Savoir et comprendre
Résumé
Réexamen de sûreté des réacteurs de 900 MWe : Foire aux questions
07/03/2019
Depuis 2014, un dialogue technique continu a été mis en place entre l'IRSN et la société civile sur les réexamens de sûreté des réacteurs de 900 MWe. Il a donné lieu à plusieurs réunions ou séminaires d'échanges :
· cinq réunions d'un groupe de travail ANCCLI-IRSN entre 2014 et 2016, afin d'échanger sur les enjeux de sûreté et orientations du 4ème réexamen de ces réacteurs (plus d'information) ;
· un séminaire intitulé « poursuite de fonctionnement des réacteurs 900 MWe au-delà de 40 ans : quels enjeux de sûreté et quelle participation ? », organisé par l'ANCCLI, la Commission locale d'information des grands Équipements énergétiques du Tricastin (CLIGEET), l'ASN et l'IRSN les 3 et 4 octobre 2016 (plus d'information) ;
· trois réunions entre 2017 et 2018 organisées par l'ANCCLI, l'ASN et l'IRSN afin de suivre les différentes instructions techniques menées dans le cadre de ce réexamen, sur des sujets spécifiques comme le vieillissement et la conformité, les agressions internes et externes et les accidents graves (plus d'information).
Ces différents temps d'échanges et de dialogue ont permis :
- d’échanger pendant le temps des expertises techniques de l’IRSN en amont des décisions ;
- de recueillir les attentes et les préoccupations des acteurs de la société ;
- d’accompagner la montée en compétence des acteurs de la société sur ces sujets ;
- de renforcer la robustesse des avis de l’IRSN par l’apport de points de vue externes.
Ces échanges se sont poursuivis dans le cadre des concertations menées à l’occasion des quatrièmes visites décennales sous l’égide du HCTISN avec des réunions ou des ateliers organisés avec les commissions locales d’informations des huit centrales électronucléaires concernées (Bugey, Dampierre, Chinon, Cruas, Le Blayais, Gravelines, Saint-Laurent-des Eaux, Tricastin), des groupes miroirs d’étudiants et via une plateforme de recueil des questions et de gestion des réponses (plus d’information).
De nombreuses questions ont été formulées au cours de ces échanges dont certaines ont été reprises dans le présent document. L’IRSN, sur la base de ses expertises, propose des éléments de réponse à ces questions en les regroupant par thèmes. Cette FAQ est également disponible en téléchargement.
Télécharger le document (PDF)
À noter également la publication par l'IRSN d'un avis de synthèse sur la phase générique du 4ème réexamen de sûreté : avis IRSN-2020-00053 du 31 mars 2020 (plus d'information).
Vocabulaire (extension de la durée de fonctionnement)
Le champ couvert dans le cadre du quatrième réexamen décennal
Le renfort des exigences de sûreté (vers les exigences de l'EPR)
La pression économique / la sûreté et la conformité
Le calendrier des travaux associés au réexamen décennal
Les facteurs organisationnels et humains
La conformité et les contrôles associés, la maîtrise du vieillissement
La conformité des enceintes de confinement
Les critères d’arrêts ou de poursuite d’exploitation d’un réacteur électronucléaire
Les piscines d’entreposage de combustibles
Vocabulaire (extension de la durée de fonctionnement)
Question
Est-il possible de clarifier le discours sur « l'extension de la durée de fonctionnement » qui est difficile à comprendre par le public et sous-entend qu'il avait été dit que les réacteurs ne fonctionneraient que 40 ans ?
Réponse IRSN
La durée de fonctionnement est la durée pendant laquelle un réacteur électronucléaire produit de l'électricité.
En France, cette durée n'est pas définie de manière réglementaire mais EDF doit (le cas échéant) mener un réexamen décennal de la sûreté de chaque réacteur pour vérifier qu'il est apte à fonctionner dix ans supplémentaires, de manière sûre et en respectant la réglementation en vigueur.
L'extension de la durée de fonctionnement au-delà de 40 ans présente un caractère particulier car certains composants des réacteurs français (circuits primaires notamment) ont été conçus en retenant, dans les études de dimensionnement, une hypothèse de fonctionnement pendant 40 ans. Pour ces composants, de nouvelles études démontrant leur aptitude au fonctionnement sur une durée supérieure à 40 ans sont donc nécessaires.
Le champ couvert dans le cadre du quatrième réexamen décennal
Question
La sûreté du réseau électrique est-elle prise en compte, compte tenu qu'elle a également un impact sur la sûreté des réacteurs ?
Réponse IRSN
La perte des sources d'alimentation électrique externes (réseau) fait partie des situations étudiées à la conception des réacteurs. Dans les années 1990, les réacteurs français ont été équipés de dispositions et procédures complémentaires pour faire face aux situations de perte des sources d'alimentation électrique externes et internes (groupes électrogènes de secours).
La prise en compte du retour d'expérience de l'accident de Fukushima conduit au renforcement des sources d'alimentation électrique internes contre des agressions de forte amplitude (séisme, inondation, vent, …). Ces agressions de forte amplitude sont susceptibles d'affecter durablement le réseau électrique externe et donc tous les réacteurs d'un même site.
Question
Est-il possible de parler des aspects sécurité liés au 4ème réexamen ? Les intrusions sur les sites de certaines centrales ont-elles un impact sur la sécurité de sites ? Pourquoi n'aborde-t-on jamais ou si peu les agressions telles que malveillance, terrorisme, cyberattaque… ?
Réponse IRSN
Dans son courrier CODEP-DCN-2016-007286, l'ASN a rappelé que « le décret n°2007-1557 du 2 novembre 2007 dispose que le rapport de sûreté traite de l'ensemble des accidents pouvant intervenir sur l'installation, que leur cause soit d'origine interne ou externe, y compris s'il s'agit d'un acte de malveillance. L'arrêté du 7 février 2012 précise à ce sujet, dans ses articles 3.5 et 3.6, que les conséquences sur l'installation des actes de malveillance sont des événements déclencheurs à traiter dans la démonstration de sûreté en tant qu'agression interne et externe ».
EDF prévoit ainsi la mise à jour des études de sécurité dans le cadre du réexamen de sûreté. Toutefois, la sécurité des installations (protections contre la malveillance) doit être discutée avec prudence dans le cadre d'une concertation publique.
Le renfort des exigences de sûreté (vers les exigences de l'EPR)
Question
Comment rapprocher les exigences de sûreté des réacteurs 900 MWe des exigences des réacteurs EPR, alors que lors de la conception de ces réacteurs la fusion du cœur n'était pas envisagée ? Souhait d'un suivi précis et détaillé du relèvement des exigences par rapport à celles d'EPR -> détailler au-delà des principes généraux. Manque de visibilité sur le relèvement des exigences pour atteindre le niveau de l'EPR.
Réponse IRSN
L'extension de la durée de fonctionnement des réacteurs électronucléaires en exploitation plutôt que la construction de nouvelles unités est un choix industriel d'EDF (officialisé en 2009).
Le renfort des exigences de sûreté des réacteurs concernés est un point essentiel pour garantir le meilleur niveau possible de protection des populations et des territoires vis-à-vis des risques d'accident. Le référentiel de sûreté défini pour le réacteur EPR a été considéré dès les premières instructions avec l'ASN et l'IRSN comme un objectif à viser en cas d'extension de la durée de fonctionnement des réacteurs actuels. Les leçons de l'accident de Fukushima ont ensuite conduit à compléter les exigences relatives aux agressions externes de très forte amplitude.
Pour réduire l'écart entre le niveau de sûreté du réacteur EPR et les réacteurs actuels, les axes de travail suivants ont été retenus en priorité :
- le renforcement des sources d'alimentation électrique et de refroidissement,
- le renforcement des systèmes de sauvegarde à des conditions d'agression extrêmes,
- l'amélioration de la gestion à long terme d'un accident grave, la diminution des conséquences radiologiques des accidents sans fusion du cœur,
- la prise en compte des scénarios d'accidents sans fusion du cœur retenus pour le dimensionnement de l'EPR (plus nombreux) et des délais postulés pour l'action des opérateurs dans ces situations (plus longs).
Sans préjuger des conclusions du réexamen de sûreté, les points suivants peuvent être soulignés :
- les réacteurs de 900 MWe devront disposer de moyens renforcés (et protégés contre les agressions externes) d'alimentation en eau et électricité (réduction d'écart avec le réacteur EPR et prise en compte de l'accident de Fukushima). L'expertise de l'IRSN sur le principe de ces modifications a donné lieu à l'avis IRSN 2017-00002 du 3 janvier 2017 et se poursuit dans le cadre du réexamen. Il faut noter que tous les nouveaux équipements ne seront pas disponibles sur les réacteurs à l'issue de la 4e visite décennale mais 4 ans après : EDF a en effet proposé un déploiement des modifications en 2 phases : phase A (lors de la visite décennale), phase B (4 ans au plus tard après la visite décennale) ;
- les réacteurs de 900 MWe devront intégrer des dispositions nouvelles permettant la stabilisation du corium [1] (y compris en cas de percement de la cuve) et la possibilité d'évacuer la chaleur hors de l'enceinte de confinement sans utiliser le dispositif d'éventage-filtration. L'expertise de l'IRSN a donné lieu à l'avis IRSN 2016-00211 du 22 juin 2016 (principe des modifications) puis à l’avis IRSN-2019-00051 du 13 mars 2019 ;
- la réduction des conséquences radiologiques des accidents qui ne mènent pas à la fusion du coeur a fait l’objet d’une expertise de l’IRSN présentée dans l'avis IRSN-2019-00002 du 11 janvier 2019 (avis IRSN-2019-00245 du 25/10/2019) pour les réacteurs du Bugey) qui conclut sur le caractère suffisant des dispositions prises par EDF à l’exception de celles concernant les accidents de rupture de tube de générateur de vapeur ;
- l'examen par l'IRSN de la réduction des conséquences radiologiques des accidents qui ne mènent pas à la fusion du cœur est en cours ;
- l'examen par l'IRSN de la prise en compte des scénarios d'accidents sans fusion du cœur retenus pour l'EPR et des délais postulés pour l'action des opérateurs a donné lieu à l'avis IRSN 2018-00217 du 30 juillet 2018 qui conclut sur des possibilités d'amélioration de sûreté non retenues à ce stade par EDF, que ce soit pour le cœur du réacteur ou la piscine de désactivation du combustible ; la position de l'ASN sur ce sujet est à venir.
Indépendamment de l'EPR, d'autres éléments de retour d'expérience sont pris en compte pour améliorer la sûreté des réacteurs de 900 MWe. À titre d'exemple, l'avis IRSN 2018-00247 du 29 octobre 2019 présente l'expertise de l'IRSN sur la prise en compte par EDF du séisme survenu au Japon le 16 juillet 2007 et ayant généré plus de 60 anomalies sur la centrale nucléaire de Kashiwazaki-Kariwa, pour la maîtrise du risque d'incendie de transformateur électrique
Note :
1- Corium : Dans le cas d'un accident grave conduisant à un échauffement excessif du combustible jusqu'à la fusion du cœur d'un réacteur, le corium est un mélange liquide formé notamment de combustible, de gaines, et d'éléments de structure fondus.
Question
Est-il prévu un récupérateur de corium du même type que sur EPR ? Est-il prévu un épaississement des radiers de l'intégralité des réacteurs dans le cadre des travaux post-Fukushima ?
Réponse IRSN
Il est prévu sur tous les réacteurs de 900 MWe, l'ajout d'un dispositif permettant, en cas de fusion du cœur conduisant à défaillance de la cuve, de favoriser l'étalement du corium et de fiabiliser son renoyage une fois étalé.
Les études d'EDF doivent démontrer, pour chaque réacteur, l'efficacité de ce dispositif et ont fait l’objet d’une expertise par l’IRSN (avis IRSN-2019-00051 du 13 mars 2019). Ce dispositif présentera des différences avec le récupérateur de l'EPR telles que l'absence d'un échangeur de chaleur sous la zone d'étalement ou d'un canal de déchargement latéral du corium. A l’issue de son expertise, l’IRSN estime nécessaire l’épaississement du radier de certains réacteurs, en fonction de la composition du béton du radier.
Question
Quid des liaisons entre les réserves d'eau et le réacteur à refroidir ?
Réponse IRSN
Les liaisons entre les réserves d'eau et réacteurs à refroidir font actuellement l'objet de renforcements significatifs, au titre du noyau dur post-Fukushima ou des moyens de la FARN - Force d'action rapide nucléaire - (nouveaux piquages). L'expertise de l'IRSN à ce sujet se poursuit.
Question
Est-il réellement prévu d'avoir le même niveau de sûreté pour un réacteur de 900 MWe conçu il y a 50 à 60 ans que pour un EPR ? Peut-on dire cela au public ? Dans ce cas, quel serait l'intérêt de construire un EPR plus coûteux ?
Différence entre exigences EPR et conception réelle d'EPR à Flamanville ; impossibilité de supprimer les pénétrations fonds de cuve (donc différence avec EPR) ?
Quelles dispositions par exemple pour les piscines qui ne sont pas bunkerisées sur les réacteurs 900 ? Quid de la prise en compte du risque de percement de la cuve ?
Réponse IRSN
À l'issue des quatrièmes visites décennales, des écarts vont subsister entre le niveau de sûreté de l'EPR et celui des réacteurs de 900 MWe post VD4, eu égard aux différences de conception significatives comme le nombre de trains de systèmes de sauvegarde, la disposition géométrique des enceintes de confinement et bâtiments adjacents (plus favorable à la récupération des fuites sur l'EPR), la cuve (absence de pénétration en fond de cuve sur l'EPR), la bunkerisation des piscines de désactivation du combustible, prévue à la conception sur le réacteur EPR mais non envisagée par EDF pour les réacteurs de 900 MWe.
Sur ce dernier point, pour l'IRSN, le renforcement au plus haut niveau possible des dispositions de prévention des accidents au niveau des piscines de désactivation est un enjeu majeur de ce réexamen dès lors que le projet d'EDF ne prévoit pas de renforcement du confinement de ces piscines.
Note : l’avis IRSN-2019-00142 du 26 juin 2019 présente l’expertise par l’IRSN des études probabilistes de sûreté d’EDF pour les réacteurs de 900 MWe et propose des éléments de comparaison avec les études menées pour le réacteur EPR. Ces études ont vocation à identifier et quantifier les risques présentés par les réacteurs. Cet avis souligne que « malgré les améliorations importantes prévues par EDF dans le cadre du réexamen VD4-900, les résultats obtenus apparaissent globalement plus élevés que ceux estimés par EDF dans les EPS qu’il a développées pour le réacteur EPR, l’écart persistant s’expliquant par un certain nombre de dispositions à fort impact retenues dès la conception de l’EPR (prise en compte des accidents graves, intégration de l’objectif « d’élimination pratique » des situations conduisant à des rejets importants et précoces, conception à quatre divisions séparées géographiquement et autres dispositions favorables à l’égard des agressions…). »
Question
Norme EPR : en cas d'accident sur les réacteurs de 900 MWe, n'est-il pas prévu d'ouverture de l'enceinte de confinement ?
Réponse IRSN
La gestion d'un accident grave sur l'EPR est conçue pour éviter l'éventage filtré (ouverture) de l'enceinte de confinement. Sur les réacteurs de 900 MWe, un circuit supplémentaire sera ajouté à l'occasion du quatrième réexamen de sûreté pour évacuer la puissance hors de l'enceinte sans éventage filtré de celle-ci.
Question
Accident sans fusion du cœur : EDF a pour objectif de tendre en termes de conséquences radiologiques vers les seuils ne nécessitant pas la mise en œuvre de mesures de protection des populations. Est-ce que cela va faire disparaitre les PPI ?
Réponse IRSN
La réduction visée des conséquences radiologiques des accidents sans fusion du cœur n'a pas vocation à entrainer la suppression des PPI : ceux-ci-font actuellement l'objet de renforcements pour tenir compte de l'accident de Fukushima (voir par exemple la circulaire du 3 octobre 2016).
La pression économique / la sûreté et la conformité
Question
Les critères économiques risquent-ils de prendre le pas sur les critères de sûreté ? Y-a-t-il un risque de concurrence entre les exigences sur la conformité et la hausse des exigences de sûreté ?
Réponse IRSN
Le programme du réexamen périodique des réacteurs de 900 MWe suppose effectivement qu'EDF dispose des moyens humains et financiers pour mener à bien les améliorations de sûreté prévues puis exploiter de manière rigoureuse les réacteurs, avec une surveillance et une maintenance appropriée.
À cet égard, l'efficacité des « contrôles menés par la puissance publique » repose en grande partie sur les actions menées l'ASN et l'IRSN, et sur la qualité des informations relatives à la sûreté et la radioprotection transmises par EDF.
L'ASN dispose de pouvoirs de coercition importants, pouvant aller jusqu'à l'arrêt d'une installation (exemples récents liés à la digue du site de Tricastin ou aux malfaçons sur les générateurs de vapeur) et s'appuie, pour se positionner, sur les évaluations techniques menées par l'IRSN, qui dispose des moyens nécessaires pour accomplir ses missions.
Pour l'IRSN, l'organisation française actuelle permettrait de détecter une situation où pour des raisons économiques :
- les exigences de sûreté seraient abaissées, ou leur atteinte décalée dans le temps,
- les questions relatives à la conformité ne seraient pas traitées correctement par EDF.
Cela conduirait sans doute à l'arrêt des réacteurs concernés.
Question
Qu'est ce qui garantit que les moyens de l'exploitant seront suffisants pour assurer la maîtrise de la conformité des réacteurs après le réexamen VD4 ?
Si les moyens de l'exploitant ne sont pas à la hauteur, l'ASN devra-t-elle baisser les exigences sur le rapprochement du niveau de sûreté d'EPR (« deal de départ ») pour s'assurer d'un traitement correct par l'exploitant de la question de la conformité ?
Qu'est-ce qui garantit que les moyens de l'ASN et de l'IRSN seront suffisants pour veiller au contrôle de la conformité des réacteurs à l'issue du réexamen VD4 900 ?
Réponse IRSN
Sur la période récente, se posent effectivement les questions :
- du renforcement des contrôles sur la conformité des installations ou la prévention des malfaçons (ou des falsifications),
- de la maîtrise par EDF des calendriers de déploiement industriels des renforcements de ses réacteurs, qui appellent à une grande vigilance sur les moyens humains et financiers disponibles.
L’IRSN envisage effectivement de renforcer ses moyens dédiés au support de l’ASN pour les contrôles (inspections).
Il convient de s'assurer régulièrement que les moyens de l'IRSN restent adaptés en regard :
- du volume d'études de sûreté qui découle des choix industriels d'EDF (nouveaux réacteurs, modifications des réacteurs actuels, évolutions des gestions de combustible, démantèlement…), des processus réglementaires et du retour d'expérience ;
- des besoins d'évolution des connaissances (études et recherches).
Le calendrier des travaux associés au réexamen décennal
Question
Suivant quel calendrier sont menés les travaux associés au quatrième réexamen décennal (avant la visite décennale, pendant, après) ?
Quelle sera l'étalement dans le temps des travaux à réaliser, sachant que les décisions de l'ASN font parfois référence aux capacités des exploitants à les réaliser (exemple de la date de changement du couvercle de cuve fondée sur la capacité à fabriquer un nouveau couvercle) ?
Réponse IRSN
La réalisation des travaux associés au quatrième réexamen décennal fait l'objet d'un calendrier complexe, avec, suivant les modifications, des actions entreprises avant, pendant et après la visite décennale : les modifications associées à ce quatrième réexamen sont séparées en deux lots correspondant aux phases A (lors de la visite décennale) et B (4 ans après la visite décennale).
Ce calendrier prend en compte le planning des renforcements décidés après l'accident de Fukushima qui a été séparé en 3 phases (1, 2 et 3) (voir compléments ci-après). Les modifications prévues à l'occasion des phases A et B du quatrième réexamen décennal permettront l'installation des dispositions prévues pour la phase 3 des renforcements post-Fukushima. En pratique, le calendrier de la phase 3 fait encore, à ce jour, l'objet d'échanges entre l'ASN, EDF et l'IRSN pour en limiter la durée de déploiement.
Question
Est-il possible d'analyser les modifications prises dans leur ensemble, en prenant en compte notamment le risque de complexification dû au fait d'ajouter une solution particulière à chaque fois qu'un problème survient ? Est-il possible de simplifier et de rendre plus opérationnelles les modifications ?
Réponse IRSN
La question de la complexification par les modifications apportées au fil de l'eau est devenue extrêmement importante dans les réexamens des réacteurs à eau pressurisée : la complexité accroit nécessairement le risque d'erreurs humaines, au détriment de la sûreté. Elle doit donc être limitée autant que possible. Quelques commentaires sont proposés sur ce sujet :
- Les modifications sont en général entreprises pour répondre à un objectif de sûreté ; la solution la plus simple pour atteindre cet objectif doit être privilégiée.
- Le rapport de sûreté finalisé et l'ensemble des études en support donnent une vision d'ensemble de l'installation en incluant toutes les modifications ; parmi les études, les études probabilistes de sûreté fournissent une appréciation des risques résiduels ; les simulateurs (notamment les simulateurs à pleine échelle) apportent également des informations globales sur les interactions éventuelles entre les modifications. Cette vision d'ensemble est obtenue assez tardivement dans le processus du réexamen périodique puisque toutes les modifications doivent être prises en compte dans les études et les outils associés).
- Chaque modification (pour la sûreté), même si elle concerne un champ réduit de l'installation, conduit à des phases de spécifications, études, qualification et de mise à jour documentaire.
- Chaque modification conduit à des mises à jour des règles générales d'exploitation (conduite, essais, traitements des indisponibilités).
- Ce cumul des modifications (avec des calendriers de déploiement différents) nécessite une grande rigueur de l'exploitant pour maîtriser l'état réel de son installation et la mise à jour de la documentation d'exploitation ; l'IRSN (suivant la demande de l'ASN) est amené à examiner chaque modification présentant un enjeu de sûreté (sous l'angle de la non-régression pour la sûreté et la radioprotection et, le cas échéant, de l'atteinte des objectifs de sûreté visés) ; d'autre part, le regroupement des modifications en lots permet à l'IRSN d'expertiser la mise à jour des règles générales d'exploitation (conduite du réacteur, essais périodiques…) et de porter un regard d'ensemble. Les inspections (y compris lors de chantiers) apportent une vision « terrain » de ces modifications.
- L'IRSN peut examiner (suivant la demande de l'ASN) les principes préliminaires d'une modification ou seulement sur la modification finalisée (pour fluidifier les processus) ; pour l'IRSN, l'objectif doit rester l'installation de modifications pertinentes et non l'émission d'une documentation volumineuse.
- À l'évidence, la maîtrise de la complexité, la recherche de simplicité, sont des axes de progrès à conduire en parallèle des améliorations de sûreté et du maintien de la conformité des installations.
À titre illustratif peuvent-être consultés :
• l’avis IRSN-2019-00042 du 1er mars 2019 concernant certaines modifications matérielles et dossiers d’amendement des règles générales d’exploitation (RGE) dans le cadre du quatrième réexamen des réacteurs de 900 MWe,
• l’avis IRSN-2019-00142 du 26 juin 2019 concernant les études probabilistes de sûreté.
Compléments : les trois phases des modifications post-Fukushima
Phase 1 (de 2012 à 2015) : mise en place des dispositions permettant aux exploitants de faire face à des situations de perte totale de la source froide ou des alimentations électriques, plus sévères que celles considérées par les référentiels de sûreté actuels en termes de situations cumulées, de durée et de nombre de réacteurs concernés sur un même site. Cela s'est traduit par la modification des installations permettant le raccordement des moyens mobiles supplémentaires (compresseur mobile, point d'appoint, flexibles d'alimentation en eau ou air, …) qui seraient mis en œuvre par la force d'action rapide nucléaire (FARN) sur le ou les réacteurs accidentés. Elle inclut également l'ajout d'un groupe électrogène fixe (dans l'attente du diesel d'ultime secours), un moyen mobile (batterie) pour l'ouverture des soupapes du circuit primaire, le remplacement de certaines batteries pour augmenter leur autonomie, le renforcement des locaux de crise existant et des moyens de télécommunication et enfin des modifications d'exploitation pour mieux gérer les situations de perte totale des alimentations électriques. Cette phase est achevée.
Phase 2 (de 2015 à 2021) : mise en œuvre des moyens définitifs qui constituent les premiers éléments à mettre en place sur le noyau dur dans le cadre des modifications et permettent d'accroître, par rapport à la phase 1, la couverture des situations redoutées. Cette phase est actuellement en cours et inclut, pour chaque réacteur, un diesel d'ultime de secours (DUS), une source d'eau pour réalimenter les réservoirs des circuits de sauvegarde (ceux du circuit secondaire en particulier) et les piscines, des protections contre les inondations extrêmes sur la plateforme, un arrêt automatique des réacteurs sur séisme, une instrumentation dédiée aux accidents graves (détection du percement de la cuve, détection d'hydrogène), des renforcements sismiques (circuits hydrogénés, dispositif d'éventage-filtration U5) ou relatifs à la tenue aux vents extrêmes. EDF a annoncé (fin 2017) que les DUS seront installés sur tous les sites d'ici fin 2019 (retard d'un an vis-à-vis des prescriptions de l'ASN). Des premiers CCL (centres de crise locaux), robustes aux « situations noyau dur », seront déployés pendant cette phase. Les derniers sont prévus en 2024.
Note : Les « situations noyaux durs » sont des situations conduisant à des sollicitations excédant celles retenues lors du dimensionnement des installations (par exemple, un séisme, une inondation, une tornade …).
Phase 3 (de 2019 à 2033) : à la fin de cette phase, l'ensemble des moyens déployés sur les installations permettra de couvrir, avec des équipements fixes, les situations les plus extrêmes considérées dans le cadre des Études complémentaires de sûreté (ECS). Ces équipements (nouveaux ou existants renforcés) permettront notamment le refroidissement des réacteurs par le circuit secondaire (générateur de vapeur) ou une gestion améliorée des accidents graves (évacuation de la puissance hors de l'enceinte de confinement sans recourir au dispositif d'éventage-filtration, stabilisation du corium par étalement et renoyage sur le radier). Ces moyens permettront également de répondre aux objectifs de sûreté définis pour l'extension de la durée d'exploitation des réacteurs. EDF prévoit de déployer ces moyens à l'occasion des visites décennales des réacteurs, soit pour les différents paliers :
- réacteurs à eau pressurisée de 900 MWe : 2019 à 2030 (quatrième visite décennale) ;
- réacteurs à eau pressurisée de 1300 MWe : 2025 à 2032 (quatrième visite décennale) ;
- réacteurs à eau pressurisée de 1450 MWe : 2029 à 2032 (troisième visite décennale).
Les facteurs organisationnels et humains
Question
Au-delà des considérations techniques, comment sont intégrées les questions humaines dans le programme de modifications de sorte qu'il puisse être managé au mieux des contraintes de sûreté par ceux qui le mettent en oeuvre ?
Réponse IRSN
Les questions humaines sont effectivement essentielles dans un programme d’aussi grande ampleur que le programme d’extension de durée d’exploitation des réacteurs de 900 MWe entrepris par EDF. Ces questions regroupent de nombreux aspects tels que :
- le maintien des compétences dans la filière électronucléaire, avec le renouvellement des générations et la formation des jeunes,
- les conditions de travail au sein des CNPE, notamment lors des chantiers menés pendant les arrêts de réacteurs,
- la maîtrise de la chaine de sous-traitance (compétences et conditions de travail des intervenants, qualité des informations transmises par le personnel d’EDF à ces intervenants extérieurs, contrôle et surveillance des actions réalisées par les sous-traitants, limitation du nombre de niveau de sous-traitance …),
- la maîtrise de la complexité des programmes de modification et leur calendrier,
- la maîtrise de la conformité à tous les niveaux (depuis l’ingénierie des services centraux, la fabrication en usine, les procédures d’installation puis d’exploitation, jusqu’au dernier boulon d’un équipement installé sur site …).
L’IRSN dispose d’équipes capables d’aborder ces questions, soit sous l’angle des facteurs humains et organisationnels, soit sous l’angle du retour d’expérience. À titre d’exemple :
- l’avis IRSN-2019-00083 du 17 avril 2019 présente l’analyse par l’IRSN des nouvelles dispositions organisationnelles d’EDF visant à fiabiliser l’intégration et l’exploitation des modifications matérielles VD4900, à maîtriser les interfaces entre les services centraux et les équipes sur le terrain ou la production de tous les documents de conception et d’exploitation ; l’IRSN conclut que ces dispositions sont globalement satisfaisantes ; la capitalisation du retour d’expérience des chantiers menés sur les premiers réacteurs devrait bénéficier aux autres réacteurs ;
- l’avis IRSN-2019-00048 du 6 mars 2019 présente l’analyse par l’IRSN de la vérification de conformité des réacteurs de 900 MWe par EDF et conclut sur la nécessité d’un renforcement de plusieurs points et de l’intérêt à développer une « culture de la conformité » pour toutes les équipes d’EDF, au niveau local ou national (voir La conformité et les contrôles associés, la maîtrise du vieillissement),
- l’avis IRSN-2019-00194 du 7 août 2019 présente l’analyse de l’ensemble des événements significatifs pour la sûreté déclarés par Électricité de France au cours de l’année 2018 et constate entre autres que des progrès sont possibles.
La conformité et les contrôles associés, la maîtrise du vieillissement
Question
Quel est le référentiel de vérification de la conformité de l'installation ?
Le contrôle lors des VD4 sera-t-il plus efficace que les précédents ? Les récents événements génériques de niveau 2 (ancrages des vases d'expansion des diesels de secours, tuyauteries incendie dans les stations de pompage, digue du Tricastin) ne montrent-ils pas les limites de la détection de non-conformités lors des précédents réexamens et lors des évaluations complémentaires de sûreté ?
Réponse IRSN
Le maintien de la conformité des installations nécessite d'une part la vérification la plus exhaustive possible du respect des exigences de sûreté qui lui sont assignées et la réalisation des actions de mise en conformité nécessaires, d'autre part la maîtrise de l'obsolescence des composants,des processus industriels associés à leur remplacement (en particulier les stratégies de maintenance exceptionnelle) et des phénomènes de vieillissement susceptibles d'affecter les systèmes, structures et composants.
L'IRSN a examiné (avis IRSN 2015-00098 du 25 mars 2015) la démarche globale d'EDF de maintien de la conformité des installations et les processus sur lesquels elle s'appuie. Pour vérifier la conformité lors des réexamens de sûreté, ces processus comprennent : l'Examen de conformité des tranches (ECOT), le Programme d'investigations complémentaires (PIC), les dispositions de maîtrise du vieillissement et de l'obsolescence et les essais particuliers à réaliser en visite décennale. Malgré ces processus, des constats voire des écarts portant sur la conformité des installations sont régulièrement détectés de manière fortuite. Cette situation interroge sur la capacité des processus actuels à garantir la conformité des installations, et ceci malgré l'investissement consacré. Deux points peuvent être signalés :
- (1) EDF s'est engagé à mener une revue des différents processus contribuant à la conformité des installations pour identifier les faiblesses et y remédier ;
- (2) l'IRSN a estimé que des essais d'ensemble (comportement global de l'installation ou de ses fonctions de sûreté) sont nécessaires, notamment compte tenu des nombreuses modifications réalisées depuis le démarrage et des écarts qui ont pu apparaître durant les 40 années d'exploitation.
Dans son courrier CODEP-DCN-2016-007286 du 20 avril 2016, l'ASN a rappelé la nécessité qu'EDF « renforce son organisation afin d'être en mesure de corriger au plus tard lors de la quatrième visite décennale de chaque réacteur de 900 MWe les écarts ayant un impact sur la sûreté qui auront été préalablement identifiés ». L'ASN a formulé la demande CONF1 suivante « Au regard des écarts de conformité récemment caractérisés affectant différents types de matériels, l'ASN vous demande d'étendre le périmètre et les contrôles que vous proposez en matière de vérification de la conformité des installations ».
Les réponses d’EDF à cette demande et de manière plus générale la vérification de la conformité des réacteurs de 900 MWe ont fait l’objet d’une expertise par l’IRSN présentée dans l’avis IRSN-2019-00048 du 6 mars 2019. Cette expertise conclut sur la nécessité d’un renforcement des dispositions prévues initialement par EDF, par exemple sur les points suivants :
- le recueil et l’utilisation des données de conception de tous les systèmes de sauvegarde car elles incluent des exigences définies nécessaires à la détection et au traitement d’écarts,
- la révision périodique du référentiel de maintenance pour tenir compte des signaux faibles (évènement de faible gravité pouvant annoncer un événement important),
- la réalisation de contrôles in-situ (par des équipes multi-spécialités, par des pairs) sur des équipements faisant l’objet d’un retour d’expérience négatif ou sur les systèmes permettant le repli du réacteur,
- l’utilisation « innovante » du retour d’expérience de 40 ans d’exploitation et du référentiel de conception pour définir des contrôles complémentaires de certains équipements (charpentes métalliques, système d’extinction fixes du réseau incendie, connectique et tenue au séisme des armoires électriques, tuyauterie véhiculant des fluides explosifs, vanne d’isolement du parc à gaz …).
Pour l’IRSN, EDF doit donner la priorité à la « réparation » plutôt que tenter de justifier le maintien en l’état d’un matériel dégradé et doit développer, au long terme, une « culture la conformité », pour toutes ses équipes au niveau local et national .
Enfin, la réflexion sur des essais complémentaires à ceux prévus (essais d'ensemble notamment) est à poursuivre. Pour l'IRSN, l'arrêt des réacteurs de Fessenheim pourrait fournir l'occasion d'un programme d'essais novateur sur certains systèmes (par exemple le fonctionnement d'ensemble des systèmes de sauvegarde en recirculation dans l'enceinte de confinement ou le fonctionnement des pompes primaires sans injection aux joints). L’avis IRSN 2020-00049 du 27/03/2020 présente l’expertise de l’IRSN sur les essais particuliers à entreprendre dans le cadre du 4ème réexamen périodique. Ces essais permettront de vérifier le fonctionnement d’ensemble de certains systèmes, comme l’alimentation de secours des générateurs de vapeur, en situation accidentelle, de s’assurer du respect de certaines hypothèses de la démonstration de sûreté difficilement vérifiables par ailleurs, et de vérifier certaines procédures de conduite comme la conduite au panneau de repli, prévue pour palier une situation où la salle de commande serait inhabitable.
Question
Cherche-t-on une conformité à des critères du référentiel ou une conformité à une exigence de prolongation (donc en comparaison avec un EPR neuf) ?
Réponse IRSN
Il n'existe pas de notion de conformité à une exigence de prolongation (donc en comparaison avec un EPR neuf pour le 4e réexamen périodique) : chaque réacteur dispose de son propre référentiel de sûreté, qui est enrichi par de nouvelles exigences lors de chaque réexamen de sûreté.
À titre d'exemple, la conformité de la fonction dite de « recirculation sur les puisards du bâtiment réacteur » des systèmes de sauvegarde d'injection de sécurité et d'aspersion dans l'enceinte a fait l'objet d'une réévaluation approfondie dans le cadre du 4ème réexamen périodique. Dans ce cas, il s'agit de vérifier que les systèmes fonctionneraient tels que prévus à leur conception, en tenant compte des connaissances nouvelles sur les situations accidentelles (présence de débris, effets chimiques pour l'eau en recirculation). Les conclusions de l'IRSN sont disponibles dans l'avis IRSN-2020-00050 du 30/03/2020).
EDF devra se prononcer sur la conformité de chaque réacteur à son référentiel de sûreté applicable au redémarrage à l’issue de la quatrième visite décennale (voir l’avis IRSN-2019-00048 du 6 mars 2019).
Question
Qu'est-ce qui sera contrôlé pendant l'arrêt VD4 ? Qu'est-ce qui ne le sera pas ? Quels systèmes, structures et composants seront contrôlés ? Comment les contrôles seront-ils réalisés ? Seront-ils réalisés par sondage ? Par contrôles exhaustifs ? Seront-ils faits sur dossier ? Par des inspections visuelles ? Par des contrôles plus approfondis ? Qu'est-ce qui sera réellement vérifié ? Comment faire évoluer la façon d'effectuer les contrôles afin que tout soit effectivement vérifié ?
Réponse IRSN
Les équipements faisant l’objet de contrôle de conformité et les modalités de ce contrôle ont fait l’objet d’une expertise par l’IRSN présentée dans l’avis IRSN-2019-00048 du 6 mars 2019. Cette expertise conclut d’une part sur la nécessité d’étendre les contrôles prévus initialement lors de l’examen de conformité (ce dont EDF convient) mais également de faire évoluer les contrôles en tenant compte de l’expérience d’exploitation.
Il n’est pas possible de viser un contrôle de 100 % des équipements. Les contrôles (in situ) doivent porter sur un échantillon défini de manière cohérente avec les exigences de sûreté. Cet échantillon doit évoluer en fonction de l’expérience d’exploitation.
Question
Comment vérifier la conformité des câbles et tuyauteries, dont certains éléments ne sont pas remplaçables ou difficilement (soit parce qu'ils sont trop nombreux ou qu'ils ne sont pas accessibles) ? Comment vérifier la conformité d'éléments non visibles ? Comment effectuer un programme de maintenance sur des matériels auxquels il est difficile d'accéder (tuyauteries, câbles...) ? Les tuyauteries feront-elles l'objet d'inspections complètes ? En cas de défaut identifié, se contentera-t-on de changer les parties les plus corrodées ou seront-elles refaites entièrement à neuf ?
Réponse IRSN
Ce sujet est abordé dans l’avis IRSN-2019-00048 du 6 mars 2019. Pour les tuyauteries enterrées ou faiblement accessibles, les enjeux sont essentiellement liés à l’environnement (risque de contamination ou « marquage » de nappe) et dans une moindre mesure liés à la sûreté (vis-à-vis de la fonction support relative à la lutte contre l’incendie). L’IRSN a considéré que l’approche d’EDF, basée initialement sur une évaluation des risques pour cibler les contrôles à mener sur les tuyauteries enterrées de son parc de réacteurs (de l’ordre de 200 km), devait être renforcée par des contrôles in situ plus systématiques. Dans un premier temps, EDF, en tenant compte des contraintes de faisabilité, s’est engagé à contrôler, par inspection télévisuelle, 175 m de tuyauteries enterrées du site de Tricastin (10 % du réseau enterré des systèmes concernés).
Dans ce domaine, les réparations éventuelles sont définies au cas par cas.
Question
Comment est pris en compte le retour d’expérience en termes de vieillissement des réacteurs plus anciens, exploités dans d’autre pays ?
Réponse IRSN
Le tableau ci-dessous présente une répartition de l’âge des réacteurs en exploitation dans le monde au 31 décembre 2015. Les réacteurs concernés par une extension de leur durée d’exploitation se situent principalement aux États-Unis et en Europe (y compris la Russie).
L’AIEA a entrepris le développement de guides sur le management du vieillissement dans les années 90 et les a complété en s’intéressant à l’exploitation long terme des réacteurs (long term operation en anglais). Ces guides abordent des questions organisationnelles et techniques. Les préconisations de l’association WENRA (regroupant les autorités de sûreté européennes) rejoignent celles de l’AIEA.
EDF a mis en oeuvre sa propre méthodologie pour tenir compte de la forte standardisation de son parc de réacteurs.
L’expertise par l’IRSN de la méthodologie suivie par EDF, au regard des pratiques internationales, a fait l’objet de l’avis IRSN n°2018-00043 du 23 février 2018 qui conclut que la démarche de maîtrise du vieillissement mise en oeuvre par EDF répond aux exigences des standards internationaux et est de nature à garantir la conformité des réacteurs de 900 MWe au-delà de leur quatrième visite décennale. Certains compléments, comme de nouvelles dispositions de maintenance, sont néanmoins attendus.
La conformité des enceintes de confinement
Questions générales
Quel est le taux de fuite acceptable ? Quelles sont conséquences sur la sûreté de la réalisation de l'« épreuve enceinte » lors des visites décennales ? Y-a-t-il un risque de dégradation de l'enceinte liée à cette réalisation de l'« épreuve enceinte» ? Quelle est l'étanchéité de la peau métallique ?
Réponse IRSN
La limite admissible pour le taux de fuite des enceintes internes de confinement est fixée dans les décrets d'autorisation de création (DAC) : 0,3 % du volume d'air contenu dans l'enceinte par jour pour les réacteurs de 900 MWe, 1,5% Vol/j pour les réacteurs de 1300 et 1450 MWe, ces derniers étant pourvus d'un système de collecte et filtration des fuites (enceintes doubles de confinement).
Dans le cadre du réexamen de sûreté VD3 1300, ainsi que de la prolongation de la durée de fonctionnement de ses réacteurs, EDF a souhaité dans un premier temps, faire évoluer la limite admissible des enceintes à double paroi, en s'appuyant sur l'estimation des conséquences radiologiques d'un accident de type « accident de perte de réfrigérant primaire » (APRP). L'IRSN a estimé (voir la synthèse du rapport d'expertise) que l'augmentation de la limite réglementaire ne pouvait s'inscrire dans une démarche d'amélioration de la fonction de confinement. EDF a renoncé à sa demande d'évolution des limites réglementaires des taux de fuite admissible et met en œuvre des actions visant à maintenir dans la durée l'étanchéité statique des enceintes internes. Ces actions concernent en premier les enceintes des réacteurs de 1300 et 1450 MWe qui ne sont pas pourvues d'une paroi interne en acier.
La vérification de la conformité des enceintes de confinement aux limites réglementaires fait l'objet d'essais périodiques et d'épreuves décennales avec des provisions pour justifier le respect des limites jusqu'à l'épreuve décennale suivante. L'épreuve décennale d'une enceinte de confinement consiste en sa mise en pression à la pression d'épreuve (environ 5 bar sur les réacteurs actuels) associée à une mesure de son taux de fuite et des contrôles de son comportement mécanique (absence d'apparition de fissures par exemple).
Il est vraisemblable que les épreuves enceintes aient pu solliciter certaines zones singulières (zone du tampon d'accès des matériels) au-delà de ce qui avait pu être estimé lors du dimensionnement des enceintes. Ces zones ont été revêtues par un produit composite pour en renforcer l'étanchéité. Les enceintes des réacteurs de 900 MWe ne sont pas concernées par ce phénomène compte tenu de leur revêtement interne en acier.
Questions liées au retour d'expérience de l'enceinte Bugey 5
Le fait de devoir ré-injecter plus de lait de chaux que prévu sur Bugey 5 pourrait-il laisser penser que la peau métallique a un « trou » plus gros que prévu ?
Quel est le référentiel réglementaire sur le fait que la vérification de l'étanchéité puisse être réalisée avec un radier noyé ou pas ? Compenser un percement de la peau métallique par l'apport de lait de chaux est-il comparable à une enceinte neuve en bon état et parfaitement étanche, en termes de sûreté dans toutes les situations accidentelles envisageables ? Le défaut d'étanchéité de la peau métallique de l'enceinte survenu sur Bugey 5 risque-t-il de se reproduire sur d'autres réacteurs ? L'enceinte de Bugey 5 est-elle réellement un cas particulier ?
Réponse IRSN
L'épreuve de l'enceinte du réacteur n°5 de la centrale du Bugey, réalisée en octobre 2015, a fait apparaître un défaut d'étanchéité au niveau du joint périphérique du radier des structures internes du bâtiment réacteur. L'IRSN a examiné les actions entreprises par EDF pour localiser la fuite et restaurer l'étanchéité de l'enceinte de confinement (avis IRSN 2017-00061 du 16 février 2017). Cet avis répond à une partie des questions posées. Sur les autres questions, il faut noter que la stratégie de gestion d'un accident avec une brèche sur le circuit primaire conduirait à noyer le fond de l'enceinte et donc à limiter la possibilité de rejets gazeux par le radier. En outre, il est prévu l'ajout d'une mesure de niveau d'eau dans l'enceinte, qualifiée aux conditions d'un accident grave.
Il ne peut être exclu que ce défaut survienne sur les autres réacteurs de 900 MWe et soit révélé par une épreuve enceinte. EDF a prévu d'examiner l'intérêt de déployer des actions similaires sur les autres enceintes des réacteurs de 900 MWe.
Question
Comment gérer les incertitudes entre l'état théorique et l'état réel de l'installation ? Comment conserver une marge suffisante entre les exigences de sûreté et l'état de l'installation ? Incertitude sur l'état réel de certains composants. Quel impact sur les scénarios d'accidents si les matériels et matériaux n'ont pas la résistance attendue ?
Réponse IRSN
Chaque réacteur fait l'objet d'une démonstration de sûreté s'appuyant, entres autres, sur un ensemble d'hypothèses sur les caractéristiques des composants de l'installation. Les hypothèses incluent des pénalisations (appelés « conservatismes ») pour couvrir les incertitudes sur les caractéristiques réelles (en regard des caractéristiques théoriques) des équipements (par exemple, le débit du système d'injection de sécurité dans le circuit primaire sera volontairement minoré dans certaines études de sûreté par rapport au débit requis pour ce système). Chaque composant doit donc rester conforme à des exigences permettant d'assoir la démonstration de sûreté (avec des marges).
Si un équipement ou un matériau n'a pas la résistance ou les caractéristiques attendues (non-conformité), la démonstration de sûreté pourrait ne pas être acquise pour certaines situations. EDF devrait alors traiter cet écart. Si l'écart était important et si son traitement s'avérait impossible, cela pourrait conduire à l'arrêt de l'installation.
Les critères d'arrêts ou de poursuite d'exploitation d'un réacteur électronucléaire
Question
Comment définir des critères de fin de vie qui impliqueraient la poursuite ou non du réacteur ? Comment faire en sorte de ne pas attendre d'avoir consommé toutes les marges pour arrêter une installation ?
Comment faire en sorte de ne pas atteindre des non-conformités inacceptables ? Pourquoi ne peut-on pas définir des critères de fin de vie d'une centrale nucléaire, alors que les industriels sont capables de déterminer l'obsolescence d'un produit qu'ils vendent ?
Où en sont les réflexions de l'IRSN sur l'introduction de critères d'arrêt dans le 4ème réexamen ?
Est-il possible de clarifier les critères d'aptitude à la poursuite d'exploitation ? Peuvent-ils être considérés comme ayant le même objectif que des critères d'arrêt ? L'autorisation de poursuivre le fonctionnement sera-t-il basé sur ces critères d'aptitude à la poursuite d'exploitation ?
Est-il possible de faire la prédiction d'une limite dans le temps, pas seulement générique, mais au cas par cas, pour fixer une espérance de durée de fonctionnement en bon état, pour dire il vaudra mieux arrêter, sans y être contraint par accident et sans s'interdire évidemment un arrêt plus précoce si les circonstances l'exigent ?
Réponse IRSN
La démarche d'EDF de maîtrise du vieillissement distingue le cas des matériels non remplaçables (la cuve et l'enceinte de confinement) de celui des matériels remplaçables. Pour les matériels non remplaçables, EDF poursuit l'objectif de démontrer l'aptitude à assurer leur fonction jusqu'à 60 ans de fonctionnement. Pour les matériels remplaçables, la démarche est identique, hormis le fait que la réparation, la rénovation ou le remplacement sont envisagés dès lors que leur pronostic de fin de vie n'atteint pas les 60 ans. EDF précise que la démarche de maîtrise du vieillissement s'appuie sur les trois processus opérationnels pérennes que sont (1) le processus de maîtrise du vieillissement, (2) le processus d'inspection en service et de maintenance et (3) le processus de traitement de l'obsolescence.
Des « critères d'aptitude au service » peuvent être définis pour les composants sensibles au vieillissement (remplaçables ou non), notamment ceux faisant l'objet d'un dossier d'aptitude à la poursuite de l'exploitation. Ces critères constituent une limite maximale acceptable des conséquences d'un mécanisme de dégradation sur une structure, un système ou un composant, pouvant être traduite en durée de vie prévisionnelle. Pour l'IRSN, ces critères sont des outils d'aide à la décision essentiels pour se prononcer sur la poursuite de l'exploitation au-delà d'une quatrième visite décennale. Des programmes de R&D peuvent éclairer la mise au point de tels critères.
En revanche, des non-conformités apparaissant de manière fortuite pendant la poursuite d'exploitation pourraient conduire à l'arrêt non programmé de réacteurs ; cette situation pourrait survenir si les programmes de maintenance et d'examen de la conformité des équipements ne sont pas pertinents ou ne sont pas correctement menés par EDF.
Ces sujets ont fait l'objet d'expertises par l'IRSN lors des précédents réexamens de sûreté et lors des orientations du réexamen VD4 900 (avis IRSN 2015-00098 du 25 mars 2015). Ces expertises se poursuivent et font apparaître des progrès dans la mise en œuvre des processus de maîtrise du vieillissement par les équipes d'EDF mais également des points d'attention, par exemple sur les groupes électrogènes de secours à moteur Diesel.
Question
Pourquoi attendre qu'il y ait des non-conformités pour arrêter une installation ?
Réponse IRSN
L'objectif des programmes de maintenance et de contrôle de la conformité d'EDF est bien de prévenir les écarts de conformité.
Question
Pourquoi ne pas regarder les effets cumulés des rejets d'effluents et des prélèvements d'eau sur les milieux ? Cela pourrait-il être un élément de décision d'arrêt d'un réacteur ? Si la durée de fonctionnement est prolongée, quel est l'impact sur les écosystèmes et les populations de ces cumuls ?
Réponse IRSN
Une centrale nucléaire effectue des rejets dans l'environnement sous forme gazeuse et liquide (effluents radioactifs et chimiques). Ces effluents font l'objet d'une surveillance et sont encadrés par des valeurs réglementaires (rejets en gaz rare, tritium, iodes, carbone 14, température...). Ces valeurs réglementaires sont régulièrement réévaluées. L'impact des rejets sur l'environnement fait également l'objet d'une surveillance (rayonnement ambiant, activité des aérosols dans l'air, des eaux souterraines, activité et température de la source froide (fleuve ou océan) en aval des rejets, activité de la chaine alimentaire…).
Dans la pratique, l'impact des cumuls de rejets dans l'environnement liés à l'exploitation normale des installations n'a pas vocation à constituer un critère d'arrêt des installations.
En revanche, le dépassement d'un critère réglementaire peut conduire à l'arrêt de l'installation sauf dérogation accordée par l'ASN.
Questions
Quelle est la démarche suivie en France pour démontrer que les cuves des réacteurs sont aptes à la poursuite d’exploitation au-delà de 40 ans ?
Réponse IRSN
Une description de la conception des cuves françaises, de leur fabrication (et de leurs défauts) et du suivi réalisé en exploitation est disponible dans les bases de connaissance de l’IRSN (les cuves de réacteurs).
Les cuves sont constituées de plusieurs pièces élémentaires : viroles, anneau, brides, tubulures et calottes, fabriquée la plupart par forgeage. Ces pièces sont assemblées par soudage. La surface intérieure des cuves est revêtue d’acier inoxydable d’environ 8 mm d’épaisseur. Pour l’ensemble des situations de fonctionnement du réacteur, y compris les situations accidentelles, un dossier de justification mécanique doit être établi pour garantir la tenue mécanique de la cuve en toutes circonstances. En particulier, le risque de rupture brutale doit être analysé en tenant compte du rayonnement neutronique du coeur qui induit une baisse de ductilité de l’acier des viroles de cuve (situées au droit du coeur).
Lors de chaque arrêt décennal d’un réacteur, EDF effectue un examen approfondi de la cuve en réalisant entre autre :
- un contrôle par ultrasons avec la machine d’inspection en service (MIS) des viroles de coeur et de leur soudure ainsi que des soudures entre la cuve et les tuyauteries primaires,
- un contrôle télévisuel des internes de cuve et du couvercle cuve.
- Ces contrôles, permettent de détecter d’éventuels nouveaux défauts et de vérifier que les défauts détectés lors des visites antérieures n’ont pas évolué.
Une surveillance plus rapprochée est réalisée par EDF (en dehors des visites décennales) pour certaines parties de la cuve où des dégradations ont été détectées comme :
- les pénétrations en fond de cuve (contrôles par ultrasons et télévisuel) suite à la détection, en 2011, de la corrosion d’une pénétration du réacteur 1 de Gravelines– voir avis IRSN n°2013-00014 du 15 janvier 2013) ; toutes les pénétrations en fond de cuve des réacteurs de 900 MWe ont fait l’objet d’un premier contrôle de ce type ;
- les manchettes thermiques des adaptateurs de couvercle de cuve, pour contrôler leur usure: voir avis IRSN n°2018-00281 du 19 octobre 2018.
Enfin, les mécanismes de commande de grappes (MCG) (utilisés pour la régulation de puissance du réacteur ou l’arrêt automatique) sont remplacés de manière préventive en fonction de leur utilisation (lorsqu’un nombre de pas de déplacement des grappes est atteint).
Dans l’objectif de diminuer désormais de 45 % le niveau de flux neutronique reçu par les viroles de coeur, EDF prévoit d’introduire des grappes en hafnium (matériau pouvant capturer les neutrons) en périphérie du coeur. Une expérimentation de suivi dosimétrique est en cours dans le réacteur n°3 de Tricastin pour confirmer l’efficacité de ces grappes en hafnium.
La démonstration de l’absence de risque de rupture brutale de la cuve est un élément essentiel pour la poursuite d’exploitation des réacteurs entre 40 et 50 ans. Cette démonstration, qui doit tenir compte des modifications des propriétés de l’acier de cuve sous l’effet du flux neutronique et du vieillissement thermique, comporte un volet générique et une déclinaison propre à chaque cuve.
Pour caractériser les effets du flux neutronique, quatre capsules contenant des éprouvettes issues du même matériau que la cuve (acier et joint soudé) ont été disposés initialement en périphérie du coeur dans chaque cuve. Ces éprouvettes reçoivent un flux de neutrons supérieur à celui reçu par les parois de la cuve, ce qui permet d’anticiper les mécanismes de vieillissement de l’acier. Deux nouvelles capsules ont été introduites en cuve à partir des années 2000 pour compléter les résultats et permettre d’estimer le vieillissement à 60 ans des cuves.
Les analyses mécaniques font intervenir en donnée d’entrée la température de transition entre les modes de rupture fragile et ductile de l’acier de cuve, notée « RTNDT » ; cette température augmente avec la fluence de la cuve (quantité de neutrons cumulée reçue (n.cm-²) et peut être mesurée sur les éprouvettes prélevées dans la cuve : cela permet de définir les propriétés mécaniques « minimales » (ténacité notamment) de l’acier d’une cuve exploitée jusqu’à 50 ans en intégrant également le vieillissement thermique.
La représentativité des propriétés mesurées sur les éprouvettes nécessite une expertise particulière et fait l’objet de débats contradictoires entres les équipes d’EDF et de l’IRSN ; des programmes de recherche complémentaires sont utilisés pour mieux appréhender le comportement des matériaux en lien avec leur composition (par exemple, présence de carbone, souffre ou phosphore).
Les éprouvettes dans la cuve étant libres de tout effort, contrairement aux parois de la cuve soumises aux contraintes de service, EDF a vérifié l’absence d’effet des contraintes de service sur la fragilisation de la cuve par irradiation.
La démonstration de la tenue en service des cuves repose sur une sélection des transitoires les plus pénalisants pour chaque catégorie de situation (les situations sont classées par catégories suivant leur probabilité d’occurrence). Les situations les plus pénalisantes sont celles qui induisent un choc thermique froid sur des défauts situés sous le revêtement d’acier inoxydable à l’intérieur de la cuve. L’analyse thermohydraulique vise à calculer l’évolution de la pression et de la température (dans les parois de la cuve) afin de définir les chargements thermomécaniques sur les viroles de cuve.
Les situations retenues sont des brèches du circuit primaire et du circuit secondaire.
Calcul du risque d’amorçage et propagation d’une fissure (rupture brutale)
L’analyse du risque de rupture brutale des cuves 900 MWe a été réalisée par EDF pour les défauts dans les viroles de coeur et les soudures associées, détectés lors des contrôles réalisés, ainsi que pour un défaut générique qui représente tout défaut potentiellement non détecté par ces contrôles. Le défaut générique retenu est un défaut sous revêtement semi-elliptique de 5 mm de hauteur et de 25 mm de largeur. Il est positionné au niveau du « point chaud » (point le plus irradié) du métal de base et du joint soudé. Son orientation est longitudinale dans le métal de base et circonférentielle dans les joints soudés.
Il faut souligner que l’analyse du défaut générique postule un défaut non détecté à ce jour à la pire position sur la cuve (flux neutronique maximal) et selon la pire orientation. Par contre, les analyses de défauts détectés prennent en compte la position réelle du défaut.
Schéma d’un défaut longitudinal et d’un défaut circonférentiel dans la virole de coeur
Un calcul thermomécanique est réalisé pour chaque sollicitation thermohydraulique retenue avec deux méthodes, modèle 1D thermo-élastique linéaire ou 3D élastoplastique (méthode G-Thêta). La seconde méthode est utilisée pour les cas les plus pénalisants et a été jugée acceptable par l’IRSN (Avis IRSN-2018-00295).
Pour prévenir la rupture brutale de la cuve, le « chargement » vu par le défaut doit rester inférieur à la « capacité » du matériau à résister contre l’amorçage du défaut.
Dans la pratique, EDF évalue, pour chaque situation considérée, le facteur de marge R associé, qui est défini par :
où KIc est la ténacité vis-à-vis du risque de rupture par clivage (domaine fragile – transition), KJc la ténacité vis-à-vis du risque de déchirure ductile. Le coefficient de sécurité (CS) dépend du mode de rupture potentiel (par clivage ou par déchirure ductile) et de la catégorie du transitoire thermomécanique considéré. Le coefficient de sécurité est d’autant plus élevé que la probabilité d’occurrence de la situation est élevée. Il est présenté dans le tableau ci-dessous et issu du code RCC-M.
Coefficients de sécurité appliqués dans les analyses du risque de rupture brutale (RCC-M)
Si ce facteur de marge calculé R est supérieur à 1 pour les propriétés d’une cuve VD4 +10 ans et toutes les situations considérées, alors les défauts analysés— génériques ou détectés — ne risquent pas d’évoluer. Ceci permet d’affirmer que le risque de de rupture brutale de la cuve est écarté. |
L'IRSN a poursuivi son expertise des derniers éléments du dossier d'EDF en 2019 (Avis IRSN 2019-00221) ce qui lui a permis de conclure qu'EDF avait identifié et caractérisé les transitoires les plus pénalisants pour chaque catégorie de situation à laquelle un coefficient de sécurité est associé. L'IRSN a conclu dans cet avis que l'aptitude au service des cuves des réacteurs n°1 du Tricastin et n°2 du Bugey était démontrée jusqu'en VD4 + 10 ans mais que des compléments à cette démonstration étaient nécessaires pour les autres cuves.
Ces compléments ont fait l'objet d'une expertise par l'IRSN en 2020 (Avis IRSN 2020-00099 du 26 juin 2020). L'IRSN a estimé que la tenue en service des cuves des réacteurs de 900 MWe est démontrée jusqu'à VD4+10 ans moyennant, pour certaines cuves présentant des défauts ou des propriétés spécifiques, des compléments d'études attendus avant les 4èmes visites décennales de ces réacteurs.
En savoir plus :
Avis IRSN-2018-00295 du 8 novembre 2018.
Avis IRSN-2019-00221 du 2 octobre 2019
Avis IRSN 2020-00099 du 26 juin 2020
Questions
Quel retour d'expérience, français, européen, ou mondial possède-t-on dans le domaine du vieillissement de la cuve des réacteurs à eau sous pression et de leur tenue à l'irradiation ?
Réponse IRSN
Le retour d’expérience dans le domaine du vieillissement des équipements fait l’objet d’échanges dans différents cadre (AIEA, OCDE, exploitants, …) ou conférences (par exemple, le symposium international FONTEVRAUD, qui dispose d’une session dédiée sur le vieillissement des cuves).
Dans le cadre des dossiers de tenue à la rupture brutale des cuves françaises, l’exploitant EDF transmet à l’ASN et l’IRSN son analyse du retour d’expérience international.
Au niveau européen, l’IRSN participe via le réseau ETSON à des groupes de travail sur la tenue des cuves à l’irradiation (voir sur ce sujet le rapport ETSON 2018-0001 « Comparison of rules-making and practices concerning reactor pressure vessel integrity management »).
Les piscines d'entreposage de combustibles
Questions
Pourquoi les piscines sont-elles conçues avec moins de robustesse et de redondance, alors que les conséquences d'un accident peuvent y être potentiellement plus graves que certains accidents sur les réacteurs ? Pourquoi les piscines ne seraient-elles pas « bunkérisées » ?
Interrogations concernant le tube de transfert : le tube de transfert est inaccessible et pourrait se rompre (découvrement de la piscine) ?
Comment va être traitée la fragilité des piscines face aux agressions externes ?
Réponse IRSN
Les piscines d'entreposage des combustibles ont été conçues, en France, avec des dispositions de prévention d'un accident visant à exclure la possibilité d'un dénoyage (niveau d'eau inférieur au sommet d'un assemblage) prolongé des assemblages.
Les bâtiments qui abritent ces piscines ne sont donc pas conçus pour limiter drastiquement les rejets en cas d'accident de fusion du combustible. Sur l'EPR, ce bâtiment est bunkerisé de manière à réduire les conséquences d'une chute d'avion ce qui constitue une différence majeure avec les réacteurs de 900 MWe. Une bunkerisation n'est pas prévue par EDF dans son projet d'extension de la durée de fonctionnement de ces derniers.
Cette situation nécessite de porter une grande attention aux dispositions de prévention d'un dénoyage prolongé des assemblages dans ces piscines en considérant tous les initiateurs plausibles d'accident.
Lors du réexamen de sûreté conduit à l'occasion de la troisième visite décennale des réacteurs de 900 MWe, l'IRSN estimait nécessaire (en 2003) qu'EDF procède à des modifications de ses installations pour faire face à des scénarios de vidange de piscine jugés plausibles. L'accident de Fukushima a ensuite conduit à réexaminer des risques associés aux piscines dans le contexte d'agressions externes de forte amplitude et d'une défaillance long terme des sources électriques et de refroidissement.
La sûreté de l'entreposage et de la manutention du combustible fait partie des thèmes du réexamen de sûreté des réacteurs de 900 MWe associé à leur quatrième visite décennale (avis IRSN 2015-00098 du 25 mars 2015) avec plusieurs aspects : maîtrise des scénarios considérés pour l'EPR, robustesse aux agressions (séisme, chute d'avion, incendie, explosion interne, inondation …), efficacité du nouveau système de refroidissement mobile diversifié, contrôles en exploitation (étanchéité des piscines et tubes de transfert), maîtrise du risque de chute de charge … Le premier point est traité dans l'avis IRSN 2018-00217 du 30 juillet 2018. L'expertise des autres thèmes par l'IRSN est en cours.
Question
Comment sera-t-il répondu à la demande de l'ASN de limiter la densité des combustibles en piscine ? Le projet de réalisation d'un entreposage centralisé répondra-t-il à cette demande ?
Réponse IRSN
En premier lieu, la capacité d'évacuation des assemblages combustibles (nombre de transports réalisables et nombre de combustibles suffisamment refroidis) est le facteur qui influe notablement sur l'encombrement des piscines. Cela concerne la logistique des transports (routier et ferroviaire) et la conception des emballages.
La construction d'une piscine centralisée vise à maintenir dans la durée la capacité à évacuer les combustibles, la saturation des piscines de la Hague n'étant pas exclu à l'horizon 2030.
Sur le thème des accidents graves peuvent être consultés les avis IRSN n°2019-00051 du 13 mars 2019 et IRSN-2016-00211 du 22 juin 2016.
Question
Le réexamen de sûreté permet-il d'éliminer le risque d'accident nucléaire majeur ?
Réponse IRSN
Un réexamen de sûreté n'a pas vocation à éliminer le risque nucléaire majeur mais à le réduire autant que possible. La démarche suivie inclut l'identification des situations accidentelles contribuant aux risques de rejets importants et, le cas échéant, la définition de dispositions complémentaires.
Question
À la base de la doctrine de conduite en cas d'accident grave, a-t-on pris en compte la situation accidentelle où l'ensemble des réacteurs est en péril et non pas seulement un réacteur séparément des autres (REX Fukushima) ?
Réponse IRSN
Les évaluations complémentaires de sûreté initiées à la suite de l'accident de Fukushima visaient notamment à vérifier la capacité de chaque site nucléaire à faire face à une agression simultanée de toutes les installations nucléaires présentes sur le site. Elles ont abouti à mettre en œuvre à cet égard des renforcements des installations.
Pour l'accident grave, la démonstration d'EDF vise à démontrer sa capacité à faire face (y compris dans de telles conditions d'agressions) à un accident de fusion du cœur d'un des réacteurs, tout en restant capable de maintenir les autres dans un état sûr. Le niveau de rejets d'un accident grave « maîtrisé par les dispositions prévues » serait sans commune mesure avec celui survenu à Fukushima Daiichi. Les dispositions de gestion de crise (Force d'action rapide nucléaire (FARN), centre de crise local renforcé…) sont prévues pour apporter de la résilience (au-delà de la démonstration de sûreté).
Question
Les recombineurs d'hydrogène installés suite à l'accident de Three Mile Island, ont-ils la capacité à consommer l'hydrogène produit en cas de fusion du cœur ? Sont-ils compatibles avec le dispositif d'aspersion de l'enceinte ? Efficacité en situation dégradée ? Quelles sont les mesures prises pour assurer la disponibilité des équipements de mesures des paramètres de l'atmosphère de l'enceinte en cas de situation grave ?
Réponse IRSN
Les recombineurs d'hydrogène sont des dispositifs passifs installés dans l'enceinte de confinement des réacteurs et permettant, grâce à des plaques recouvertes d'un catalyseur, de transformer en vapeur l'hydrogène relâché en cas de fusion des assemblages combustible (voir la fiche de synthèse IRSN). Ils sont dimensionnés pour éviter une accumulation excessive dans l'enceinte de confinement. La vapeur d'eau présente dans l'enceinte peut "inerter" celle-ci vis-à-vis d'une combustion d'hydrogène (si la concentration d'hydrogène ou d'oxygène dans un gaz est suffisamment faible, il ne peut pas y avoir de phénomène explosif (combustion), le gaz est alors inerté).
Des précautions sont prises pour retarder le démarrage de l'aspersion dans l'enceinte (qui condense cette vapeur d'eau) et laisser le temps aux recombineurs de réduire préalablement la concentration d'hydrogène. La détection de la présence d'hydrogène dans l'enceinte est assurée par deux thermocouples (les plaques catalytiques des recombineurs d'hydrogène s'échauffent du fait de la réaction avec l'hydrogène ce qui permet la détection de sa présence) positionnés sur des plaques catalytiques de recombineurs d'hydrogène. Une mesure de pression dans l'enceinte donnerait une indication de la concentration de vapeur d'eau.
Question
Sur le dispositif U5 : quelle tenue au séisme, au risque d'explosion d'hydrogène ? Quelle efficacité à retenir les rejets radioactifs ?
Réponse IRSN
À la suite de l'accident de Fukushima, les dispositifs d'éventage-filtration doivent être renforcés par EDF au séisme SMHV (séisme maximal historiquement vraisemblable) (nota : initialement, les dispositions d'accident grave n'étaient pas conçues pour faire face à un accident initié par un séisme).
Question
Filtre U5 par réacteur ou pour deux réacteurs ?
Réponse IRSN
Le dispositif d'éventage-filtration est commun à une paire de réacteurs de 900 MWe. Les réacteurs de 1300 et 1450 MWe disposent chacun de leur propre dispositif.
Question
L’efficacité des recombineurs est réputée aléatoire dans deux cas de figure : en phase initiale de fusion du coeur (si la cinétique de recombinaison est insuffisante au regard de la cinétique de production d’hydrogène) et en cas de concentrations locales d’hydrogène dans des zones éloignées des recombineurs (si les concentrations sont supérieures au seuil d’inflammabilité). Des avancées sont-elles intervenues sur ce point ?
Réponse IRSN
Les recombineurs d’hydrogène ont été dimensionnés en tenant compte de la cinétique de relâchement d’hydrogène en cas d’accident grave et en tenant compte de l’homogénéisation de la concentration d’hydrogène dans l’enceinte de confinement. La pertinence de leur dimensionnement doit effectivement être vérifiée sur la base des dernières connaissances disponibles.
Le premier point de la question concerne en pratique des situations de fusion du coeur avec maintien d’une faible injection d’eau sur le coeur. Le débit d’eau serait insuffisant pour assurer le refroidissement du coeur mais pourrait favoriser la production d’hydrogène par oxydation des gaines du combustible. Les études de cette situation comportent beaucoup d’incertitude et les guides d’EDF préconisent actuellement le maintien des injections d’eau. Ces guides seront mis à jour par EDF pour tenir compte de l’installation des dispositions de stabilisation du corium lors des quatrièmes visites décennales. Cette mise à jour (non transmise par EDF), qui pourrait concerner la gestion des injections d’eau en cuve, n’a pas fait l’objet d’une expertise par l’IRSN.
Concernant le second point, il est admis que des inflammations localisées d’hydrogène sont possibles mais il doit être vérifié qu’elles ne risquent pas de dégrader l’étanchéité du confinement ou des équipements nécessaires à la gestion d’un accident grave. Cela fait partie des critères de dimensionnement des recombineurs. Des actions d’étude et recherche sont poursuivies par EDF ou par l’IRSN pour la modélisation de ces phénomènes. Le réexamen VD4 900 n’amène pas d’avancée significative sur ce sujet.
Question
Avec l’interaction entre le corium et le béton, et entre le corium et l’eau, lorsque l’on renoie ce corium, on va forcément avoir des grosses quantités de rejets d’hydrogène. Est-ce que l’on procède à un redimensionnement des recombineurs auto-catalytiques passifs ?
Réponse IRSN
Les modifications prévues par EDF dans le cadre du quatrième réexamen VD4 900 prévoient effectivement un renoyage du corium après étalement sur le radier. Les études réalisées par EDF, confirmées par celle de l’IRSN, concluent à l’absence d’augmentation du risque de défaillance du confinement par combustion d’hydrogène. Il n’est donc pas envisagé de redimensionnement des recombineurs d’hydrogène (voir l'avis IRSN n°2019-00051 du 13 mars 2019).
Question
Quel est le risque d'explosion de vapeur lors du renoyage de corium, qui entretient des températures très élevées ?
Réponse IRSN
Le risque de défaillance du confinement à la suite d’une explosion de vapeur dans la cuve est jugé faible : les études réalisées montrent que la cuve est capable de résister à cette situation.
Les modifications prévues par EDF dans le cadre des quatrièmes visites décennales vont assurer que le puits de cuve sera sec en cas de rupture de la cuve après fusion du coeur. Cela permettra de rendre résiduel le risque de défaillance du confinement par explosion de vapeur dans le puits de cuve.
Question
A Fukushima, le coeur a commencé à fondre au bout de 5 heures. Cela donnerait-il suffisamment de temps pour amener les équipes sur place ?
Réponse IRSN
Les dispositions de gestion d’un accident de fusion du coeur sont conçues pour que les équipes de conduite du site réalisent les premières actions de manière autonome. Deux actions immédiates sont prévues en cas de fusion du coeur (lorsque le réacteur est en puissance) : la dépressurisation du circuit primaire et la confirmation du bon isolement de l’enceinte de confinement. L’objectif est d’éviter des rejets radioactifs importants dès le début de la fusion du coeur, protéger les populations et les intervenants sur le site.
Le recours par EDF à des équipes externes tient compte de leur délai d’arrivée. L’avis IRSN n°2019-00051 du 13 mars 2019 aborde la question du délai d’arrivée de la Force d’action rapide nucléaire (FARN) pour des transitoires à cinétique rapide. Les équipes de la FARN seraient par exemple chargées de mettre en place une source froide (système SFu) permettant d’évacuer la chaleur hors de l’enceinte de confinement, avant atteinte de sa pression de dimensionnement. L’IRSN a recommandé que les situations pour lesquelles le délai disponible serait inférieur à 24 h fassent l’objet d’une attention particulière.
Question
Sur le "récupérateur de corium"
En termes d'expérience, les modélisations sont de l’ordre de quelques pourcents de la masse d'un coeur complet ; et les essais sont effectués sur des matériaux qui ne reconstituent pas totalement les conditions réelles du matériau radioactif. On a par ailleurs malheureusement des expériences grandeur réelle, où le REX nous démontre que l'on est assez démunis pour comprendre la manière dont le système s'est comporté. On est face à un système extrêmement complexe, sensible à de multiples facteurs. Quel est l’ordre de grandeur des incertitudes sur le comportement du système dans toute sa complexité ? Quel est l’ordre de grandeur en termes de marges que les dispositions présentent vis-à-vis d’effets falaise qui les rendraient inopérantes par rapport aux objectifs visés ?
Réponse IRSN
La démonstration de l’efficacité du « récupérateur de corium » repose sur des données expérimentales (effectivement assez éloignées d’une situation réelle) et sur la mise en oeuvre de modélisations et outils de simulation permettant d’appréhender les phénomènes dans toutes leurs dimensions.
L’appréciation de l’efficacité du « récupérateur de corium » est obtenue par le calcul de la profondeur de béton érodé par le corium avant sa stabilisation. Cette profondeur dépend de la composition du béton du radier. Trois familles de béton sont distinguées par EDF (silico-calcaire, siliceux, très siliceux). L’IRSN considère que la démonstration d’un non-percement du radier est acquise pour les radiers coulés avec du béton silico-calcaire et siliceux mais pas pour les radiers coulés avec des bétons très siliceux. L’IRSN recommande un épaississement de ces radiers très siliceux avec un béton silico-calcaire (voir l'avis IRSN n°2019-00051 du 13 mars 2019).
La prise en compte des effets du réchauffement climatique,
la protection contre les événements climatiques extrêmes, la protection contre les inondations externes
Une synthèse de l’expertise menée par l’IRSN sur le thème des agressions est disponible dans l’avis IRSN 2019-00019 du 6 février 2019.
Question
Les modèles d'évolution du climat prédisent (en cas de doublement de la concentration de CO2 dans l'atmosphère (prévu en 2050) :
- une diminution (significative -> ~30 %) des débits moyens annuels de la Loire, de la Seine, de la Garonne et du Rhône ; une augmentation possible du débit du Rhône en hiver ;
- une augmentation du niveau marin (site du Blayais et de Gravelines jugés préoccupants).
Si ces scénarios environnementaux se produisaient, quid des mesures qui seraient prises pour anticiper et/ou gérer les différentes situations auxquelles seraient confrontés les gestionnaires des sites nucléaires concernés ?
Les effets des changements climatiques sur la sûreté sont-ils pris en compte (ex. des falaises qui reculent…) ?
Réponse IRSN
Des procédures d'alerte et/ou des dispositions de conduite sont prévues si une situation climatique exceptionnelle (événement ponctuel telle qu'une crue ou une tempête) apparait (risque de submersion d'une plateforme d'un site, diminution/augmentation du débit d'un fleuve…).
Un des objectifs des réexamens de sûreté est la mise à jour (tous les 10 ans) des données relatives à l'environnement de chaque site. Les études de sûreté sont alors reprises en tant que de besoin et peuvent montrer la nécessité de renforcer les installations pour faire face aux risques climatiques (par exemple une montée des eaux liés au changement climatique).
L’IRSN a examiné la démarche de veille climatique réalisée par EDF qui répond, dans le principe à la demande de l’ASN de se baser sur l’état des connaissances scientifiques les plus récentes (voir avis IRSN 2019-00019). L’IRSN estime toutefois qu’EDF doit déclencher une analyse approfondie pour « chaque événement climatique majeur » correspondant à une période de retour estimée centennale.
Question
Les centrales sont-elles en totale sécurité et sûreté face aux risques d’agressions (origine naturelle) en tout genre ?
Réponse IRSN
Dans le cadre du réexamen de sûreté, chaque centrale fait l’objet d’une réévaluation des risques induits par les agressions d’origine naturelle et le cas échéant de renforcements. À la suite de l’accident de Fukushima, un noyau dur d’équipements, nouveaux ou existants, permettra à chaque centrale de faire face à des agressions naturelles d’amplitudes supérieures à celles retenues pour le dimensionnement.
Les visites décennales VD4 900 permettront de renforcer la robustesse des réacteurs de 900 MWe. L’expertise de l’IRSN (avis IRSN 2019-00019) met en évidence l’ampleur des actions d’EDF sur le thème de la maîtrise des agressions mais souligne également l’importance des compléments attendus de la part d’EDF pour finaliser les démonstrations de sûreté relatives à certaines agressions et pour permettre de justifier le caractère suffisant des dispositions de protection associées.
Question
Interrogations sur les thématiques des « grands chauds » et « grands froids » : prise en compte d’une sécheresse en plus des fortes chaleurs, REX montrant des dépassement des intervalles de températures prévus à la conception (-15°C / +30°C), site « coupé du monde » lors d’un épisode neigeux (comme en 2003 pour le Nord-Cotentin, ce qui a posé des problèmes d’accès des pompiers, un manque de nourriture, de lits…).
Réponse IRSN
Le thème de la protection des sites électronucléaires contre les événements climatiques extrêmes est inclus dans le réexamen VD4 900 avec une réévaluation des conditions devant être pris en compte (veille climatique) et des renforcements liés à la prise en compte de l’accident de Fukushima (situations extrêmes).
L’association des régulateurs européens WENRA préconise de retenir l’amplitude d’agressions externes d’origine naturelle correspondant à une période de retour de 10 000 ans (fréquence annuelle inférieure à 10-4). L’ASN a demandé à EDF de positionner les aléas de dimensionnement retenus au stade de la VD4-900 par rapport à cette cible et de justifier la capacité des installations à faire face à des niveaux d’agressions significativement supérieurs aux aléas de dimensionnement lorsque leur période de retour n’est pas à la cible.
L’avis IRSN 2019-00019 présente les conclusions de l’expertise de l’IRSN sur ces sujets (grand vents, foudre et interférences électromagnétiques externes , grands chauds, grands froids).
Concernant la possibilité qu’un site soit isolé, EDF a développé, à la suite de l’accident de Fukushima, des moyens d’intervention en situation extrême (notamment la FARN, Force d’action rapide nucléaire). L’avis IRSN-2018-00178 du 29 juin 2018 présente une expertise de l’IRSN sur ce sujet.
Cas particulier des grands chauds
En France, lors des vagues de chaleur de 2003 puis de 2006, les températures de l'air et de l'eau observées ont dépassé celles retenues à la conception des réacteurs électronucléaires. EDF a alors élaboré un référentiel « grands chauds » visant à vérifier, pour chaque palier, le bon fonctionnement des équipements importants pour la sûreté à des températures de l'air et de l'eau plus élevées, en tenant compte du réchauffement climatique. Cette vérification est menée pour les situations de fonctionnement normal, incidentel et accidentel des réacteurs, d'une part en régime permanent (redimensionnement), d'autre part dans des situations exceptionnellement chaudes (agression canicule).
Durant l'été 2019, la France a été touchée par deux vagues de chaleur, en juin et juillet, exceptionnelles par leur intensité. Lors de l'épisode de juin, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a demandé à EDF de réaliser des campagnes de mesures des températures extérieures sur site et dans certains locaux contenant des matériels importants pour la sûreté. Les résultats de ces mesures ont été transmis pour neuf sites.
En décembre 2019, l'ASN a souhaité recueillir l'avis de l'IRSN sur :
- les premiers enseignements pouvant être tirés des épisodes caniculaires de 2019, ainsi que sur les besoins de mesures complémentaires et de surveillance des installations à mettre en œuvre pendant les périodes de forte chaleur ;
- l'aléa retenu dans le référentiel « grands chauds » en agression canicule, sur la base des données recueillies par l'IRSN (données Météo France en particulier) relatives aux épisodes caniculaires de juin et juillet 2019 ;
- l'éventuel impact des températures élevées sur le fonctionnement et la durée de vie des matériels importants pour la sûreté ;
- l'éventuelle remise en cause d'hypothèses ou de résultats des études thermiques.
L'IRSN a rendu publique une version illustrée et commentée de son avis 2020-00010 du 23 janvier 2020 « Réacteurs EDF - Grand Chaud - Retour d'expérience de la canicule de l'été 2019 ».
De manière plus spécifique les avis IRSN 2020-00016 du 31/01/2020 et IRSN 2020-00052 du 27 mars 2020 présentent la position de l'IRSN sur la capacité des groupes électrogènes de secours des réacteurs de 900 MWe à fonctionner en situation de grand chaud.
Question
Modifications concernant la prise en compte du risque d’inondation, effectuées à des dates différentes y compris concernant un même bassin versant (concernant la Loire par exemple, la rupture d’un barrage situé en amont n’est pas prise en compte pour la centrale de Chinon, alors qu’il l’est pour la centrale de Belleville).
Réponse IRSN
Pour définir les protections d’un site fluvial, EDF doit rechercher le barrage dont la rupture entrainerait le niveau d'eau le plus haut sur le site considéré ; ce niveau est comparé à d'autres scénarios d'inondation (crue millénale majorée de 15 %, ...) et le cas le plus contraignant est retenu.
Pour les sites de Chinon et de Belleville, le cas le plus contraignant est la crue millénale majorée de 15 %. Pour le site de Belleville, le scénario "rupture de barrage" entrainerait des niveaux d'eau proche de la crue millénale et est donc également présenté. Pour le site de Chinon, le cas contraignant est une crue qui cumule les effets de la Vienne et de la Loire.
Question
Comment est prise en compte l’élévation du niveau de la mer ?
Réponse IRSN
Les règles à suivre ont été définies dans le guide ASN N°13 « Protection des installations nucléaires de base contre les inondations externes » qui est progressivement mis en application par EDF sur tous les sites électronucléaires.
Ce guide précise notamment que « le niveau marin haut de référence est la somme conventionnelle :
- du niveau maximal de la marée théorique ;
- de la surcote millénale (borne supérieure de l’intervalle de confiance à 70 %), majorée pour tenir compte des incertitudes sur l’évaluation des surcotes rares résultant des horsains*;
- de l’évolution du niveau marin moyen extrapolée jusqu’au prochain réexamen de sûreté.
[…] De plus, le niveau marin haut de référence prend en compte le risque de seiche** […].
Le calcul des surcotes millénales par les lois d’ajustement classiques à une échelle locale ne permet pas actuellement de rendre compte de façon satisfaisante d’événements exceptionnels (horsains) observés à plusieurs stations de mesure. Une majoration complémentaire, de 1 m, du niveau marin de référence est alors appliquée pour en tenir compte. L’utilisation d’une autre approche pour le calcul de la surcote millénale, par exemple fondée sur une analyse régionale, est possible sous réserve de montrer le caractère adapté du modèle d’extrapolation statistique utilisé et sa justesse pour les horsains observés en différentes stations de mesure.
*Horsain : observation dont la valeur s’écarte significativement de celles des autres observations dans un même échantillon de données.
**Seiche : onde stationnaire qui peut se manifester dans des plans d'eau fermés ou semi-fermés tels qu'un port, un bassin, un lac ou une baie. Si la période de la seiche coïncide avec la période de résonance du bassin, elle peut être amplifiée par résonance à l’intérieur du bassin. Ce balancement peut se poursuivre même lorsque le phénomène initiateur a disparu. Dans ce cas, il n’y a pas lieu d’appliquer une majoration complémentaire ».
L’IRSN a, à ce stade, plus particulièrement examiné l’application du guide par EDF pour les sites du Blayais et de Gravelines (voir avis IRSN 2019-00019).
Nota : pour ces sites, le niveau de référence est majoré de 20 cm au titre du réchauffement climatique (ce qui est cohérent avec les prévisions du GIEC) et de 50 cm pour les équipements du noyau dur).
Ces renforcements seront présentés par EDF, pour chaque réacteur, dans le rapport de conclusion de réexamen.