La décroissance effective du césium 137 dans des sols de pâturage français : de nouvelles valeurs
Grâce à l'enregistrement continu de mesures du césium 137 dans le sol, l'herbe et le lait depuis 1992, le Laboratoire d'étude et d'expertise sur la radioactivité de l'environnement (LEREN) de l'IRSN a quantifié sa décroissance effective, bien plus courte que la décroissance radioactive, pour le moyen et le long terme.
Depuis l'accident de Tchernobyl, la contamination en césium 137 est régulièrement mesurée par l'IRSN en plusieurs sites du territoire français, notamment les prairies. Issu des retombées de l'accident et de celles des essais nucléaires atmosphériques, ce radionucléide artificiel existe en effet à basse concentration dans les sols, se transférant à l'herbe et par conséquent au lait de vache. Les années passant, les chroniques d'activités mesurées dans les sols, la végétation et le lait de vache sont telles qu'elles permettent à présent de mieux comprendre et quantifier l'évolution de la contamination à moyen et long termes après un accident (de 1 an à quelques décennies) dans les écosystèmes prairiaux. Dans le cadre de l'étude MEMOREX qui a duré 18 mois, le LEREN a analysé ces mesures acquises entre 1992 et 2017 sur une dizaine de sites puis testé des modèles de transfert pré-éxistants
Les chercheurs ont démontré que la fraction biodisponible du césium 137 demeurant dans le sol, c'est-à-dire la fraction transférable aux compartiments végétaux et animaux, décroissait beaucoup plus rapidement que sous le seul effet de la décroissance radioactive (demi-vie de 30 ans). En effet, la décroissance de l'activité biodisponible dans le sol, l'herbe et le lait, s'effectue en deux phases distinctes : une première phase de décroissance rapide suivant une « demi-vie effective »* de l'ordre de 6 mois durant les trois premières années puis une seconde phase plus lente caractérisée par une demi-vie effective de l'ordre de 10 ans. La décroissance de la biodisponibilité du césium dans cet écosystème est notamment liée à sa fixation au fil du temps dans certains compartiments du sol comme les argiles, rendant cette fraction inaccessible pour les plantes.
Pour les besoins de son expertise, l'IRSN utilise des modèles qui représentent le transfert du césium depuis le sol vers les plantes par une valeur constante pour les deux classes de sols agricoles (argileux et sableux). C'est le cas par exemple dans la plate-forme SYMBIOSE. MEMOREX a ainsi permis de définir, pour ces modèles empiriques, de nouvelles constantes de la demi-vie du césium tenant compte de la décroissance observée de la biodisponibilité, afin de mieux prévoir l'évolution à moyen et long termes du césium dans la chaine alimentaire.
Pour autant, ces modèles empiriques ne garantissent pas de pouvoir être utilisés en dehors des conditions dans lesquelles les données exploitées ont été obtenues. Ainsi, afin de disposer de modèles permettant de prédire, pour divers environnements donnés, l'évolution des concentrations des radionucléides dans les compartiments de la biosphère, il est nécessaire de tenir compte des mécanismes qui régissent le transfert des radionucléides du sol aux plantes. Les chercheurs se sont ainsi penchés sur des modèles semi-mécanistes issues de la littérature internationale qui estiment les paramètres de transfert en fonction des caractéristiques physico-chimiques du sol. Il s'avère qu'en comparaison des activités mesurées, ces modèles sous-estiment la part de césium transférée à l'herbe et au lait. Ceci pourrait être lié à une forte imprécision dans l'estimation de la répartition du césium dans le sol, entre forme liquide (dissoute dans l'eau du sol), forme solide biodisponible et forme solide fixée de manière irréversible.
Ces résultats confirment ainsi des limites déjà partiellement connues des modèles semi-mécanistes testés. D'où les travaux d'une autre équipe de l'IRSN : le Laboratoire de recherche sur les transferts des radionucléides dans les écosystèmes terrestres (LR2T) s'attache à compléter les connaissances sur les transferts du césium 137 dans les sols et à proposer des alternatives de modélisation. Les données et les résultats du projet MEMOREX permettront de confronter les modèles proposés par le LR2T aux observations en vue de pouvoir les intégrer aux activités d'expertise et de surveillance de l'IRSN, notamment dans un objectif d'évaluer l'efficacité des techniques de décontamination des sols.
* Pour mémoire, la demi-vie effective est définie comme le temps au bout duquel l'activité dans un compartiment de l'environnement contaminé diminue de moitié (dans l'hypothèse où elle décroît de manière exponentielle).
Pour aller plus loin :
En savoir plus sur le LEREN
En savoir plus sur le LR2T