L’IRSN publie son point de vue sur le modèle linéaire sans seuil (LNT)
Dans le domaine de la radioprotection, le modèle LNT suppose une relation directement proportionnelle entre la dose due à une exposition aux rayonnements ionisants et le risque de cancer, sans valeur de dose en dessous de laquelle ce risque serait nul. Ce modèle a été introduit dans le système de radioprotection il y a environ 60 ans, mais sa validité pour estimer le risque de cancer aux faibles doses et débits de dose et son utilisation en radioprotection font encore aujourd'hui l’objet de discussions animées.
Pour contribuer à ces discussions, l’IRSN publie aujourd’hui dans le Journal of Radiological Protection son point de vue sur le modèle LNT. Cet article s’appuie sur un travail de synthèse de l’état actuel des connaissances sur les effets de l'exposition aux rayonnements ionisants en radiobiologie et en épidémiologie accumulés au cours de la dernière décennie. Il discute également de l'utilisation du modèle LNT pour l'évaluation des risques de cancer suite à une exposition à de faibles doses de rayonnements ionisants, en support au système de radioprotection. Pour accompagner ce travail, l’IRSN a mis en place une consultation pluridisciplinaire interne qui visait à identifier, documenter et éventuellement résoudre les controverses sur le modèle LNT entre chercheurs et experts dans le domaine des risques associés aux rayonnements et de la radioprotection appliquée.
Les conclusions principales de l’article publié sont les suivantes :
- Les résultats des travaux de recherche sur les effets des rayonnements ionisants acquis au cours des dix dernières années, tant en radiobiologie qu'en épidémiologie, ont amélioré notre connaissance des risques de cancers à faibles doses.
- En radiobiologie, les événements mutationnels auxquels on attribue un rôle moteur dans la cancérogenèse répondent de manière linéaire aux rayonnements ionisants à partir d'une dose aussi faible que 10 mGy. Bien que le rôle des mécanismes non mutationnels dans la cancérogenèse soit désormais reconnu, et que certains de ces mécanismes répondent de façon non-linéaire, notre compréhension de ces mécanismes reste fragmentaire et leur impact sur le processus de cancérogénèse à faibles doses est actuellement difficile à évaluer.
- En épidémiologie, les résultats disponibles montrent un excès de risque de cancer à des niveaux de dose inférieurs à 100 mGy, au moins pour tous les cancers solides combinés, ainsi que pour certains types spécifiques de cancer. Si certains résultats récents indiquent des relations non linéaires pour certains cancers, le modèle LNT ne semble pas, dans l'ensemble, surestimer sérieusement les risques à faibles doses ou à faibles débits de dose.
- Bien que les incertitudes concernant les effets des faibles doses ou des faibles débits de dose persistent, les résultats actuels en radiobiologie ou en épidémiologie ne montrent pas de manière convaincante un seuil de dose en dessous duquel il n'y aurait pas de risque de cancer lié aux rayonnements ionisants. Ce seuil de dose, s'il existait, ne pourrait être supérieur à quelques dizaines de mGy.
- Enfin, le modèle LNT semble adapté à l'estimation du risque de cancer associé à l'exposition aux rayonnements ionisants en support au système de radioprotection. L'utilisation de ce modèle apparaît comme un choix raisonnable et prudent d’une part, et sans excès de conservatisme d’autre part. D'un point de vue pragmatique, aucune autre relation dose-risque ne semble à ce jour plus adaptée et mieux justifiée à des fins de radioprotection.
Référence
Laurier D, Billarand Y, Klokov D, Leuraud K. "The scientific basis for the use of the Linear No-Threshold (LNT) model in radiological protection." J Radiol Prot. 2023 Jun 20. doi: 10.1088/1361-6498/acdfd7.