Motion du Comité ODISCÉ de l’IRSN sur le projet de réforme de structure concernant la sûreté nucléaire
Le comité « Ouverture et impulsion du dialogue avec la société civile sur l’expertise » (ODISCÉ) a été créé en 2022 par l’IRSN, en application de son contrat d’objectif, pour favoriser l’instauration de nouvelles formes de dialogue sur l’expertise des risques nucléaires et radiologiques, et l’élargissement des publics associés au-delà de ceux impliqués dans les dispositifs actuels. Il contribue ainsi, dans le domaine d’action de l’IRSN, à la mise en œuvre de l’article 7 de la charte constitutionnelle de l’environnement traduit dans les lois et décrets applicables à l’IRSN, ouvrant à toute personne le droit de participer à l’élaboration des décisions ayant un impact sur l’environnement. Il s’inscrit dans la droite ligne de la politique d’ouverture à la société que mène l’IRSN depuis sa création.
Le comité a pris connaissance avec étonnement du projet de réforme de structure concernant la sûreté nucléaire, annoncé à l’issue du Conseil de politique nucléaire du 3 février. Il partage les préoccupations exprimées par les différentes instances de conseil et d’orientation de l’Institut et par de nombreuses parties prenantes de la gouvernance des risques nucléaires. A l’occasion de sa première réunion suivant cette annonce, et sans préjuger de la conclusion du processus d’examen du projet de loi, il a adopté le présent avis, qui sera publié et adressé aux instances de gouvernance de l’IRSN.
Il tient d’abord à rappeler que le dialogue avec la société concernant l’expertise sur les risques nucléaires et radiologiques n’est pas une opération anodine : il s’agit selon le cas de créer, de restaurer ou d’améliorer la confiance de la société, sans laquelle l’adhésion de la société à aucun projet ou programme radiologique ou nucléaire de quelque dimension que ce soit ne sera durablement possible.
Ainsi, la stratégie d’ouverture à la société engagée de longue date par l’IRSN s‘inscrit pleinement dans son rôle d’expert public de référence, chargé de construire une expertise d’autant plus conforme aux besoins de décision des pouvoirs publics qu’elle est informée par les préoccupations du public. Les pratiques mises en place par l’Institut en termes d’information et de dialogue technique participent de la montée en compétence de la société civile et du respect des principes, adossés à la Constitution et du droit européen et international, d’information du public et de participation aux décisions en matière d’environnement. Il est essentiel, quel que soit l’aboutissement du projet de réforme initié par le gouvernement, que les acquis de cette stratégie d’ouverture soient préservés, et qu’ils puissent continuer à être renforcés.
En regard de ces enjeux, le comité constate que le débat engagé sur une éventuelle réforme portant sur l’organisation de la sûreté ne repose sur aucune évaluation des forces et faiblesses de la situation actuelle, ni sur aucun échange avec les représentants des parties prenantes. L’introduction de ce projet par amendement en cours de débat parlementaire sur la loi d’accélération des procédures applicables aux installations nucléaires a par ailleurs conduit à ne pas disposer d’un avis du Conseil d’Etat ni de l’étude d’impact accompagnant les projets de loi dans leur version complète initiale. Cette absence de toute démarche d’évaluation préalable et de concertation avec les personnes ou organismes concernés est en contradiction complète avec l’exigence de transparence et d’information que la société est en droit d’attendre sur de tels sujets.
Sur le fond des orientations de réforme envisagées, le comité ODISCE fait siennes les demandes de garanties préconisées par l’OPECST dans les conclusions faisant suite à sa réunion du 28 février 2023. Le comité insiste particulièrement, dans son champ de compétence propre, sur les recommandations suivantes, citées par l’OPECST:
- maintenir les garanties sur l’information, la transparence et le dialogue technique avec la société ; ces garanties à maintenir comportent en particulier la publication des expertises et avis servant de base aux décisions de l’ASN, en application de la loi pour la transition énergétique et la croissance verte de 2015 ;
- veiller à développer dans d’autres organismes, y compris non institutionnels, les compétences nécessaires au fonctionnement d’un système de contrôle ouvert et transparent ;
- anticiper les évolutions futures, notamment celle d’un monde où la filière nucléaire deviendrait plus diversifiée qu’aujourd’hui et celle d’un accroissement de la complexité du contrôle qui nécessiterait une parfaite coordination s’appuyant sur les capacités de la recherche.
Le comité tient à souligner la qualité, largement reconnue, des travaux menés jusqu’ici par l’IRSN en matière d’ouverture à la société, grâce à une organisation et des moyens adaptés. Il s’agit d’une condition indispensable à la construction de la confiance. L’organisation future de la sûreté, quelle qu’elle soit, devra garantir et développer cette orientation essentielle.