Approche ergonomique de l’analyse des risques en radiothérapie : de l’analyse des modes de défaillances à la mise en discussion des modes de réussite
Sylvie Thellier a soutenu sa thèse le 12 décembre 2017 à l'Inetop, Paris.
Cette recherche s’inscrit dans le domaine de la gestion des risques et de la sécurité des patients, et vise à développer une méthode d’analyse des risques pour faire face aux difficultés méthodologiques rencontrées par les centres de radiothérapie pour mener une Analyse des Modes de Défaillances, de leurs Effets et de leur Criticité (AMDEC).
Cette thèse est une contribution empirique et théorique sur la « sécurité en réflexion » dans des espaces de discussion (régulation froide) que l’on distingue ici de la « sécurité en action » (régulation chaude).
Ce travail cherche à déterminer de nouveaux liens entre la sécurité et la gestion des risques – relation éminemment connectée mais également chargée d’ambiguïtés – en donnant une place prépondérante à une étape méthodologique souvent délaissée, l’identification des risques. La sécurité des soins dépendant principalement des pratiques quotidiennes exercées par le personnel soignant, il s’agira pour les analystes de faire le lien entre un risque générique facilement identifiable – par exemple, la surexposition des patients à des rayonnements ionisants – et son développement dans le travail réel de l’équipe soignante. Cette recherche propose de travailler ce lien collectivement dans des « espaces de discussion » mobilisés classiquement par les sciences de gestion en articulant les conditions de travail de l’équipe soignante et les risques encourus par les patients.
La thèse défendue dans ce travail est la suivante : la sécurité des patients dépend de la production de nouvelles connaissances 1) sur la complexité du travail de l’équipe soignante, 2) sur les modes de réussite mobilisés par les soignants pour faire face aux complexités du travail et 3) sur les fragilités intrinsèques des modes de réussite et leurs processus de fragilisation induits par les situations de travail. Autrement dit, la finalité de cette analyse des risques est un recueil de données organisées sur ce qui se passe dans le travail et sur ce qui l’affecte.
Ce recueil vise à mettre en visibilité des dimensions plus difficilement accessibles sur la complexité du travail collectif transverse et sur les propriétés structurelles (politique, stratégique) et opérationnelle (contexte, management, interaction) de l’organisation.
L’objectif recherché de la méthode développée dans ce travail (EPECT) est d’améliorer les connaissances individuelle et collective d’une équipe sur le développement de situations risquées pour les patients et de les partager pour maximiser la sécurité réelle. La consolidation de l’étape d’identification des risques par une caractérisation et un partage de situations risquées dans le travail devrait améliorer le travail d’équipe et faciliter la maitrise des situations risquées.
L’ergonomie a été mobilisée pour évaluer la méthode AMDEC et pour élaborer progressivement ces nouveaux principes méthodologiques plus adaptés à l’analyse des risques dans le domaine médical. Malgré l’atteinte des objectifs fixés dans la recherche, la méthode EPECT présente des limites en termes d’évaluation des risques et de traçabilité des données en réunion. Des propositions non expérimentées dans ce travail encouragent des travaux complémentaires sur des questions plus générales : comment évaluer des situations risquées ? Comment outiller la traçabilité d’échanges menés en temps réel sans contraindre les réflexions collectives ?
Enfin, au niveau théorique, ce travail a été l’occasion de proposer une évolution du concept de sécurité réglée et de sécurité gérée.