Récit de la mission Freebird 2012, épisode 3
Jean-Marc Bonzom, chercheur en écotoxicologie, et Audrey Sternalski, post-doctorante, sont sur le terrain pour une durée d'un mois, à proximité de la centrale nucléaire de Fukushima Dai-ichi dans le cadre du projet Freebird (Fukushima Radiation Exposure and Effects in BIRD populations, ANR Flash Post Fukushima).
Leur mission : étudier, aux alentours de la centrale, les effets sur les oiseaux de la contamination de l’environnement par des substances radioactives.
Grâce au carnet de voyage scientifique tenu par Jean-Marc Bonzom, ils partagent quelques moments de leur activité de terrain.
Aventures en forêt...
Rentrons dans le vif du sujet. Un des défis de ce projet de recherche est de capturer des oiseaux. Comment les capturer ? Avant toute chose, il est nécessaire de sélectionner des sites de capture.
Ces sites doivent répondre à plusieurs critères : premièrement, abriter les oiseaux que nous recherchons, c’est-à-dire des passereaux (mésange…) ; deuxièmement, des sites avec plusieurs niveaux de contamination, mais le plus identiques possible en terme de paysage (par exemple, un même type de forêt) ; troisièmement, des sites avec les mêmes caractéristiques (on parle de répliquat) ; et enfin quatrièmement, des sites favorables à l’utilisation de filets pour capturer les oiseaux.
Après avoir sélectionné une dizaine de sites aux alentours de la zone d’exclusion des 20 Km autour de Fukushima, nous avons décidé de commencer des captures en milieu forestier.
Techniques de capture
Comment procède-t-on ? Nous utilisons une dizaine de filets, longs de 10 mètres en moyenne et haut de 2 mètres. On appelle ces filets des « filets japonais ». Les Japonais les utilisent depuis trois siècles !
C'est la fin de la journée, nous installons des filets japonais
en vue de capturer des oiseaux le lendemain matin.
Cette forêt est contaminée par des radionucléides (environ 20 µSv/h).
© Jean-Marc Bonzom/IRSN
Les filets sont installés la veille du jour de capture. A deux personnes, il faut compter environ 6 heures de travail pour installer 10 filets. Il est nécessaire de choisir un endroit où les filets, une fois ouverts, seront le moins visibles possibles car si les oiseaux les voient, ils les éviteront !
En milieu forestier, nous sommes souvent amenés à réaliser une trouée à coup de machette pour pouvoir tendre les filets entre deux piquets. Une fois installés, ils sont maintenus fermés jusqu’au lendemain matin, jour de capture. Ils doivent être ouverts avant le lever du jour, en silence, tandis que les oiseaux dorment encore.
Jean-Marc Bonzom fait une trouée dans la forêt pour pouvoir installer un filet japonais. © Audrey Sternalski/IRSN
Conclusion, en ce moment, nous devons nous rendre sur les sites avant 3h45 du matin. Actuellement, nos sites sont situés à environ une heure de route. Je vous laisse calculer l’heure du réveil !
Une fois sur le site, nous ouvrons rapidement les filets, puis nous installons tout notre matériel de mesure (j’y reviendrai dans un prochain récit) et toutes les 30 minutes, nous faisons la tournée des filets pour vérifier si des oiseaux ont été capturés.
Un filet japonais ouvert. Le voyez-vous ? Non. C'est parfait. Les oiseaux non plus. Si les oiseaux voient le filet, ils l'évitent. © Jean-Marc Bonzom/IRSN
Il est nécessaire de relever les filets aussi fréquemment car un oiseau pris dans un filet perd très rapidement de l’énergie et peut mourir si on le laisse plus longtemps. Les jours de pluie, il n’est pas possible de capturer des oiseaux, car un oiseau mouillé, pris dans un filet, peut alors mourir très rapidement. Les jours de vent ne sont pas non plus favorables, car sous l’effet du vent les filets se gonflent et deviennent donc très visibles. Pour enlever les oiseaux du filet, il faut un peu de pratique, car le filet est très fin et parfois l’oiseau très emmêlé dans les mailles du filet. Il faut commencer par dégager les pattes, puis les ailes, puis la tête. Il faut surtout rester très zen, car souvent on est devant un vrai casse-tête chinois. En général, nous capturons jusqu’à 10-11 heures. Après les oiseaux sont moins actifs, les filets plus visibles, donc le succès de capture est quasiment nul.
Une mésange prise dans un filet japonais. Après l'avoir démaillée du filet et mesurée, elle fut relâchée ! © Jean-Marc Bonzom/IRSN
Si les oiseaux ont terminé leur « journée », la nôtre continue…
Nous en profitons alors, par exemple, pour visiter d’autres sites en vue de capturer des moineaux en milieu urbain. Mais également de retour au logement, nous devons préparer tous les échantillons récoltés au cours de la matinée. Nous avons de quoi nous occuper. En général nous n’arrivons pas à nous coucher avant 23 h. Et le lendemain matin, le réveil est toujours douloureux ! Sauf parfois quand la pluie tombe à verse. Nous en profitons alors pour récupérer et fabriquer d’autres types de pièges en vue de capturer des moineaux. Je vous raconterai prochainement comment on s’y prend pour espérer capturer des moineaux !
A bientôt,
Jean-Marc
Dernière modification le 22 juin 2012