jouer sur leur biodisponibilité. En effet, les composés métalliques peuvent être transformés en composés plus ou moins toxiques ou inertes sous l’effet de modifications des conditions physico-chimiques (pH, conditions rédox, force ionique) et microbiologiques du sédiment. Ces conditions sont elles-mêmes sous le contrôle de l’activité des macroinvertébrés benthiques via les processus de bioturbation.
L’objectif principal de ce doctorat a été de déterminer l’influence de la bioturbation de deux espèces de macro-invertébrés benthiques (Chironomus riparius et Tubifex tubifex) sur la répartition et les transferts de l’uranium dans le sédiment des écosystèmes aquatiques continentaux. Pour cela, des expériences en laboratoire avec des dispositifs de type microcosmes, ont été réalisées pour (i) évaluer les effets de l’uranium sur les macroinvertébrés benthiques, plus particulièrement sur leur activité de bioturbation, (ii) déterminer l’influence de ces organismes sur le comportement de l’uranium grâce à des mesures physicochimiques à haute résolution (e.g. optodes à oxygène, gels DET), et (iii) appréhender les conséquences de ces interactions sur un organisme de la colonne d’eau, Xenopus laevis, via des mesures de génotoxicité (essai micronoyaux) et de biomarqueurs moléculaires (taux d'expression d'un certain nombre de gènes codant pour des protéines induites lors de stress environnementaux).
Les principaux résultats obtenus montrent que l’intensité de la bioturbation des macroinvertébrés peut être diminuée dans un sédiment contaminé par de l’uranium, mais que les espèces étudiées dans cette étude présentent une bonne tolérance. Pour des concentrations en uranium élevées (>100 fois le bruit de fond géochimique naturel), les vers T. tubifex sont capables de maintenir une activité de bioturbation suffisante pour entraîner une forte remobilisation de l’uranium initialement associé au sédiment vers la colonne d’eau. Ceci représente donc un risque potentiel pour le reste de la biocénose aquatique. Cependant, en voulant tester cette hypothèse, il a été constaté de façon surprenante que le comportement des vers pouvait être modifié en présence d’un autre organisme dans la colonne d’eau et qu’ainsi il n’entraînait plus de relargage d’uranium vers la colonne. Toutefois, l’uranium associé au sédiment, sans l’effet de la bioturbation, induit des effets négatifs sur cet organisme.
Au final, ce travail de thèse a permis de décrire les interactions pouvant exister entre les organismes aquatiques, la biogéochimie du sédiment et un polluant métallique comme l’uranium. Les informations apportées sont originales et permettent d’envisager de façon plus précise les conséquences d’une pollution à l’uranium dans l’environnement aquatique. Plus globalement, les travaux de recherche entrepris dans le cadre de cette thèse contribueront à améliorer les connaissances actuelles en vue d’une meilleure évaluation des risques écologiques des écosystèmes aquatiques contaminés par des polluants.