Le projet Freebird
Dernière mise à jour en février 2012
Le projet Freebird (Fukushima Radiation Exposure and Effects in BIRD populations, projet ANR-11-JAPN-003) lancé en 2011 a pour objectif d’étudier les effets des rayonnements ionisants chez les oiseaux dans la zone contaminée de 100 km autour de Fukushima. Projet porté par l’IRSN (Laboratoire d’écotoxicologie des radionucléides) avec l’Université d’Etat d’Arizona de Tempe (Etats-Unis) et l’Université de Tsukuba (Japon), il vise à déterminer si des liens existent entre les doses reçues par les oiseaux, les modifications physiologiques observées et leurs conséquences sur la reproduction. Ce projet est financé dans le cadre de l'appel d’offre conjoint organisé par l'Agence Nationale de la Recherche (ANR) et l'Agence japonaise pour la Science et la Technologie (JST).
Contexte et enjeux
Les mécanismes primaires des effets des radiations ionisantes sont connus, sur l’ADN notamment, mais les conséquences à l’échelle écologique d’une exposition chronique, sur un territoire contaminé, restent difficiles à prédire. Des recherches effectuées sur les populations d’oiseaux vivant dans la zone d’exclusion de Tchernobyl (après l’accident de 1986) ont mis en évidence des effets délétères sur la biodiversité et l’abondance des espèces mais aussi des dommages à l’ADN de ces même espèces, des malformations des spermatozoïdes, de l’albinisme, du stress oxydant, etc. (Moller, Mousseau et al.). Cependant, l’interprétation des relations entre les débits de doses ambiants et les effets ne fait pas l’unanimité au cœur de la communauté scientifique. En effet, les effets mis en évidence semblent très importants en regard des faibles débits de doses ambiants mesurées (0,01 à 10 µGy/h).
Sites étudiés (zones noires) dans la périphérie de Fukushima (cerclée en noir).
Les niveaux de doses sont représentés par des couleurs allant
du bleu (< 1 µSv/h) au rouge (> 10 µSv/h). © IRSN
La catastrophe nucléaire de Fukushima qui a eu lieu en 2011 a provoqué le rejet massif de produits de fission volatiles (134Cs, 137Cs, 131I, 129mTe, 129Te, 132Te, 136Cs, 132I, 89Sr, 90Sr…). Les débits de doses induits par les dépôts radioactifs dans la zone des 80 kilomètres autour de la centrale accidentée sont en certains points du lobe nord ouest où les dépôts ont été les plus élevés, supérieurs au seuil maximal défini pour une bonne conservation des écosystèmes (10 µGy/h). Les enjeux du projet Freebird sont donc :
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de compléter les connaissances scientifiques sur la conservation des espèces et sur la gestion au long terme des écosystèmes contaminés à Fukushima,
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d’acquérir de nouveaux résultats scientifiques sur les effets écotoxiques des rayonnements ionisants, en réponse aux préoccupations des citoyens,
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de valider des concepts de radioprotection actuels qui sont à la l’origine des critères de protection des écosystèmes.
Organisation du projet
Les observations portent sur trois espèces d’oiseaux : l’hirondelle rustique, le moineau friquet et le verdier de Chine.
Espèces d'oiseaux observées : l'hirondelle rustique, le moineau friquet, le verdier de Chine
(de gauche à droite) © IRSN
Le projet s’articule en quatre tâches successives.
Comment les oiseaux ont été exposés à la contamination ?
Les chercheurs croisent les données existantes sur la contamination radioactive dans un rayon de 100 kilomètres autour de Fukushima et les connaissances sur les périodes et lieux de reproduction des oiseaux. Ils construisent une cartographie du risque a priori, fondée sur la reconstruction des doses potentiellement absorbées par les différentes espèces d’oiseaux (doses totales toutes voies d’irradiation - externe et interne). Cette carte peut être ensuite validée par les mesures acquises sur le terrain, permettant de construire une cartographie a posteriori.
Comment les oiseaux réagissent physiologiquement aux radiations ?
Le travail s’axe sur l’observation de l’action du stress oxydant (causé par les espèces réactives de l’oxygène radioinduites) sur les anti-oxydants, notamment la vitamine E et les caroténoïdes, ces derniers étant également impliqués dans la coloration du plumage. Les chercheurs observent aussi les dommages à l’ADN, l’effet immunostimulant des anti-oxydants, la réponse hormonale au stress en condition chronique d’expositions, la fertilité et la qualité du sperme.
Comment l’exposition aux radiations affecte les oiseaux durant la saison des amours ?
Il s’agit ensuite d’observer les effets des radiations à l’échelle de l’organisme : l’évolution des signaux sexuels (la coloration du plumage) ainsi que l’investissement maternel dans les œufs (nombre, masse et taille des œufs).
Comment l’exposition aux radiations affecte une population entière ?
Cette dernière tâche consiste à modéliser l’évolution des populations d’oiseaux et des relations dose-réponses biologiques.
Déroulement du projet
Freebird a démarré en octobre 2011 et est prévu pour durer 18 mois. Des études de terrain autour de Fukushima (choix des sites d’étude, optimisation des protocoles, campagne de prélèvements hors-reproduction) ainsi qu’une collecte des données sur les oiseaux se reproduisant dans la zone de Fukushima ont été effectuées entre octobre et décembre 2011. Début février 2012, une campagne de prélèvements et de captures d’oiseaux a eu lieu dans les 11 sites choisis dans la zone des 100 kilomètres (un site de contrôle et dix sites aux différents niveaux de radioactivité, de 0,75 µSv/h à 10 µSv/h). Des dosimètres y ont été installés.
Implantation d'un dosimètre © IRSN
La prochaine campagne de prélèvements biologiques et de captures est prévue au printemps 2012, lors de la période de reproduction des oiseaux. Les échantillons collectés seront ensuite analysés à l’ASU de Tempe et à l’IRSN.