Détection de traces de 137Cs dans l’air en Europe consécutives à des incendies dans la zone d’exclusion de Tchernobyl, fin août / début septembre 2024

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27/09/2024

Fin août-début septembre 2024, des mesures de césium 137 (137Cs) dans l’air supérieures aux niveaux habituels ont été rapportées par différents organismes en Europe. L’IRSN a étudié l’origine de cette radioactivité et ses éventuelles conséquences en France. À ce jour, le réseau de surveillance OPERA de l’IRSN n’a pas détecté de niveau inhabituel en France en lien avec cet évènement. Les modélisations de l’IRSN confirment que le césium 137 provient des incendies qui se sont produits dans la zone d’exclusion de Tchernobyl à cette période et que cette radioactivité s’est dispersée, les jours suivants, vers le nord de l’Europe.

En avril 2020, l’IRSN avait suivi avec attention l’arrivée sur la France de masses d’air contenant des traces de radionucléides artificiels provenant de la zone d’exclusion de Tchernobyl. Ces radionucléides avaient été émis dans l’atmosphère par les nombreux incendies qui avaient sévi pratiquement tout le mois d’avril dans les régions fortement contaminées par les retombées de l’accident.

Ce scénario s’est reproduit ces dernières semaines en lien avec les conditions de sécheresse prévalant sur le territoire du nord de l’Ukraine et qui ont à nouveau conduit à des incendies dans la zone d’exclusion de Tchernobyl. Fin août, les premiers foyers se sont développés à environ 50 et 65 km à l’ouest de la centrale. Le 3 septembre, plusieurs foyers d’incendies étaient visibles par les satellites de surveillance, dans les environs proches de la centrale [1]. À la faveur d’une situation anticyclonique, les panaches des incendies se sont déplacés vers l’ouest de l’Ukraine puis la Pologne, la Scandinavie et une grande partie de la moitié nord de l’Europe. À partir du 12 septembre, le retour des pluies sur le nord de l’Ukraine a considérablement réduit les incendies.

Les premiers signalements de concentrations en 137Cs [2] dans l’air supérieures aux valeurs habituellement mesurées, proviennent d’une station située à Stockholm, dans le cadre des échanges au sein du réseau européen Ring of Five. Cette station réalise des prélèvements journaliers de poussières atmosphériques[3]. Les autres stations réparties en Europe réalisent des prélèvements hebdomadaires et ont donc transmis une alerte avec un délai supplémentaire.

À la date de publication de cette note, le 137Cs émis par ces récents incendies a été détecté dans une dizaine de pays Européens. Les niveaux mesurés, correspondant à des prélèvements hebdomadaires, vont de moins de 1 µBq/m3 à une dizaine de µBq/m3. Ces niveaux sont jusqu’à un ordre de grandeur au-dessus de ceux habituellement mesurés habituellement et imputables essentiellement à la remise en suspension de particules depuis les sols. Dans tous les cas ces niveaux restent faibles et sans danger pour les populations.

En France, les premiers résultats des prélèvements atmosphériques réalisés entre le 28/08/24 et le 11/09/24 sur les stations OPERA de l’IRSN indiquent des niveaux encore plus faibles : 0,072 ± 0,018 µBq/m3 à Orsay (91) ; 0,049 ± 0,020 µBq/m3 à Houdelaincourt (55) ; 0,040 ± 0,020 µBq/m3 à Revin (08) et inférieur à 0,102 µBq/m3 à Alençon (61). Ces niveaux s’inscrivent dans la plage de variabilité habituelle du bruit de fond en 137Cs dans l’air en France. D’autres analyses sont en cours dans les laboratoires de l’IRSN sur les prélèvements réalisés au cours de la deuxième et de la troisième semaine de septembre. Du fait des niveaux attendus très faibles, ces mesures nécessitent des temps de comptage longs (72 h) afin de quantifier avec précision le niveau réellement atteint. Les résultats de ces mesures seront publiés sur le site du réseau national de mesure de la radioactivité de l’environnement (RNM) (www.mesure-radioactivite.fr).

Dans le cas où l’origine d’une élévation anormale de radioactivité dans l’atmosphère est inconnue, l’IRSN dispose d’un outil de simulation pour déterminer l’origine du panache, sur la base des différentes mesures disponibles et des données météorologiques de Météo France. Cet outil, appelé rétro-dispersion, a été utilisé dans le cas présent pour confirmer la zone géographique d’origine des rejets la plus probable. Ces simulations ont été réalisées en utilisant les 51 mesures de stations européennes à disposition de l’IRSN à la date du 24 septembre 2024.

Empreinte panache incendies Tchernobyl août septembre 2024

Figure 1 : Simulations de rétro-dispersion indiquant la zone de localisation des rejets la plus probable (en rouge) au vu de la trajectoire des masses d’air et des mesures de 51 stations (cercles bleus). Le losange rouge localise le site de Tchernobyl.

La Figure 1 représente le résultat de ces simulations de rétro-dispersion, la zone de couleur rouge foncé indiquant la zone de localisation de l’origine des rejets la plus probable au vu de la trajectoire des masses d’air détectées par les 51 stations utilisées pour cette simulation (repérées par des cercles bleus). Elle est située légèrement à l’est du site de Tchernobyl, localisé par le losange rouge. Compte tenu des incertitudes, ces simulations confirment que le 137Cs mesuré provient des régions contaminées par l’accident de Tchernobyl. Toutefois, elles ne fournissent pas une évaluation quantitative des rejets, ni des concentrations dans l’air ou des dépôts surfaciques liés à ces rejets.

En complément, à des fins d’illustration qualitative des zones potentiellement touchées par le panache, une simulation a été réalisée avec le modèle de dispersion LdX de l’IRSN en positionnant un rejet fictif de 137Cs à Tchernobyl. Cette animation dite d’empreinte panache[4] confirme la cohérence de cette localisation avec les pays ayant détecté en premier lieu le panache (Ukraine, Pologne, Estonie, Finlande) :

Des simulations dites de modélisation inverse sont également en cours afin d’estimer la quantité de 137Cs rejeté par les incendies sur la base des mesures disponibles, du modèle LdX et des prévisions météorologiques de Météo France.

[1] D’après les images satellites, le 3 septembre, les principaux foyers étaient situés à moins de 20 km à l’ouest et au sud-ouest de la centrale.

[2] Ce radionucléide artificiel a été rejeté en quantité extrêmement importante (~ 1760 PBq) dans l’atmosphère à l’occasion de l’accident de Tchernobyl en avril 1986. Avec une période radioactive de 30 ans il est encore présent dans l’environnement. L’IRSN continue de le mesurer en 2024 pratiquement toutes les semaines à des niveaux extrêmement faibles en France à l’aide de ses stations de prélèvement de poussières atmosphériques à très grand débit.

[3] Au sein de son observatoire permanent de la radioactivité (réseau OPERA), l’IRSN dispose d’une station de ce type basée à l’ouest de Paris, sur le site du Vésinet. Cette station n’a pas détecté pour l’instant d’augmentation de la concentration en 137Cs dans l’air au-dessus de la limite de détection.

[4] L’empreinte panache est le produit d’une simulation de dispersion atmosphérique recourant aux prévisions météorologiques de Météo-France. Elle a pour but de mettre en évidence les territoires qui pourraient être concernés par des masses d’air contaminées dans les heures et jours suivant un rejet atmosphérique. Elle délimite, a contrario, les territoires qui ne seraient a priori pas concernés. Le rejet postulé est arbitraire, aucune hypothèse n’est formulée sur les quantités émises dans l’atmosphère. Cette simulation ne permet ainsi pas de tirer directement une estimation quantitative, en termes de dose ou de dépôt surfacique, des conséquences d’un rejet donné.

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