Examen des systèmes nucléaires de 4ème génération
Le Generation IV International Forum (GIF), créé en 2000 par le Département de l’énergie américain (US/DOE), coordonne les activités de recherche et de développement devant aboutir au déploiement de systèmes nucléaires (réacteurs et installations du cycle du combustible associées), dits de 4ème génération, à l’horizon de la seconde moitié du XXIème siècle.
Dans ce cadre, le GIF a sélectionné les six systèmes suivants parmi ceux proposés par les pays participants, dont la France :
- les réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium (Sodium cooled Fast Reactors – SFR) ;
- les réacteurs à très haute température, à spectre thermique (Very High Temperature Reactors – VHTR) ;
- les réacteurs à neutrons rapides refroidis au gaz (Gas cooled Fast Reactors – GFR) ;
- les réacteurs à neutrons rapides refroidis au plomb (Lead cooled Fast Reactors – LFR) ou à l’eutectique plomb-bismuth (Lead Bismuth Eutectic – LBE) ;
- les réacteurs à sels fondus à spectre rapide ou thermique (Molten Salt Reactors – MSR) ;
- les réacteurs refroidis à l’eau supercritique à spectre rapide ou thermique (SuperCritical Water Reactors – SCWR).
L’IRSN a réalisé un état des lieux de ces systèmes du point de vue de la sûreté et de la radioprotection. Il convient toutefois de souligner la difficulté de dresser un bilan « équilibré », certains concepts étant déjà en partie éprouvés alors que d’autres ne sont qu’à un stade de développement préliminaire. De plus, la sûreté des installations repose à la fois sur leurs caractéristiques intrinsèques et sur les dispositions de conception et d’exploitation mises en œuvre. La sûreté des différents systèmes ne peut donc être appréciée que de façon très partielle à ce stade, les conceptions actuellement à l’étude ne correspondant pas nécessairement à celles qui pourraient être retenues in fine.
L’analyse réalisée par l’IRSN vise ainsi à apprécier le « potentiel de sûreté » des différents systèmes tel qu’il peut être appréhendé actuellement, compte tenu des connaissances disponibles.
Le bilan effectué conduit l’IRSN à considérer que, à ce jour, parmi les différents systèmes nucléaires envisagés, seul le système SFR présente une maturité suffisante pour que la réalisation d’un prototype de réacteur de 4ème génération soit envisageable dans la première moitié du XXIème siècle ; une telle réalisation nécessite toutefois l’aboutissement d’études et de développements technologiques pour la plupart déjà identifiés.
Le principal atout des réacteurs SFR en termes de sûreté réside dans l’utilisation d’un caloporteur liquide, sous faible pression et dont la température en fonctionnement normal présente une marge importante (300°C) par rapport à sa température d’ébullition, ce qui génère des délais de grâce importants, de l’ordre de plusieurs heures, en cas de perte des moyens de refroidissement. Toutefois, cet avantage doit être modulé par le fait que l’intégrité des structures du réacteur ne pourra pas être maintenue au voisinage de cette température.
Par ailleurs, l’utilisation du sodium présente un certain nombre d’inconvénients liés notamment à sa forte réactivité avec l’eau et l’air. Ainsi, s’il apparaît possible qu’un réacteur SFR puisse présenter un niveau de sûreté au moins équivalent à celui visé pour les réacteurs à eau sous pression de 3ème génération, l’IRSN ne peut pas se prononcer, à ce stade, sur la possibilité d’atteindre un niveau de sûreté significativement supérieur. A cet égard, les SFR font l’objet de travaux importants de recherche et de développement, en France et à l’étranger, dont le projet de réacteur ASTRID [1], qui devraient permettre des avancées de sûreté.
Le VHTR bénéficie du retour d’expérience d’exploitation des réacteurs HTR (High Temperature Reactor) et pourrait apporter des améliorations de sûreté notables par rapport aux réacteurs de 3ème génération, notamment en termes de prévention de la fusion du cœur. Toutefois, la faisabilité n’est pas acquise ; elle dépendra notamment du développement de combustibles et de matériaux résistant aux hautes températures, les températures de fonctionnement actuellement envisagées, de l’ordre de 1000°C, étant proches des températures de transformation des matériaux couramment utilisés dans l’industrie nucléaire.
Les quatre autres systèmes étudiés ne bénéficient pas d’un retour d’expérience directement utilisable ; leur réalisation poserait des difficultés technologiques qui ne permettent pas d’envisager un passage à l’échelle industrielle aux échéances visées. On peut toutefois distinguer, d’une part le LFR et le GFR, pour lesquels la construction de réacteurs de petite taille pourrait intervenir dans la première moitié du XXIème siècle, d’autre part le MSR et le SCWR, pour lesquels de premières réalisations apparaissent difficilement envisageables avant la fin du siècle.
En conclusion, au stade actuel des développements, l’IRSN ne relève pas d’éléments permettant de conclure à la possibilité d’atteindre, pour les systèmes examinés, un niveau de sûreté significativement supérieur à celui des réacteurs de 3ème génération, si ce n’est pour le VHTR dont la faisabilité n’est toutefois pas acquise. De nombreux travaux de recherche et développement restent donc à mener pour le développement de réacteurs nucléaires de 4ème génération, ainsi que pour les cycles du combustible et la gestion des déchets associés, d’ampleur variable selon le système choisi. En tout état de cause, l’IRSN estime intéressant de privilégier des concepts « pardonnants », peu sensibles aux événements susceptibles de se produire dans l’installation ou à l’extérieur de celle-ci.
Enfin, pour l’IRSN, outre les questions de compétitivité économique, le choix d’un éventuel déploiement industriel d’une filière de réacteurs de 4ème génération devra nécessairement être lié aux avantages apportés par la nouvelle filière, non seulement en termes d’exploitation et de sûreté des réacteurs, mais aussi en termes de cohérence et de performance du cycle du combustible associé, incluant les aspects de sûreté, de radioprotection, de gestion des matières et de minimisation de la production de déchets radioactifs.
Note :
1- En France, le choix des acteurs industriels s’est porté sur le concept SFR pour le développement d’un prototype de réacteur de 4ème génération, avec le projet ASTRID (Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration).