Savoir et comprendre
Résumé
Description de l'incident
21/05/2012
Le 20 avril 2005, un volume d’environ 83 m3 de solution de dissolution clarifiée a été découvert, lors d’une inspection télévisuelle par caméra, dans une lèchefrite de la cellule principale de clarification de dimensions 60 m x 20 m sur 20 m de hauteur. Cette cellule n’est pas accessible au personnel et ses murs assurent la protection radiologique des locaux environnants. Les masses d’uranium et de plutonium, non encore séparées des produits de fission, contenues dans la solution présente dans la lèchefrite ont été estimées respectivement à environ 19 tonnes et 200 kg. Dès la découverte de l’incident, l’exploitation de l’usine a été arrêtée.
L’inspection télévisuelle de la cellule de clarification a été programmée à la suite du constat d’un écart important concernant le bilan matière des trois dernières campagnes de traitement de l’usine et de la détection de présence d’uranium dans un des deux puisards de la cellule de clarification.
La cause principale de la fuite de solution est la rupture par cisaillement d’une tuyauterie de transfert alimentant une des deux cuves « bilan » permettant d’établir le bilan d’entrée des matières nucléaires dans l’usine (cf. figure n°1). Ce bilan est réalisé selon une méthode « gravimétrique » nécessitant la pesée des cuves, celles-ci étant suspendues au toit de la cellule sur lequel est implanté le système de pesée (cf. figure n°2).
L’exploitant indique qu’il n’y a eu de conséquence radiologique ni pour les travailleurs ni pour l’environnement. En particulier, aucun rejet anormal n’a été détecté à la cheminée de l’usine.
En premier lieu, il convient de relever que le dimensionnement de l’installation permet de maîtriser un tel incident. En effet, la cellule de clarification a été conçue pour contenir un volume de solution de dissolution plus important que le volume recueilli dans la lèchefrite et accepter une contamination permanente élevée en fonctionnement normal. Par ailleurs, les unités de procédé de l’usine possèdent trois barrières de confinement (équipements du procédé, parois des cellules, bâtiment et filtres de ventilation associés) permettant d’isoler la matière radioactive de l’environnement.
Seule la première barrière que constituait la tuyauterie de transfert a été mise en cause lors de l’incident ; l’intégrité des deux autres barrières et des ventilations associées a été maintenue. Par ailleurs, l’exploitant a fait état de l’absence de risque de criticité durant toute la période où la solution a été présente dans le fond de la cellule, ce qui a été confirmé par l’autorité de sûreté britannique.
Cependant, le retard observé dans la détection d’une fuite aussi importante, l’indisponibilité prolongée de plusieurs dispositifs de surveillance (détection de fuite) et le maintien, sur une longue période, d’un état de sûreté dégradé de l’installation conduisent à considérer cet incident comme significatif. C’est pourquoi celui-ci a été classé au niveau 3 de l’échelle INES.
Les actions immédiates conduites par l’exploitant ont consisté à reprendre les solutions répandues dans la lèchefrite pour les entreposer dans des capacités « tampon » disponibles. Ces opérations ont été menées du 15 mai au 15 juin 2005.
Les investigations réalisées par l’exploitant et la commission d’enquête BNFL ont permis d’établir que :
- La rupture par cisaillement de la tuyauterie de transfert est liée à un phénomène de fatigue mécanique dont l’origine est une modification de la conception initiale de la cuve « bilan » et de sa structure de maintien (dimensionnement aux séismes) avant leur mise en service, dont les conséquences n’ont pas été analysées ; les modifications réalisées ont entraîné des contraintes mécaniques excessives dans la tuyauterie (vibrations importantes liées à un débattement excessif de la cuve).
- La fuite de la solution de dissolution par la tuyauterie fissurée remontait à plus de 9 mois ; la rupture complète de la tuyauterie est intervenue au mois de janvier 2005 à la suite d’une modification des conditions d’agitation du contenu de la cuve, conduisant à un débit de fuite beaucoup plus important dans la cellule ; ces nouvelles conditions de fonctionnement ont en effet augmenté le niveau de vibrations de la cuve et donc les contraintes mécaniques induites dans la tuyauterie.
- La détection tardive de l’incident est liée à une série de défaillances humaines et organisationnelles : erreur lors d’une opération de contrôle du bon fonctionnement du système de détection de fuite implanté dans un des puisards de la cellule, qui a abouti à un dysfonctionnement partiel de ce système, absence de prise en compte de nombreux signaux précurseurs pouvant laisser supposer l’existence d’une fuite (alarmes de niveau fugaces dans un des puisards, présence d’uranium dans les échantillons prélevés, augmentation de température dans le puisard de la cellule, écarts de bilan matières anormaux) ; il semble qu’un « excès de confiance » dans la conception de l’usine et qu’une culture de sûreté insuffisante soient à l’origine de ces défaillances.