Colloque Fukushima 2021 « Après l'accident nucléaire de Fukushima Daiichi : s’adapter à l'imprévu »
Le séisme de magnitude 9 survenu le 11 mars 2011 et le tsunami qui s’en est suivi ont conduit à la fusion des cœurs de trois réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi et à la perte de refroidissement de plusieurs piscines d’entreposage de combustibles usés.
De très importants rejets radioactifs dans l’environnement ont eu lieu, entraînant l'évacuation de 160 000 personnes résidant dans la préfecture de Fukushima et une contamination durable des territoires autour de la centrale.
Dix ans après la catastrophe, l’IRSN organise le 24 novembre 2021 un colloque pour mettre en débat les résultats des recherches en Sciences humaines et sociales qu’il a engagées pour tirer les enseignements de cet accident nucléaire majeur. Ces recherches ont pour une part été menées dans le cadre du projet AGORAS co-financé par le programme Recherche en sûreté nucléaire et radioprotection.
Au centre de ces recherches, nous trouvons la question du développement des capacités des organisations en charge des risques nucléaires à faire face à l’imprévu pendant la crise et prendre en compte l’imprévu lors de la conception des centrales.
Programme du colloque
8:30 – 9:15 Accueil des participants
9:15 – 9:35 Introduction du colloque
Jean-Christophe Niel, Directeur général de l’IRSN
François Jeffroy, chef du laboratoire de recherche en Sciences humaines et sociales de l’IRSN
Gestion de crise (président de session : François Jeffroy)
9:35 – 10:45 Engagement en milieu hostile : les enseignements de l’accident de Fukushima Daiichi
Olivier Isnard, Elsa Gisquet (IRSN)
Parce qu’un accident nucléaire traverse les frontières organisationnelles, abolit la dichotomie entre le local et le national, entre le proche et le distant, nous plaçons la notion d’espace au cœur de nos recherches sur la gestion de crise. L’étude de l’accident de Fukushima a montré que la gestion de la crise et de sa dimension imprévue se situe dans ces différents espaces qu’elle contribue à redéfinir. C’est dans ces espaces que les acteurs s’engagent pour faire face au milieu hostile de l’accident grave. À partir des analyses d’une sociologue et d’un expert ayant vécu cette situation, il s'agira de réfléchir à la manière dont il est possible de soutenir les différentes dimensions de cet engagement ; qu’il s’agisse d’un engagement collectif – pour agir, improviser et approvisionner en ressources et moyens techniques la centrale accidentée – ou d’un engagement éthique – qui conduit à prendre en compte la prise de risques pour les professionnels en intervention. Mais s’engager implique aussi de recevoir une contrepartie dont nous verrons que la nature ne doit pas seulement relever du déclaratif, mais aussi du domaine du tangible.
Discutants :
- Jan-Cedric Hansen, médecin, président de la Commission Internationale de Médecine de Catastrophe.
- Vincent Pech Delaclause, chef d'état-major interministériel de la zone de défense et de sécurité de Paris-Ile de France
- Aurélien Portelli, enseignant-chercheur, responsable du Mastère Spécialisé "gestionnaire en santé, sécurité, environnement et risques industriels", Mines Paris
11:05 – 12:15 Appréhender l’imprévu au travers des exercices de crise
Elsa Gisquet, Patricia Dupuy (IRSN)
Comment les multiples acteurs de la crise peuvent-ils se préparer à agir et à se coordonner pour faire face à des situations imprévues ? Au fil de cette communication, une chercheure en sciences sociales et une spécialiste de la gestion de crise s’interrogeront sur la construction de répertoires d’actions pertinents pour se préparer à agir et s’adapter, avec les moyens disponibles, aux situations de crise réelles. En particulier, nous proposons de réfléchir à la manière dont il est possible à côté d’une normalisation de la gestion de crise à l’œuvre au travers des exercices de crise, de développer un processus continu d'apprentissage et de mise en situation visant à soutenir l’action collective face à l’imprévu.
Discutants :
- Didier Degueldre, Director Safety Assessment, Bel V
- Pierre Eymond, délégué d’état-major Crise et directeur de la Force d’Action Rapide Nucléaire à la Division Production Nucléaire d’EDF
- Simon Flandin, chercheur en formation des adultes, Université de Genève
Prévention des accidents (président de session : Alexandre Largier)
14:00 – 15:10 Après Fukushima, rétablir la confiance dans la robustesse des centrales nucléaires françaises
Mathias Roger, Olivier Loiseau (IRSN)
L'accident de Fukushima a affaibli la confiance du public et des experts dans la robustesse des installations partout dans le monde. Au moment de l'accident, l'industrie nucléaire française est engagée dans un projet de grande ampleur visant à préparer l'extension de la durée de fonctionnement des centrales nucléaires en service. Dans ce contexte, l'accident et la crise de confiance qui s'ensuit ouvrent une fenêtre d'opportunité pour faire évoluer certains statu quo de la gestion des risques et pour redéfinir les modalités de la prolongation de la durée de vie des réacteurs. Cette communication porte sur le travail qui a été mené en France pour rétablir cette confiance dans la robustesse des centrales en considérant le cas spécifique de la menace sismique. À partir du dialogue entre un sociologue et un expert de la sûreté ayant participé à ce travail, il s'agit de montrer comment le rétablissement de cette confiance n'a été possible en France qu’à condition de lier le retour d’expérience de l’accident avec la nécessité de préparer l’avenir.
Discutants :
- Benoît Journé, professeur de gestion, Université de Nantes – IAE
- Yves Marignac, chef du pôle d’expertise nucléaire et fossiles, Institut négaWatt
- Gilles Perrin, directeur scientifique, Framatome
15:30 – 16:40 Prévenir l’accident dans l’exploitation quotidienne
Nicolas Dechy, Hervé Bodineau (IRSN)
L’étude des accidents industriels majeurs révèle que leur occurrence est souvent rendue possible ou favorisée par des dérives liées à l’exploitation quotidienne des installations qui fragilisent les lignes de défense. Une partie significative du management de la sûreté vise à prévenir une dégradation des conditions d’exploitation des installations, notamment à travers le maintien de la conformité des installations et de l’instrumentation nécessaire au suivi du procédé. Il doit également permettre de s’assurer de la détection de dérives dans la maîtrise des risques. Maintenir une préoccupation constante pour le risque d’accident n’est pas sans poser de problèmes concrets comme ceux de savoir repérer des signes avant-coureurs de dégradation de la sûreté. En effet, la sûreté est un phénomène distribué et global, ce qui soulève des problématiques de centralisation des informations et d’intégration des points de vue dans des systèmes étendus et complexes. De plus, si la défense en profondeur est de nature à fournir des marges et susciter la confiance, elle peut paradoxalement autoriser certaines dérives temporaires. Dans ce contexte, plusieurs points de vue (Exploitant, Régulateur, Expert, Société civile) peuvent se développer sur la diversité des pratiques qui permettent de faire vivre la conscience du risque dans l’exploitation quotidienne et de détecter les dérives.
Discutants :
- Stéphane Corcos, chef de la mission évaluation et amélioration de la sécurité à la Direction générale de l’aviation civile
- François Goulain, directeur délégué sûreté de la Division production nucléaire d’EDF
- Yves Lheureux, directeur de l’Association nationale des comités et commissions locales d’information
16:40 – 17:00 Clôture du colloque
Karine Herviou, Directrice générale adjointe chargée du Pôle sûreté nucléaire de l’IRSN