Le groupement national de recherche Trasse
Le CNRS et l’IRSN ont mené une collaboration de recherches au sein du groupement national de recherche (GNR) Trasse sur le thème du transfert des radionucléides dans les sols, les sous-sols et vers les écosystèmes, intégré au programme Pacen (Programme sur l’aval du cycle et l’énergie nucléaire) du CNRS.
Officiellement terminée depuis le 31 décembre 2011, la collaboration a conduit à la rédaction de nombreuses publications scientifiques. Une quinzaine d’entre elles ont été regroupées dans un numéro spécial du journal Applied Geochemistry sorti en juin 2012. Des discussions se poursuivent actuellement avec d’autres partenaires pour prolonger la collaboration fructueuse établie entre l’IRSN, le CNRS au travers du GNR Trasse dans le cadre du défi "Nucléaire, énergie, environnement, déchets, société" (NEEDS).
Le GNR Trasse s'articule en 2 axes de recherche, chacun s’appuyant sur l’une des deux plateformes expérimentales dont dispose l’IRSN.
Axe 1 : Étude des transferts de radionucléides naturels et artificiels dans le sol, les nappes phréatiques et vers les végétaux
Les recherches menées selon cet axe utilisent la plate-forme expérimentale T 22 sur le site de Tchernobyl (Ukraine), mise en place par l’IRSN en collaboration avec l’UIAR (Institut Ukrainien de Radioécologie) et l’IGS (Institut des Géosciences). Située dans la zone d’exclusion, à proximité du réacteur n° 4 accidenté en 1986, cette plate-forme permet, grâce à une instrumentation adéquate, d’étudier le transfert de radionucléides dans le sol, la nappe phréatique et les végétaux, autour d’une tranchée remplie de déchets et matériaux radioactifs issus de la catastrophe nucléaire d’avril 1986. Les enseignements tirés des expérimentations conduites sur ce site offrent divers champs d’application en lien avec la gestion des sites pollués et des anciens sites miniers uranifères ou avec le démantèlement d’installations nucléaires.
Axe 2 : Étude des capacités de confinement d’une formation géologique argileuse et des transferts induits vers les écosystèmes
Les recherches menées selon cet axe utilisent la station expérimentale souterraine de Tournemire (Aveyron), située dans un ancien tunnel ferroviaire creusé dans une formation sédimentaire argileuse. D’accès aisé, la station expérimentale de l’IRSN permet de mener des recherches in situ, avec une logistique légère, sur des roches qui comportent des similarités avec l’argilite étudiée par l’Andra sur le site de Meuse/Haute-Marne. Les expérimentations qui sont menées à Tournemire visent notamment à explorer les paramètres clés permettant de garantir le fonctionnement des barrières de confinement et d’étudier l’influence de conditions dégradées sur leurs performances globales. Les projets envisagés dans le cadre du GNR Trasse se concentrent notamment sur :
- la qualification de méthodes innovantes en géophysique permettant d’identifier des discontinuités subverticales (failles) de faible rejet affectant cette formation, à partir de la surface ou de la paroi d’une galerie souterraine,
- les perturbations induites par le creusement de galeries (zones endommagées ou EDZ) et par les revêtements en bétons d’âges variés (120 ans pour le tunnel, 12 ans pour les galeries Ouest et Est, 5 ans pour les galeries principale et secondaire).
Objectifs et organisation
La création de Trasse s’inscrit pleinement dans les missions de recherche de l’IRSN sur les risques nucléaires et radiologiques et renforce la position du CNRS, en tant qu’acteur des recherches sur l’aval du cycle électronucléaire conformément à la loi 28 août 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs.
Trasse permet de favoriser le développement des connaissances et des compétences scientifiques des équipes de recherche de l’IRSN et du CNRS concernant les phénomènes et les mécanismes qui interviennent dans le transfert des radionucléides présents dans les milieux géologiques. Ces connaissances sont importantes pour évaluer l’impact possible de tels transferts sur les écosystèmes et, in fine, l’exposition de l’homme, dans le contexte de l'évaluation des performances de stockages de déchets radioactifs ou de l'étude de sites radiocontaminés. Ils sont également utiles pour évaluer les facteurs pouvant altérer les propriétés de confinement des milieux géologiques. Trasse permet également de mieux valoriser les outils expérimentaux dont dispose déjà l’IRSN (la station expérimentale de Tournemire et la plate-forme d’expérimentation T22 de Tchernobyl) en les ouvrant plus largement à la collaboration scientifique des équipes du CNRS et ce, dans une structure fédérative et de concertation.
Fondé sur un principe de cofinancement, le GNR dispose d'un budget de 250 000 euros par an provenant pour moitié de chacun des deux partenaires. Ce cofinancement permet de couvrir une partie des dépenses de fonctionnement ou d’acquisition d’équipements spécifiques, propres à chacun des projets de recherche retenus. Le GNR dispose d’instances de gouvernance (conseil de groupement et conseil scientifique) qui permettent l’évaluation continue des activités de recherche et de la production scientifique, et qui veillent à la pertinence des orientations scientifiques retenues.
La direction du GNR Trasse est assurée par Joel Lancelot, enseignant-chercheur au CNRS, en tant que directeur du groupement, et Jean-Michel Matray, chef du Laboratoire de recherche sur le stockage géologique des déchets et les transferts dans les sols (LR2S) de l'IRSN, en tant que correspondant IRSN. L’organisation et le fonctionnement du GNR Trasse ont vocation à favoriser :
- une recherche amont de haut niveau, sur une thématique non encore couverte par le programme PACEN et donc complémentaire de celles des autres structures (GNR et PCR) existant au sein de ce programme,
- une gouvernance souple favorisant les réactivités et lisible, à la fois pour les équipes participant au GNR et pour les 2 établissements partenaires,
- une politique de publication dans des revues de rang A+ primant sur celle des rapports internes.
Les retombées attendues des recherches menées par le GNR Trasse
Les connaissances acquises sur les processus de transfert des radionucléides renforceront la capacité d’évaluation prédictive de l’impact des sites pollués par des substances radioactives ou des sites de stockage et d’entreposage de déchets et résidus radioactifs. Les résultats des études menées en partenariat par l’IRSN et le CNRS dans ces domaines concourront à l'objectif général de développement de connaissances, dans un cadre ouvert et lisible, et contriburont à renforcer et crédibiliser les bases techniques de l’expertise de l’IRSN.
Elles permettront ainsi de développer une capacité d'expertise de référence dans le domaine des risques radiologiques et nucléaires. La maîtrise des risques liés aux activités nucléaires est en effet de la responsabilité première des exploitants, sous le contrôle des pouvoirs publics. Mais elle suppose également la disponibilité, au plan national, d’une capacité de recherche et d’expertise publique de référence, capable d’en réaliser une évaluation scientifique et technique indépendante de celle des concepteurs et des opérateurs : il s’agit du rôle majeur confié à l’IRSN, à sa création.
Cette mission fondamentale, menée au profit de l’État et en particulier en appui de l’ASN, conduit l’IRSN à poursuivre en permanence le développement de ses compétences, dans un cadre national et international. Ainsi les programmes de recherche finalisée et les collaborations scientifiques de l’Institut doivent lui permettre de s’affirmer dans son rôle d’expert public de référence, dont la crédibilité aux plans scientifique, technique et opérationnel ainsi que l’indépendance dans l’expression de ces avis doivent être reconnues de toutes les composantes de la société. Cette exigence est particulièrement forte dans le domaine de la gestion des déchets radioactifs de haute activité à vie longue, compte tenu des enjeux scientifiques et sociétaux auxquels elle est associée.