La préparation de la quatrième génération de réacteurs nucléaires
Lors de la réunion du Conseil des Ministres du 20 décembre 2006, les ministres chargés de la recherche et de l’industrie ont présenté une communication relative à la préparation de la quatrième génération de réacteurs nucléaires.
Selon les termes du communiqué, « la France a décidé de s’engager avec détermination dans la conception de la quatrième génération de réacteurs nucléaires dont l’industrialisation pourrait intervenir à partir de l’année 2040.
La conception de ces réacteurs doit répondre à plusieurs exigences, fixées par le Gouvernement, par rapport aux réacteurs de troisième génération :
- réduire le volume et la radiotoxicité des déchets produits ;
- produire la même quantité d’énergie en utilisant beaucoup moins d’uranium ;
- améliorer encore la sûreté et la sécurité des réacteurs ;
- réduire les risques de prolifération.
… (les recherches à mener au cours des prochaines années) privilégieront les filières de réacteurs à neutrons rapides, refroidis au sodium ou au gaz …
Un rendez-vous est fixé en 2012 pour arrêter les choix technologiques parmi les options explorées et engager la construction en France d’un prototype dans la perspective de sa mise en service en 2020 conformément à la décision prise par le Président de la République en janvier 2006 ».
Il relève des missions de l’IRSN de faire des propositions d’ordre technique concernant la protection des personnes, des biens et de l’environnement et de mener des programmes de recherche en vue de maintenir et développer les compétences nécessaires à l’expertise des projets industriels dans les domaines de la sécurité nucléaire au sens large (sûreté, radioprotection, non-prolifération, résistance aux actions de malveillance).
C’est dans ce cadre que l’IRSN a entrepris une réflexion interne sur les questions de sûreté, de radioprotection et de sécurité posées par les six filières de réacteurs retenues au niveau international par le « Generation IV International Forum (GIF) » créé en 2000 à l’initiative du département américain de l’Energie (DOE). Cette réflexion, amorcée dès 2004-2005, a été renforcée après l’annonce par le Président de la République, début 2006, de la réalisation d’un prototype d’ici 2020. Au-delà des réacteurs proprement dits, la réflexion de l’IRSN a été étendue aux cycles du combustible associés.
Compte tenu des orientations du Gouvernement rappelées plus haut, l’IRSN a décidé de diffuser l’état actuel de sa réflexion sur les six filières précitées, étant entendu que les travaux ultérieurs de l’Institut concerneront pour l’essentiel les réacteurs à neutrons rapides. Les réacteurs à haute température ou très haute température, écartés en raison de leur cycle « ouvert » (sans recyclage des actinides), feront pour leur part l’objet d’une veille active en liaison avec les industriels intéressés.
Les réacteurs à neutrons rapides retenus à ce stade relèvent de deux filières bien distinctes :
- les réacteurs refroidis au sodium : cette filière a déjà fait l’objet de réalisations en France jusqu’à une échelle industrielle avec les réacteurs Rapsodie, Phénix et la centrale de Creys-Malville ; des projets ultérieurs (RNR 1500, EFR) ont fait l’objet d’examens préliminaires dans un cadre national formel (RNR 1500) ou multilatéral informel (EFR) ; bien entendu, des évolutions, sans doute sensibles, seront proposées par les concepteurs d’un réacteur de quatrième génération dans le but d’améliorer notamment la compétitivité mais aussi la sûreté, la sécurité et la gestion des déchets ;
- les réacteurs refroidis au gaz : cette filière n’a pas fait l’objet de réalisations jusqu’à présent en France ou à l’étranger ; le choix de cette filière dans le cadre du GIF est associé à ses possibilités en termes de transmutation des actinides et de rendement thermodynamique élevé, les températures visées permettant aussi d’envisager la production de chaleur pour des procédés industriels ; son développement éventuel supposera la réalisation en premier lieu d’un réacteur expérimental (le projet actuel REDT du CEA est un réacteur de 50 MW th pour lequel la décision de réalisation n’interviendrait, le cas échéant, qu’en 2012).
Sur la première filière (réacteurs refroidis au sodium), le texte joint met en exergue un certain nombre de questions précises qui devront faire l’objet d’une réflexion approfondie d’ici 2012 ; il s’agit pour l’essentiel des caractéristiques du cœur du réacteur et de son comportement lors de situations accidentelles, en relation avec le choix de moyens de refroidissement, ainsi que de la surveillance en service de différents composants (structures internes, générateurs de vapeur). Bien entendu, les dispositions innovantes qui seraient envisagées par les concepteurs devraient faire l’objet en temps utile de discussions approfondies (par exemple, suppression des circuits de sodium intermédiaire).
Néanmoins, l’état des connaissances apparaît suffisant pour lancer en 2007 une réflexion sur les questions de sûreté à traiter pour un réacteur de taille industrielle de cette filière, de façon analogue à ce qui avait été fait pour les réacteurs à eau sous pression de troisième génération à la fin des années 80 (à l’époque, les études menées conjointement par l’IPSN - Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire, devenu l’IRSN en 2002 - et GRS avaient débouché au milieu de l’année 1993 sur une prise de position des autorités de sûreté française et allemande quant aux objectifs de sûreté à retenir, applicable au projet de réacteur EPR).
La réflexion prévue tiendra compte des examens réalisés pour les projets RNR 1500 et EPR ; elle comportera des discussions avec d’autres organismes d’expertise au plan international et sera de plus utile pour définir les recherches à mener en appui de l’expertise ultérieure d’un projet de réacteur ; il faut souligner ici que, si des installations de recherche « lourdes » apparaissaient nécessaires, leur définition devrait à l’évidence intervenir dans les prochaines années de façon à pouvoir respecter l’échéance de 2020.
Sur la seconde filière (réacteurs refroidis au gaz), l’état de définition d’un réacteur, même expérimental, n’est pas suffisant pour suivre la même approche dans le même calendrier. Il importe que les concepteurs mènent d’abord des études de préfaisabilité tenant compte en particulier des questions identifiées en termes de sûreté (ceci concerne au premier chef le refroidissement en situation accidentelle).
Dans le même temps, l’IRSN mènera également une réflexion sur les questions de sécurité (non-prolifération et protection contre les actions de malveillance) pour les deux filières ; ces questions doivent en effet être traitées dès la conception de telle sorte que celle-ci tienne compte au mieux de l’ensemble des aspects liés à la sécurité nucléaire.
Télécharger le rapport Réacteurs de quatrième génération : premières appréciations et actions de l'IRSN