Savoir et comprendre

Les réacteurs RBMK

21/05/2012

​​​​(Mise à jour) Pour un bilan actualisé en 2021, lire notre dossier « Tchernobyl, 35 ans ​après »​​
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Le réacteur béant (c) Igor Kostine / Corbis

Les réacteurs RBMK sont des réacteurs à neutrons thermiques utilisant le graphite comme modérateur et l'eau légère bouillante comme fluide caloporteur. Le combustible est de l'oxyde d'uranium enrichi en uranium 235. L'enrichissement d'origine était de 2 %. Il atteint aujourd'hui 2,6 %.

Chaque assemblage combustible est contenu dans un « tube de force » à l'intérieur duquel circule le fluide de refroidissement. Les tubes de force, environ 1700, sont placés verticalement dans l'empilement de graphite. L'ensemble repose sur une structure mécano-soudée contenue dans une cavité en béton. Au-dessus du réacteur, une « machine de chargement » permet le renouvel-lement du combustible de manière continue pendant l'exploitation. Le contrôle de la réactivité est assuré par environ 200 barres absorbantes de neutrons, réparties dans tout le cœur du réacteur. Les barres sont placées dans des tubes de force analogues à ceux qui contiennent les assemblages combustibles.

Deux boucles indépendantes assurent le refroidissement du réacteur. Chaque boucle comprend deux ballons séparateurs et quatre pompes de re-circulation (3 en fonctionnement et 1 en réserve). Le mélange d'eau et de vapeur qui sort de chaque tube de force après passage dans le réacteur arrive directement par une tuyauterie dans un des ballons séparateurs. Depuis ces ballons séparateurs, la vapeur est envoyée à la turbine alors que l'eau retourne vers les collecteurs et les pompes de re-circulation, qui alimentent les tubes de force au moyen d'un système de sous-collecteurs et de tuyauteries. 

Un circuit de refroidissement de secours permet de refroidir le cœur en cas de brèche du circuit principal de refroidissement (rupture d'une tuyauterie du circuit de circulation, rupture d'un conduit de vapeur ou rupture d'une tuyauterie d'alimentation en eau).  

Les avantages en faveur de ce type de réacteur sont, d’après le concepteur, l'absence de cuve sous pression, l'absence de générateur de vapeur, le renouvellement du combustible de manière continue et donc la souplesse du cycle du combustible, la possibilité de régler le débit de refroidissement canal par canal et, par conséquent, de contrôler chacun d'entre eux tant du point de vue thermique que du point de vue de l'intégrité des gaines du combustible.  

Les inconvénients sont : la complexité du système de distribution et de collecte du fluide de refroidissement, la forte accumulation d'énergie thermique dans les structures métalliques et le graphite, l'absence d'enceinte de confinement, la difficulté de contrôle du cœur

Coupe simplifiée d'un réacteur RBMK de puissance 1000 MWe  

Coupe simplifiée d'un réacteur RBMK de puissance 1000 MWe

 

Le parc des réacteurs RBMK

Hier et aujourd'hui

Au moment de l'accident de Tchernobyl, le parc des RBMK comptait 17 réacteurs en fonctionnement :

  • 11 en Russie, de puissance 1000 MWe chacun, répartis sur trois centrales : Leningrad (4 réacteurs), Koursk (4 réacteurs) et Smolensk (3 réacteurs)
  • 4 en Ukraine (Centrale de Tchernobyl), 1000 MWe chacun
  • 1 en Lituanie (Centrale d'Ignalina), 1500 MWe.

 

Le second réacteur d'Ignalina n'était pas encore en fonctionnement au moment de l'accident de Tchernobyl. Il fut mis en service en décembre 1986 ; tout comme le troisième réacteur de Smolensk, mis en service en 1990.

Depuis, tous les réacteurs de Tchernobyl ont été mis à l'arrêt définitif, ainsi que les deux réacteurs de la centrale d'Ignalina. Il reste donc, à ce jour, 11 réacteurs RBMK en exploitation tous en Russie. 

Les perspectives

Les 11 réacteurs russes sont aujourd'hui dans une logique de poursuite de leur exploitation et de prolongation de leur durée de vie de conception. Cette dernière qui était initialement de trente ans serait portée à environ 45 ans. Les experts russes justifient cette logique par les importants programmes de modernisation mis en œuvre de manière spécifique sur chacun des réacteurs du parc. Si cette politique était menée à son terme, le dernier réacteur RBMK (Smolensk 3), mis en service en 1990, pourrait fonctionner jusqu'en 2035.

 

Les principaux défauts de sûreté de la conception initiale des réacteurs RBMK

Avant l'accident de Tchernobyl, les connaissances disponibles dans les pays occidentaux sur les réacteurs RBMK étaient très limitées. La sûreté de leur fonctionnement n'avait jamais fait l'objet d'évaluation approfondie. Après la catastrophe, d'importants efforts internationaux furent mis en œuvre pour l'étude de ces réacteurs et l'évaluation de leur niveau de sûreté.

Les études menées ont conduit à l'identification de nombreux défauts de conception dont les principaux étaient les suivants :

Coefficient (effet) positif de température

Un coefficient positif de température signifie qu'une augmentation de la température du cœur du réacteur se traduit par une augmentation de la réactivité. Cette dernière conduit à une nouvelle augmentation de la puissance et de la température, et ainsi de suite. De cette manière, une perturbation initiale (augmentation de la puissance ou de la température) qui se produit dans le cœur du réacteur se trouvera amplifiée par cet effet. Il s'agit donc d'un effet « déstabilisant » qui rend difficile le contrôle du réacteur. Dans les réacteurs à eau sous pression, qui constituent le parc français, le coefficient de température est, par conception, négatif. Ce qui lui confère un effet stabilisant.  Il s'agit d'une exigence de sûreté imposée par la réglementation.

Système d'arrêt d'urgence

Ce système, que l'on peut comparer au système de freinage d'une voiture, est sans doute le plus important des systèmes de sûreté d'un réacteur nucléaire. Il est constitué de barres fortement absorbantes de neutrons, réparties dans tout le cœur du réacteur. La forte absorption de neutrons permet à ces barres d'étouffer rapidement la réaction en chaîne lors de leur insertion dans le cœur, et d'arrêter ainsi le réacteur. Dans sa conception initiale (avant l'accident), le système d'arrêt d'urgence des RBMK présentait des carences significatives :

  • Temps d'insertion des barres trop long
  • Mauvaise conception des crayons absorbants, qui provoquait, au début de leur insertion,  une augmentation de la réactivité et donc de la puissance au lieu de sa diminution
  • Fiabilité insuffisante du système dans son ensemble. 

 

Insuffisance de la capacité de dépressurisation du système de confinement

Les RBMK ne disposent pas d'enceinte de confinement comme celle qui entoure un réacteur de type REP. En revanche, Ils disposent de plusieurs compartiments étanches, destinés à assurer le confinement de différentes zones du réacteur. Ils sont conçus en prenant en compte les évènements qui peuvent se produire dans ces zones et leurs conséquences potentielles. Le système de confinement doit en particulier permettre l'évacuation des surpressions qui peuvent résulter de certaines situations accidentelles (brèche ou rupture d'une tuyauterie par exemple). Les études post-Tchernobyl ont révélé que la capacité de ce système à remplir sa fonction était de loin  insuffisante. En effet, il avait été conçu pour  faire face à la rupture d'un tube de force. Les ruptures multiples de tubes de force (comme cela fut le cas lors de l'accident de Tchernobyl) n'étaient donc pas couvertes par cette conception.

 

Les améliorations de sûreté post-Tchernobyl des réacteurs RBMK

En matière d'améliorations de sûreté des réacteurs RBMK, il convient de distinguer deux principales étapes :

  1. les mesures post-Tchernobyl, destinées à enrayer (ou à réduire autant que possible), dans les meilleurs délais, les défauts de conception les plus graves ;
  2. les programmes de modernisation, destinés à revoir en profondeur toutes les questions liées à la sûreté du fonctionnement de ces réacteurs : physique du cœur, systèmes de sûreté, systèmes de sauvegarde, pilotage du réacteur, facteur humain, etc.

 

1. Les mesures post-Tchernobyl

Mises en oeuvre immédiatement après l'accident, sur tous les réacteurs RBMK, elles devaient remédier aux principaux défauts de la conception initiale.

  • Réduction du coefficient (effet) positif de température : Pour réduire l'effet déstabilisant du coefficient positif de température des RBMK, les deux principales mesures ont été :
    - l'ajout, dans le cœur du réacteur, d'un certain nombre de barres absorbantes fixes en remplacement d'assemblages de combustible, et
    - l’augmentation progressive de l'enrichissement du combustible.
    Sans rendre le coefficient négatif, ces mesures ont contribué à le réduire significativement.

 

  • Modification du système d'arrêt d'urgence : Pour remédier aux défauts de ce système, les mesures immédiates d'amélioration ont été les suivantes :
    - Installation d'un système d'arrêt rapide (24 nouvelles barres)
    - Modification de la conception des barres absorbantes
    - Installation de nouveaux signaux d'alarme pour le déclenchement de l'arrêt d'urgence.

 

  • Amélioration de la capacité de dépressurisation du système de confinement : Des modifications ont été apportées à ce système pour en augmenter la capacité d'évacuation et de dépressurisation lors de situations accidentelles. Il s'agit principalement d'un système de réduction de la pression par condensation de la vapeur. 


2. Les programmes de modernisation

Au-delà des modifications génériques rappelées ci-dessus, un programme de modernisation spécifique a été conçu pour chaque réacteur. Les système de sûreté les plus importants (comme par exemple le système l'arrêt d urgence) ont été entièrement remplacés par de nouveaux systèmes plus modernes et plus fiables.

Une évaluation approfondie de la sûreté des réacteurs RBMK, après modernisation, a été menée par des groupes d'experts internationaux, à travers les deux cas concrets spécifiques des réacteurs Kursk 1 (1000 MWe) et Ignalina 2 (1500 MWe). Dans les deux cas, les conclusions ont souligné une amélioration très sensible de la sûreté de leur fonctionnement par rapport à leur situation initiale.