Le projet PRIODAC

Le projet de recherche PRIODAC (Prophylaxie répétée par l’iode stable en situation accidentelle), coordonné par l’IRSN, vise à déterminer les modalités d’administration répétée d’iode stable. L’objectif est de s’assurer de l’efficacité et de l’innocuité de cette nouvelle posologie pour les différentes catégories d’âge de la population (nourrissons, enfants, adulte, femmes enceintes et personnes âgées). PRIODAC est un projet soutenu financièrement par l’Agence nationale de recherche (ANR) dans le cadre du programme Investissements d’avenir « nucléaire de demain » RSNR 2012, lancé en 2014 pour une durée initiale de 5 ans, et prolongé jusqu’en 2022.

Caractéristiques du projet

​​Dates de réalisation : mars 2014-février 2022
Pilote : IRSN
Partenaires : CEA, Université de Nice Sophia-Antipolis, Université d'Aix-Marseille, Pharmacie Centrale des Armées

Contexte

En cas d’accident survenant sur le cœur du réacteur d’une centrale nucléaire, des substances radioactives pourraient être rejetées dans l’environnement sous forme de gaz et d’aérosols, notamment du césium 134, du césium 137, de l’iode 131 et d’autres isotopes à vie courte de l’iode. Ces particules et aérosols pourraient être inhalés ou ingérés par les populations exposées au panache. Les autorités disposent de plusieurs contremesures afin de limiter ce risque : l’évacuation, le confinement, les restrictions alimentaires et la prophylaxie par l’iode stable.

Les iodes radioactifs peuvent s’accumuler rapidement dans la glande thyroïde, pouvant entrainer à terme une augmentation du risque de cancer chez les personnes les plus sensibles, notamment les nourrissons et les enfants. Cette relation exposition/effet a été établie après 1991 dans les territoires les plus contaminés par les retombées de l’accident de Tchernobyl en Biélorussie, Russie et Ukraine. En France, la « doctrine iode » préconise une prise unique – éventuellement renouvelable une fois en cas d’impossibilité d’évacuation des populations – de comprimés d’iodure de potassium (KI) qui, pour être efficace doit être mise en œuvre au mieux deux heures avant l’exposition et jusqu’à six heures après. Jusqu’à présent l’autorisation de mise sur le marché (AMM) des comprimés d’iode n’envisageait pas la situation de prises répétées d’iode au-delà de 2 prises.

Après l’accident de Fukushima, il est apparu nécessaire d’envisager la possibilité d’une prise répétée d’iode stable pour les personnes se trouvant dans une zone de rejets accidentels radioactifs prolongés ou répétés, dans l’attente d’une évacuation ou dans le cas d’une impossibilité à les évacuer. D’où la mise en place du programme PRIODAC.

Les orientations de ce dernier ont été confortées par les besoins de recherches identifiés par l’OMS (Organisation mondiale pour la santé) dans son document de recommandation émis en 2017(1).

Axes de recherche

Depuis sa mise en place en mars 2014, le projet PRIODAC a permis de(2) :

capitaliser des connaissances scientifiques sur le mécanisme Wolff-Chaikoff (diminution de la production d’hormones thyroïdiennes suite à un afflux d’iode très important) et le rôle de certains de ces acteurs moléculaires (Na+/I- Symporter ou NIS et SLC5A8, un transporteur d’iode de la membrane apicale des thyrocytes). Nos études ont permis de s’assurer que l’effet Wolff-Chaikoff (3),(4), (5), (6), (12) et son mécanisme d’échappement existait après une saturation prolongée de la thyroïde.

capitaliser des connaissances scientifiques sur le mécanisme Wolff-Chaikoff (diminution de la production d’hormones thyroïdiennes suite à un afflux d’iode très important) et le rôle de certains de ces acteurs moléculaires (Na+/I- Symporter ou NIS et SLC5A8, un transporteur d’iode de la membrane apicale des thyrocytes). Nos études ont permis de s’assurer que l’effet Wolff-Chaikoff (3),(4), (5), (6), (12) et son mécanisme d’échappement existait après une saturation prolongée de la thyroïde.

  • déterminer les modalités d’administration répétée d’iode stable chez quatre groupes d’âges représentatifs de la population (adulte dont la femme enceinte, fœtus, post-natal et la personne âgée). Des études bio-cinétiques(7), (8) ont permis de définir une dose optimale efficace pour une l’administration quotidienne de KI sur une durée de 8 jours grâce à la mise en œuvre de nombreuses expérimentations chez le rat et la souris
     
  • s’assurer de l’absence d’effets secondaires significatifs chez un modèle de rat Wistar pour le schéma posologique retenu(9), (11). Des rats Wistar de différentes catégories d’âge ont été étudiés afin de simuler la réponse des différentes catégories de la population (adulte, âgé, femme enceinte, nouveau-né, enfant). Les effets secondaires ont été explorés sur différents organes, la thyroïde mais également le système cardiovasculaire, le système nerveux central, le système immunitaire et le système rénal. Cependant, nos études menées sur un modèle expérimental « in utero » de rate Wistar gestante (mimant la femme enceinte) mettent en évidence des effets secondaires significatifs chez la descendance et en particulier des effets sur le système nerveux central(10), (13), (14). Ainsi, contrairement aux individus adultes, les conditions d’une prophylaxie répétée optimale sans toxicité pour cette catégorie de la population reste à définir 
     
  • mener avec la pharmacie centrale des armées des études de toxicologie(1) règlementaire en condition BPL (Bonnes pratiques de laboratoire) sur deux espèces animales adultes, rat et chien 
     
  • obtenir auprès de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) une variation de l’autorisation de mise sur le marché (AMM). Ainsi, la nouvelle posologie proposée pour l’adulte et l’enfant de plus de 12 ans est une prise de 130 mg d’iodure de potassium par jour pouvant être répétée jusqu’à 7 jours.

Les résultats du projet sont et continueront à être portés d’ici fin 2022 à la connaissance des Autorités en charge de définir la « doctrine iode ». Ces nouvelles recommandations françaises issues des travaux du projet PRIODAC pourront servir d’exemple pour harmoniser les « doctrines iode » aux niveaux européen et international.

Evolution du projet PRIODAC

L'extension du projet PRIODAC obtenue auprès de l’ANR pour 3 ans (2019-2022) permettra de définir une prophylaxie répétée adaptée, si elle est envisageable, pour les femmes enceintes. Compte tenu de la variation de l’autorisation de mise sur le marché accordée début 2020, il restera encore à statuer sur la population pédiatrique après la réalisation d’études de toxicologie réglementaire.

Les laboratoires IRSN impliqués

Les laboratoires : LRAcc - LRSI - Groupe de support de recherche : GSEA - 

Thèses


Thèses dirigées par l'IRSN

  • Toxicologie de l’iode stable : étude in vivo des effets biologiques associés à une prophylaxie répétée à l’iodure de potassium par Dalila lebsir
  • Evaluation métabolomique du blocage réitéré de la thyroïde par l'iode en situation d'accident nucléaire : application chez le rat, étude BPL chez le chien par Clément Rosique
     

Thèses dirigées par le CEA

  • Étude omique de la régulation de la thyroïde par l’iode et du rôle de SLC5A8 dans la thyroïde par Maha Hichri

Publications

Liste des publications : 

1. « Iodine Thyroid Blocking Guidelines for use in planning and responding to radiological and nuclear emergencies» World Health Organization (2017) ISBN : 9789241550185.

1a. « Blocage de la thyroïde parl'iode. Guide de directives pour la planification et la réponse aux situations d'urgence nucléaire ou radiologique » Organisation Mondiale de la Santé (2017)

2. « Do multiple administrations of stable iodine protect population chronically exposed to radioactive iodine: What is Priodac research program (2014-2022) teaching us? » Benderitter et al. Radiat Prot Dosimetry (2018) 182(1):67-79.

3. « Single-Photon Emission Computed Tomography for Preclinical Assessment of Thyroid Radioiodide Uptake Following Various Combinations of Prep10. « arative Measures » Zwarthoed C et al. Thyroid. 2016; 26(11):1614-1622.

4.« A systemic evaluation of sorting motifs in the sodium-iodide symporter (NIS) » E. Darrouzet et al. Biochem J, 2016; 476: 919-928.

5. « A Carboxy-Terminal Monoleucine-Based Motif Participates in the Basolateral Targeting of the Na+/I- Symporter » Martin M et al. Endocrinology. 2019; 160: 156-168.

6. « Urinary ketone body loss leads to degeneration of brain white matter in elderly SLC5A8-deficient mice » Suissa L et al. J Cereb Blood Flow Metab. 2019; 271678X1987366.

7. « Optimal KI Prophylactic Dose Determination for Thyroid Radiation Protection after a Single Administration in Adult Rats » Phan et al. Dose Response (2017) 13; 15(4).

8. « Repeated KI Prophylaxis in Case of Prolonged Exposure to Iodine Radioisotopes: Pharmacokinetic Studies in Adult Rats » Phan et al. Pharm Res. (2018) 8; 35(12):227.

9. « Effects of repeated potassium iodide administration on genes involved in synthesis and secretion of thyroid hormone in adult male rat » Lebsir et al. Mol Cell Endocrinol (2018) 474:119-126. R

10. « Repeated potassium iodide exposure during pregnancy impairs progeny's brain development » Lebsir et al. Neuroscience (2019) 15; 406:606-616.

11. « Toxicology of Repeated Iodine Thyroid Blocking in Adult Rat » Lebsir et al. J of Pharmaceut Res. (2018) 3(1), 1-8.

12. « A systems biology approach to propose a new mechanism of regulation of repetitive prophylaxis of stable iodide on sodium/iodide symporter (NIS) » Cohen et al. Biochimie (2019) 162:208-215

13. « Assessment of the effects of repeated doses of potassium iodide intake during pregnancy on male and female rat offspring using metabolomics and lipidomics » Rosique et al. J Toxicol Environ Health (2019) 82(10):603-615.

14. « Effects of repetitive Iodine Thyroid Blocking on the Foetal Brain and Thyroid in rats: a Systems Biology approach » D Cohen et al. Scientific Reports 2020

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