Savoir et comprendre
Résumé
Etude de l’IRSN relative au positionnement des stations de mesure multi-paramètres aval des CNPE de la Loire et de la Vienne
17/12/2024
Contexte de l’étude
Une activité volumique de tritium nettement plus élevée que celles habituellement observées dans le cadre de la surveillance radiologique environnementale, a été mesurée par l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’ouest (ACRO) dans un prélèvement d’eau effectué dans la Loire au pont Cessart à Saumur en janvier 2019, en aval du Centre Nucléaire de Production d’Electricité (CNPE) de Chinon.
Afin d’évaluer la reproductibilité de cette mesure, l’IRSN a réalisé, entre 2020 et 2021, une campagne de prélèvements et de mesures spécifiques associée à des modélisations de la dispersion des rejets liquides des cinq CNPE du bassin de la Loire (Rapport IRSN 2022-00034 - Etude du tritium dans la Loire au pont Cessart à Saumur).
Cette étude a mis en évidence que les prélèvements réalisés à la Station de mesure Multi-Paramètres (SMP) située en aval de Chinon n’étaient pas systématiquement, en fonction des débits de la Loire, représentatifs des rejets du CNPE en raison de son positionnement. Ce constat a alors soulevé des interrogations sur le positionnement des autres SMP aval des CNPE de la Loire et de la Vienne.
Pour en savoir plus : Etude du tritium de la Loire « Pont Cessart à Saumur »
Objectif de l’étude
Dans ce contexte, l’objectif de cette nouvelle étude de l’IRSN est de vérifier que les SMP situées en aval des CNPE de la Loire et de la Vienne sont correctement positionnées pour fournir des échantillons dont les activités volumiques de tritium mesurées sont représentatives de l’activité moyenne en tritium ajoutée par les rejets du CNPE surveillé.
Le bon positionnement des SMP utilisées par EDF pour prélever les échantillons d’eau destinés à la surveillance règlementaire des eaux de la Loire et de la Vienne, a été étudié principalement au regard de deux indicateurs :
- pour repérer les éventuelles défaillances dans la détection des augmentations de l’activité volumique des eaux lors des rejets du CNPE surveillé, l’étude s’est intéressée aux échantillons, prélevés par la SMP pour lesquels l’activité volumique du tritium était inférieure au seuil de décision, alors que le modèle prévoyait une activité volumique de tritium supérieure à 5 Bq/L. De telles situations pouvant traduire un problème de modélisation ou un mauvais positionnement de la SMP, leurs fréquences et leurs causes ont été étudiées ;
- pour vérifier que les échantillons prélevés par la SMP sont bien prélevés dans la partie du cours d’eau où circule l’essentiel du tritium rejeté par le CNPE surveillé, appelée « veine des rejets », l’étude s’est intéressée au rapport entre les activités volumiques de tritium mesurées et celles attendues par modélisation. Il a été considéré que si ce rapport est égal ou supérieur 1, cela signifie que les prélèvements sont bien effectués dans la veine des rejets du CNPE surveillé et que les activités volumiques mesurées dans les échantillons rendent bien compte des activités circulant dans le cours d’eau ; ces activités volumiques peuvent alors être comparées aux activités maximales prescrites dans la réglementation en présence de rejets radioactifs du CNPE surveillé
Les résultats de l’étude par CNPE
CNPE de Belleville
Les rejets liquides du CNPE de Belleville sont toujours détectés dans les échantillons d’eau de la Loire prélevés au moyen de sa SMP située en aval, qui, bien que positionnée avant la zone de mélange homogène des rejets, prélève bien dans la « veine des rejets » et permet des mesures représentatives des rejets du CNPE lorsque les deux clarinettes de rejet sont utilisées ;
CNPE de Dampierre-en-Burly
Il en est de même que pour le CNPE de Belleville, pour une majorité des situations, pour la SMP située en aval du CNPE de Dampierre-en-Burly. Toutefois, l’étude a révélé un problème de détection et de représentativité sur la période allant de février à novembre 2017 qui pourrait résulter de la concomitance de deux évènements : 1) le rejet des effluents liquides par une seule des deux clarinettes de rejet, la plus éloignée de la rive où se situe la SMP aval, et 2) le dépôt, en berge en aval immédiat des rejets, des sédiments dragués dans le canal d'amenée du CNPE, qui a pu contribuer à éloigner la veine de rejet de la SMP aval ;
CNPE de Saint-Laurent-des Eaux
Depuis le déplacement, en 2018, du point de prélèvement de la SMP située en aval du CNPE de Saint-Laurent-des-Eaux à 70 mètres de la berge gauche, les rejets de ce site sont systématiquement détectés. Bien que située avant la zone de mélange homogène des rejets, la SMP prélève bien dans la « veine des rejets ». Avant ce déplacement fin 2018, un problème de représentativité des prélèvements existait, a priori depuis la modification de l’ouvrage de rejet en 1996, quand le CNPE est passé d’un rejet effectué en berge gauche à un rejet par une clarinette au milieu de Loire.
CNPE de Chinon
Dans le cas de Chinon, pour des débits de la Loire inférieurs à 100 m3 /s, les prélèvements sont bien effectués dans la « veine des rejets » même si la distance de bon mélange n’est pas atteinte. En revanche, pour les débits compris entre 100 et 500 m3 /s, le positionnement de la SMP induit des problèmes de détection et/ou de représentativité des échantillons. Pour des débits supérieurs à 500 m3 /s, les mesures sont trop variables et insuffisamment nombreuses pour permettre de conclure. Il est à noter que, à l’image du CNPE de Saint-Laurent-des-Eaux, ces problèmes datent sans doute de la modification de l'ouvrage de rejet qui est passé d'un rejet en berge gauche à un rejet par clarinette immergée en Loire, en 1999. Il convient d’indiquer qu’à la demande de l’ASN, EDF étudie actuellement les solutions techniques à mettre en œuvre pour permettre aux prélèvements effectués à la SMP aval de Chinon de systématiquement détecter et êtres représentatifs des rejets du CNPE dans toutes les conditions de débits.
CNPE de Civaux
Les rejets du site de Civaux sont toujours détectés quel que soit le débit de la Vienne et la SMP prélève bien dans la zone de mélange homogène des rejets du CNPE.
Les conclusions de l’étude
Cette étude a montré que le positionnement des SMP situées en aval des CNPE de la Loire et de la Vienne, à l’exception du site de Chinon, permettent de détecter les rejets liquides du CNPE surveillé de façon satisfaisante et que les concentrations mesurées à ces SMP étaient au moins égales à l’activité moyenne en tritium ajoutée par ces rejets, permettant de vérifier le respect des valeurs limites prescrites par la règlementation en présence des rejets radioactifs du CNPE surveillé.
Elle a en outre permis de mieux comprendre et caractériser la dispersion des rejets liquides en aval de ces CNPE et a démontré la pertinence et l’utilité de la modélisation de la dispersion des rejets pour confirmer la représentativité et pour interpréter les données de la surveillance. Enfin, cette étude a apporté un éclairage complémentaire aux études de dilution par traçages liquides en investiguant sur une période pluriannuelle un plus grand nombre de régimes hydrauliques et conduit à être vigilant à l’impact que peuvent avoir les changements d’écoulement du cours d’eau et/ou de la configuration de rejet, sur la représentativité des SMP, notamment pour les CNPE pouvant opérer les rejets par plusieurs conduites de rejet.