Le projet Mire
Le projet Mire (Mitigation des Rejets à l’Environnement en cas d’accident nucléaire), vise à étudier et améliorer la limitation (dite mitigation) des rejets radioactifs lors d'un accident de fusion du cœur d’un réacteur nucléaire (dit accident grave). Lancé en septembre 2013, pour une durée initiale de 6 ans, ce projet est l'un des sept projets pilotés par l’Institut et retenus par l’Agence nationale de recherche (ANR) dans le cadre de l’appel à projet Recherche en matière de sûreté nucléaire et radioprotection (RSNR).
Les résultats encourageants obtenus durant cette première phase ont conduit à une extension de 30 mois (fin prévue en mars 2022) afin d’explorer plus en amont les capacités des matériaux poreux à piéger l’iode radioactif sous ses différentes formes. L’extension du projet se focalise notamment sur les aspects de mise en forme de ces matériaux et sur la réalisation d’essais les plus proches possibles des conditions accidentelles avec de fortes teneurs en vapeur d’eau et la présence de gaz contaminant.;
Caractéristiques du projet
Dates de réalisation : 2013-2022
Financement : 20 % ANR
Pilotage : IRSN
Partenaires : Université Lille, CNRS, ARMINES, Université Aix-Marseille, Université de Lorraine, IMT Atlantique, EDF, Framatome et SOMEZ
Contexte
Lors d'un accident de fusion du cœur d’un réacteur nucléaire, des éléments radioactifs contenus dans les crayons de combustible arrivent dans l'enceinte de confinement sous forme de particules (aérosols) ou de gaz. Afin de réduire le risque d’un rejet massif de ces éléments dans l’environnement en cas d’augmentation excessive de la pression dans l'enceinte, il a été mis en place sur certains réacteurs, et en particulier sur ceux du parc électronucléaire français, un système d’éventage et de filtration. Ce système permet de dépressuriser l’enceinte de confinement à travers un dispositif de filtration qui limite le rejet des éléments radioactifs dans l'environnement.
En France, le dispositif de filtration retenu consiste en des préfiltres métalliques et des filtres à base de sable respectivement disposés à l’intérieur et à l’extérieur de l’enceinte. Ce système relativement efficace pour la filtration des aérosols ne permet cependant pas de retenir les formes gazeuses de deux éléments présentant un risque sanitaire important : l’iode et le ruthénium.
Le projet Mire a pour objectif majeur la réduction des rejets radioactifs pouvant résulter de l’éventage volontaire d’une enceinte de confinement, on distincte la phase initiale (2013-2019) dite phase 1 de l’extension du projet (2019-2022).
Axes de recherche
Le projet Mire, à été mené avec une phase initiale (2013-2019) dite phase 1 et l’extension du projet (2019-2022). Le projet Mire phase 1 a été mené selon trois axes de recherche basés à la fois sur des expérimentations et des modélisations.
- Axe 1 - Études du Terme-Source*
Il s'agissait d'approfondir les connaissances déjà existantes sur l’inventaire et la forme des éléments radioactifs pouvant se trouver en suspension dans l’enceinte de confinement. Afin de mieux cerner la forme et la quantité des éléments radioactifs pouvant transiter dans les systèmes d’éventage et de filtration, ce volet du projet Mire visait à compléter les connaissances existantes sur la remise en suspension ou la revolatisation d’éléments radioactifs pouvant survenir au moment de l’éventage ou, de manière différée, à plus long terme. L’axe de recherche concernait deux domaines principaux pour lesquels les incertitudes restent encore importantes :
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Les modifications des conditions thermo-hydrauliques dans l’enceinte de confinement ou de la composition de son atmosphère peuvent entraîner la remise en suspension de radioéléments déposés sur, et éventuellement adsorbées par, les surfaces de l’enceinte, du générateur de vapeur et du circuit primaire de refroidissement. Au sein du projet Mire, ces processus ont été analysés via des essais de revolatilisation (césium, iode et ruthénium) à partir des surfaces du circuit primaire de refroidissement. Les paramètres principaux d’étude étaient la nature du gaz porteur et les conditions thermiques. Il est apparu que dans certaines conditions, il peut se produire une remobilisation des dépôts avec formation de gaz et d’aérosol. Cette thématique en lien avec les observations expérimentales effectuées lors de l’accident de Fukushima-Daiichi sera approfondie dans le cadre du projet OCDE ESTER (Experiments on Source TErm for delayed Releases) qui débute à l’automne 2020.
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Des particules d’oxydes d’iode se forment dans l’enceinte de confinement du réacteur lors d’un accident via l’oxydation d’iode volatile par les produits de la radiolyse de l’air (l’ozone formée sous radiation par exemple). Peu d’informations sont disponibles sur ces particules (taille, composition, stabilité…), bien qu’elles puissent représenter dans certains cas une large part des formes iodées en suspension dans l’enceinte de confinement. Dans le cadre de Mire, des expériences ont eu pour objectif d’obtenir des informations qualitatives et quantitatives (taille, masse, distribution, composition, etc.) sur les interactions des oxydes d’iode avec les produits de radiolyse de l’air, ainsi que sur la stabilité chimique à moyen terme de ces oxydes. De ces études il a été conclu que les oxydes d’iode se forment par oxydation (UV et radiolytique) des iodes volatiles et se présentent sous la forme de petites particules (quelques centaines de nm) dont la composition chimique peut varier en fonction de la température et de de l’humidité. Ces particules sont assez instables et peuvent partiellement se re-décomposer en iode moléculaire type I2 selon la forme chimique des oxydes.
* On désigne par "terme source" l'ensemble des informations qui caractérisent les rejets de produits radioactifs dans l'environnement : les espèces chimiques rejetées, les isotopes concernés, les formes physico-chimiques (gaz, aérosols), la quantité rejetée pour les différentes espèces et la cinétique des rejets.
- Axe 2 - Évaluation de l'efficacité des systèmes de filtration existants
Les études conduites avaient pour objectif d’évaluer et de comparer l’efficacité des dispositifs de filtration aujourd’hui disponibles dans le monde (cf. Status Report on Filtered Containment Venting de l’OCDE. Les recherches menées sur cet axe ont consisté à déterminer par une approche expérimentale l’efficacité de filtres à piéger l'iode moléculaire et les iodures organiques ainsi que le ruthénium gazeux.
Les filtres qui ont été testés sont ceux déjà installés dans les installations nucléaires en France et dans le monde : filtres à base de sables - filtres liquides (filtres à barbotage - filtres métalliques.
Des tests d’adsorption pour les espèces gazeuses considérées ont été réalisés à petite échelle pour chaque type de filtre. Les paramètres suivants ont été étudiés : vitesse d’adsorption, capacité maximale de piégeage, température et taux d’humidité. La réversibilité du captage sous radiation a également été évaluée. Ces tests ont été complétés par des tests à plus grande échelle sur une nouvelle installation de l’IRSN, le banc Persée, dédié à l’étude de systèmes de filtration et d’épuration.
Les données acquises ont permis de confirmer que pour les iodes volatils, les filtres métalliques, à sable ou encore liquides ne permettent pas de piéger efficacement les iodures organiques et notamment CH3I.
- Axe 3 - Recherche et développement de nouveaux systèmes filtration sur la base de l’emploi de matériaux poreux dédié
Les objectifs de cet axe étaient d’étudier et de développer des matériaux poreux innovants pour le piégeage des espèces gazeuses d’iode (I2 et CH3I) et du ruthénium gazeux sous forme de tétraoxyde de ruthénium (RuO4). Le choix s’est porté sur deux types de média filtrants : les zéolites à l’argent et les structures type MOF (Metal Organic Framework).
Le piégeage des différentes espèces d'iode a été étudié ainsi que les mécanismes associés (modélisation et études expérimentales). Des tests analytiques dans des conditions proches de celles des accidents graves (rayonnement, température, vapeur, inhibiteurs ...) ont été effectués dans les bancs expérimentaux SAFARI (meSure de l’efficAcité de Filtration de mAtériaux vis-à-vis du Ruthénium et de l’Iode) et PERSEE. Les matériaux les plus prometteurs ont également été testés vis à vis du ruthénium gazeux.
Pour l’iode gazeux, les études théoriques par calculs de dynamique moléculaire (DFT) ont confirmé que l’argent dispersé dans une zéolite est le meilleur candidat pour piéger l’iode. Pour les polluants gazeux, le monoxyde de carbone (CO) peut présenter un effet inhibiteur vis à vis de l’adsorption des espèces iodées même à faible teneur. L’eau étant présente en teneur importante dans le gaz, son effet peut être aussi significatif.
Au plan expérimental, parmi les zéolites testées, les adsorbants préparés par échange ionique avec de l’argent dans la faujasite Y (en particulier avec environ 20 % en masse d’Ag) ont montré les performances les plus élevées pour le piégeage de CH3I et I2. Une zéolite Ag/X commerciale avec 35% massique d’argent a montré également de bonnes capacités de piégeage. Pour les MOF, certains matériaux présentent une bonne résistance au rayonnement mais, à ce stade, on n’a pas été en mesure de trouver une structure capable de piéger efficacement l’iodure de méthyle.
Pour le ruthénium gazeux, les résultats obtenus montrent des capacités de piégeage variables selon les matériaux poreux étudiés. La série d’essais effectués permet d’obtenir un premier classement parmi les matériaux poreux solides existants. Les MOF et la silice organo-modifiée testés ont les capacités de piégeage les plus élevées parmi les composés testés. Des essais supplémentaires sont nécessaires pour explorer leur performance dans des conditions plus représentatives de l’accident grave.
L'extension du projet (2019-2022)
L’extension du projet MiRE vise à évaluer le comportement de ces matériaux innovants (zéolites à l’argent) en conditions représentatives d’un « Accident Grave ». L’extension porte également sur la recherche d’un matériau « alternatif » (matériau poreux « moins élaboré » principalement dopé à l’Ag ou sans Ag) facilement exploitable à l’échelle industrielle (facilité de mise en œuvre, maintenance...). L’université de Lorraine, qui a conduit en grande partie les études sur les zéolites dans la première phase du projet, EDF et la TPE SOMEZ qui interviendra notamment sur la recherche d’un matériau poreux alternatif aux zéolites participent à cette phase du programme de recherche.
- Tâche 1 : Définition du meilleur concept de piège pour les iodes volatils : restreindre le choix définitif au maximum à 2 matériaux poreux sur la base de tests à l’échelle du laboratoire et de modélisation à l’échelle moléculaire.
- Tâche 2 : Réflexion sur la problématique en lien avec le facteur d’échelle, incluant la mise en forme et des tests pour étudier le potentiel vieillissement.
- Tâche 3 : Tests de mesures de coefficient d’épuration à l’échelle du laboratoire dans SAFARI et « semi-pilote » dans PERSEE et de stabilité du piégeage dans l’installation EPICUR et modélisations associées en support.
- Tâche 4 : Rapport de synthèse avec des propositions de pistes d’amélioration du dispositif U5, dispositif de filtration qui assure la décompression et la filtration de l’enceinte de confinement en cas d’accident grave.
Les résultats obtenus dans le cadre de ce projet d’extension permettront :
- de disposer d’une réflexion avancée sur les possibles améliorations du dispositif U5 sur le parc de réacteurs actuel
- de disposer de solutions techniques, choisies pour ce besoin par des essais, testées dans des conditions plus proches des conditions AG et en intégrant les facteurs d’échelle, pour mitiger le rejet des iodes en cas d’éventage de l’enceinte pour les futurs réacteurs GenIII/III+
- après un bilan avantages/coûts, les matériaux développés dans ce cadre pourraient être mis en œuvre dans les installations pour lesquelles les conditions de filtration sont difficilement maîtrisables et où les charbons actifs sont moins efficaces (stockage, rejets chroniques…).
Nos partenaires
- Université Lille, CNRS, ARMINES, Université Aix-Marseille, Université de Lorraine, IMT Atlantique, EDF, Framatome, SOMEZ
Les laboratoires IRSN impliqués
Laboratoire d’étude du transfert des radioéléments (LETR)- Laboratoire d'expérimentation environnement et chimie (L2EC) - Laboratoire d’expérimentations sur le comportement des équipements et de la ventilation (LECEV)
L2EC
Le L2EC a pour mission générale les études expérimentales des phénomènes et des mécanismes divers ayant une influence sur le transfert des produits radioactifs en situations accidentelles.
LETR
Le LETR a pour mission générale d’améliorer la connaissance dans le comportement des produits radioactifs, et les phénomènes qui s’y attachent
LECEV
Les principales thématiques de recherche LECEV se situent dans le domaine de la filtration et du comportement des équipements contribuant au confinement dans les installations de type laboratoires/usines.
En savoir plus
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Contact
Laurent Cantrel, Chef du projet
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