Étude des effets combinés de l’uranium et du cadmium chez le nématode Caenorhabditis elegans
Adrien Margerit a soutenu sa thèse le 22 juin 2015 à l'INSTN/UEC Centre CEA de Cadarache.
L’uranium (U) est un radioélément naturel, généralement retrouvé à l’état de traces, mais dont la concentration peut être significativement augmentée à proximité de certaines installations du cycle du combustible nucléaire ou de zones d’agriculture intensive. En raison de son association dans les minerais avec différents éléments traces métalliques tels que le cadmium, l’U est la plupart du temps présent en mélange avec d’autres contaminants dans l’environnement. L’étude de leurs effets combinés est indispensable afin de mieux appréhender le risque engendré par les contaminations métalliques multiples pour les écosystèmes. L’évaluation de la toxicité des mélanges et l’identification des interactions synergiques ou antagonistes sont généralement réalisées sur la base de modèles d’additivité de référence intégrés à des approches descriptives, purement statistiques et sans réelles considérations biologiques. Plus récemment, des modèles mécanistes ont été proposés en alternative afin de mieux rendre compte de la dynamique des processus biologiques et des mécanismes de toxicité des contaminants. Ceux-ci n’ont cependant été mis en pratique que dans un nombre limité de cas d’étude de la toxicité des mélanges.
L’objectif de ce projet de thèse a été d’étudier les effets combinés chroniques de l’U et du Cd sur les traits de vie du nématode Caenorhabditis elegans, en utilisant en parallèle une approche descriptive (MixTox) et une approche mécaniste (DEBtox). Pour cela, une exposition des nématodes à différentes concentrations d’U et de Cd, seuls ou en mélange, a été réalisée durant onze jours. Une interaction antagoniste importante entre l’U et le Cd a été identifiée pour les critères d’effet de croissance et de reproduction, à partir des deux approches. L’étude du transfert de l’U et du Cd du milieu vers la nourriture ainsi que de leur bioaccumulation par C. elegans nous a permis de montrer que la coprésence d’U diminuait la fraction de Cd disponible pour l’exposition des nématodes. Afin de déceler la présence d’une éventuelle interaction au niveau des organismes, durant les phases toxicocinétique ou toxicodynamique, les données d’effet ont été réanalysées à partir des concentrations d’U et de Cd dans la nourriture, supposées plus proches des concentrations disponibles pour C. elegans*. Des effets combinés globalement additifs, sans interaction notable, ont été mis en évidence pour l’U et le Cd même si des conclusions légèrement contrastées ont été obtenues à partir des approches descriptives et mécanistes. La présente étude permet d’illustrer la complexité de l’étude des effets des mélanges et de l’identification des interactions entre les substances. Malgré quelques difficultés d’application, l’approche mécaniste DEBtox semble particulièrement prometteuse pour décrire la toxicité de mélanges au cours du temps et tester d’éventuels mécanismes d’interaction. À terme, le perfectionnement des outils d’analyse des effets combinés des contaminants devrait permettre une meilleure prise en compte de la problématique des mélanges dans les démarches d’évaluation des risques.