Fukushima Daiichi, huit ans après l'accident
Huit ans après l’accident nucléaire de Fukushima Daiichi, l’IRSN publie un rapport sur les conséquences sociales de la catastrophe, notamment les questions de retour et de non-retour dans les territoires évacués. La population fait l’objet d’un suivi sanitaire complet, notamment un dépistage des cancers de la thyroïde chez l’enfant. Enfin, les actions pour maîtriser les installations se poursuivent avec l'objectif d'aboutir au démantèlement de la centrale de Fukushima Daiichi d’ici 30 à 40 ans.
Sur le site de la centrale, les réacteurs 1, 2 et 3 sont désormais maintenus à une température, généralement inférieure à 30°C, grâce à une injection permanente d’eau douce.
Au niveau des piscines d’entreposage des combustibles usés, le refroidissement en circuit fermé mis en œuvre depuis l’accident permettent également de maintenir la température généralement sous les 30°C.
L’un des principaux objectifs de l’exploitant TEPCO est de limiter les infiltrations de l’eau injectée pour refroidir les réacteurs 1, 2 et 3 dans les sous-sols des bâtiments :
- Par le traitement des eaux radioactives. Des dispositifs permettent le retrait d’éléments radioactifs, sauf le tritium et des éléments radioactifs à l'état de traces. Toutefois, TEPCO qui n’est pas autorisé à rejeter les eaux traitées, doit encore les entreposer dans des réservoirs représentant environ 1 million de m3 ;
- Par des dispositifs de maîtrise des eaux. Des barrières d’étanchéité via la congélation des terrains ont été créées afin d'empêcher la pollutiondes eaux saines par les eaux radioactives qui se trouvent dans les sous-sols des bâtiments des réacteurs 1 à 4.
En parallèle, le plan d’actions visant à aboutir au démantèlement des installations se poursuit. Le retrait des combustibles usés de la piscine du réacteur 3 doit intervenir au premier semestre 2019. Pour rappel, cette opération a été achevée en décembre 2014 pour le réacteur 4, la plus chargée en combustibles, Pour les piscines des réacteurs 1 et 2, la reprise du combustible est annoncée vers 2023.
Deuxième étape du plan d’actions, le retrait des combustibles dégradés dans les réacteurs accidentés 1 à 3 fait l’objet d’un vaste programme de recherche afin de développer des moyens d’investigation et de concevoir les dispositifs nécessaires aux retraits des combustibles. En janvier 2018 et en février 2019, TEPCO a observé par robot la dégradation du cœur du réacteur 2. Le début du retrait des combustibles dégradés devrait être engagé un peu au-delà de 2020.
La 3e et dernière étape conduira au démantèlement complet des installations dans un délai de 30 à 40 ans.
Depuis juin 2011, les habitants de la préfecture de Fukushima font l'objet d'un suivi sanitaire coordonné par l'Université médicale de Fukushima (FMU). Des études épidémiologiques sont également réalisées afin d'évaluer l'incidence de certaines pathologies : cancers solides, leucémies, troubles psychologiques, thyroïdiens, hépatiques, rénaux, diabète, etc.
La FMU a présenté en janvier 2019, un bilan provisoire de la troisième campagne de dépistage des cancers de la thyroïde. Ainsi, 217 472 enfants se sont présentés pour bénéficier d'une échographie de la glande thyroïde, dont 65 % présentaient des nodules ou des kystes. L'analyse a confirmé la présence d'un cancer de la thyroïde de type adénocarcinome papillaire chez les 13 enfants ayant eu une ablation chirurgicale.
À ce jour, il est encore prématuré de se prononcer sur une éventuelle augmentation des cancers de la thyroïde consécutive aux rejets radioactifs chez les enfants présents en 2011 dans la préfecture de Fukushima lors de l’accident nucléaire. Néanmoins, plusieurs éléments indiquent que la fréquence élevée de nodules tumoraux thyroïdiens est liée à l’effet du dépistage plutôt qu’à un effet des rayonnements ionisants.
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Dans le cadre du projet Shinrai, un programme de recherche franco-japonais en partenariat avec le médialab de Sciences Po et l'université Tokyo Tech, l’IRSN a analysé les conséquences sociales de l’accident de Fukushima Daiichi, notamment les questions de retour et de non-retour dans les territoires évacués.
L’originalité de l’analyse est de s’appuyer sur une approche pluridisciplinaire (anthropologique, politique et sociologique) et sur une enquête approfondie auprès d’habitants de la préfecture de Fukushima et d’acteurs de la gestion de l’accident.
In fine, le rapport a identifié 6 catégories d’habitants, en fonction de leur décision de revenir ou non dans les territoires évacués après les levées d’ordres d’évacuation. Ainsi, le positionnement de la population sur le retour semble fortement dépendant des situations personnelles : alors que des anciens sont plutôt favorables au retour, les familles avec enfants sont en revanche plus indécises.
Le rapport souligne également le rôle important des élus locaux, en l’occurrence les maires, et les dilemmes éthiques auxquels les responsables politiques, les autorités ainsi que les experts chargés de les conseiller ont été confrontés : est-il légitime de rassurer à tout prix les populations ? Comment décider lorsque les intérêts des habitants divergent au point de remettre en cause la notion de « communauté » à laquelle se réfère une grande partie des approches internationales en matière de gestion post-accidentelle ?
L’expérience de l’accident nucléaire de Fukushima met en question certains principes de la gestion post-accidentelle :
- l’attachement des habitants au territoire observé après l’accident de Tchernobyl n’a pas été vérifié à Fukushima. Pourtant, c’est une hypothèse qui sous-tend les principes sur lesquels repose l’approche internationale de la gestion post-accidentelle ;
- la commensurabilité du risque radiologique à d’autres risques comme le tabac ou l’alcool, ou les autres risques que l’on encourt au Japon (risques naturels...). Utilisé par certains experts en radioprotection, ce type de mise en perspective montre certaines limites dans le contexte post-accident nucléaire.
- le confinement du risque par le zonage. Le gouvernement japonais s’est appuyé sur les recommandations internationales de la CIPR ou de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Toutefois, des choix de zonage ont été contestés, notamment leur définition sur la base du niveau de radioactivité mesuré ou estimé pour le futur.
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