Anciennes mines d'uranium du Limousin : l'IRSN publie son dernier rapport concernant l'expertise globale du Bilan Décennal Environnemental réalisé par AREVA NC
Dans le cadre du suivi et de l’évaluation dans la durée de l’impact environnemental des anciennes exploitations d’uranium de la division minière de la Crouzille, le préfet de Haute-Vienne a demandé à AREVA NC d’établir un bilan décennal environnemental, ayant notamment pour objectif de rassembler et d’analyser l’ensemble des données relatives à la surveillance de ses sites et de leur environnement, acquises au cours des dix dernières années. A la demande du préfet, l’analyse critique de ce bilan a été confiée à l’IRSN qui a proposé de mener cette expertise selon trois volets successifs.
Le premier volet de l’expertise portait sur le site de Bellezane et le bassin versant du Ritord, et a donné lieu à la remise d’un premier rapport en janvier 2007 [1]. Le travail s’est poursuivi au cours d’une deuxième phase d’analyse plus élargie et a abouti à la rédaction d’un deuxième rapport remis en février 2008 [2].
L’analyse conduite au cours de ces deux volets a été menée en liaison étroite avec le groupe d’expertise pluraliste (GEP) mis en place à l’initiative des ministres en charge de l’environnement, de la santé et de l’industrie [3].
Le troisième et dernier volet de la tierce expertise menée par l’IRSN [4] a consisté à examiner la question de la réutilisation dans le domaine public de stériles miniers [5]. Cette question a été traitée sur la base des informations relatives à la division minière de la Crouzille transmises par AREVA NC d’une part, et d’autre part en tirant bénéfice du retour d’expérience acquis en France au travers du traitement de divers cas avérés de réutilisation. Ce retour d’expérience a concerné plus particulièrement trois cas : celui des sites de la concession de Mallièvre (Deux-Sèvres et Vendée), du site de Saint-Priest-La-Prugne (Loire) et celui de Lachaux (Puy de Dôme).
Ce troisième volet examine en particulier les informations issues de la mise en place par AREVA NC (COGEMA à cette époque), à compter de 1984, d’un registre de cessions destiné à encadrer la demande croissante d’entreprises locales, et notamment de carriers, pour la réutilisation de stériles.
La tenue de ce registre s’est accompagnée de la mise en œuvre de dispositions destinées à limiter les risques liés à la réutilisation de ces matériaux, telles que par exemple des mesures du niveau de la radioactivité via des contrôles en sortie de site ou la restriction d’usages imposée aux acquéreurs et en particulier l’interdiction d’utilisation pour des soubassements ou en tant que matériaux de construction.
A l’issue de son analyse, l’IRSN note l’utilité et la pertinence de la démarche mise en œuvre à l’époque mais souligne également certaines limites des dispositions adoptées : manque de précisions concernant certaines cessions, absence de vérification sur les lieux de réutilisation en particulier.
En ce qui concerne les années antérieures à la mise en place du registre, les informations sur les cessions restent pauvres. Les résultats des campagnes radiamétriques réalisées par AREVA NC en 2000 dans les villages limitrophes des sites miniers permettent de disposer d’un état des lieux des zones ayant potentiellement fait usage de stériles miniers en tant que matériaux de remblayage. Les résultats, bien que rassurants, ne permettent cependant pas de tirer des conclusions concernant l’ensemble des secteurs géographiques ou constructions potentiellement impactés.
Le retour d’expérience de la réutilisation des stériles miniers dans l’environnement des sites de la concession de Mallièvre, de Saint-Priest-La-Prugne et de Lachaux a montré que l’utilisation de stériles dans le domaine public a pu conduire à des situations justifiant la mise en œuvre d’opérations d’assainissement et de reprise de matériaux.
Si aucune utilisation comparable de stériles n’a été mise en évidence autour des sites couverts par le bilan décennal environnemental, l’IRSN considère que les informations dont dispose AREVA NC ne sont pas suffisantes pour exclure tout impact et qu’il est nécessaire d’améliorer les connaissances en matière de réutilisation de stériles dans la région du Limousin.
Plusieurs pistes, fondées sur le retour d’expérience, sont proposées par l’IRSN. Elles reposent d’une part sur la collecte et l’exploitation plus systématique des informations détenues par les populations locales, notamment par le biais de questionnaires, et d’autre part, sur le recensement des zones aménagées les plus susceptibles d’avoir fait l’objet de réutilisation de stériles. La comparaison de photographies aériennes permettant d’identifier les constructions nouvelles pendant la période correspondant à la période d’exploitation et de réaménagement des sites miniers est ainsi suggérée. Celles-ci pourraient guider des investigations radiamétriques de terrain destinées à compléter le diagnostic.
En complément, l’IRSN considère important d’engager une action spécifique pour les lieux à usages sen sibles, tels que les écoles et les autres établissements d’enseignement ou de soin, compte tenu de l’enjeu plus particulier qui leur est associé. Ces établissements sont aujourd’hui soumis à une obligation de dépistage du radon par l’arrêté du 22 juillet 2004 relatif aux modalités de gestion du risque lié au radon dans les lieux ouverts au public. L’IRSN considère qu’il conviendrait a minima de vérifier que les mesures de dépistage prévues ont bien été effectuées et d’examiner les résultats pour voir s’ils ne conduisent pas à suspecter la présence de stériles.
Enfin, l’IRSN considère que les actions mises en œuvre ne seront pleinement efficaces que si les informations recueillies sont mises en forme, exploitées et surtout diffusées de la manière la plus large et pertinente possible afin d’en favoriser la conservation et l’utilisation. Il serait en particulier utile d’exploiter les données figurant dans les registres ou découlant des diverses campagnes d’investigations (dont celle de 2000) afin d’établir une cartographie des chemins, routes, aires, plateformes et autres secteurs sur lesquels des stériles ont été utilisés et d’en transmettre a minima une copie aux services municipaux concernés.
Consulter le dernier rapport IRSN concernant l’expertise globale du Bilan Décennal Environnemental réalisé par AREVA NC
Notes :
- Voir le rapport 2007.
- Voir le rapport 2008.
- Voir le site internet du GEP pour prendre connaissance de l’état d’avancement de ses travaux et lire les rapports d’étape déjà produits.
- Voir le rapport 2009.
- Stériles miniers : produits constitués par les sols et roches excavés lors de l’exploitation d’une mine après récupération de la partie commercialement valorisable qui constitue le minerai.