Composante radiologique de l’exposome

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10/02/2021

Contexte


Historiquement, les démarches de recherche et d'évaluation des risques en santé environnementale ont visé à évaluer l'influence sur la santé d'un facteur de risque environnemental, considéré indépendamment de l'influence des autres. Cette situation n'est pas celle de la « vie réelle » où les expositions à de multiples facteurs de risques environnementaux sont simultanées. Ceux-ci sont de natures chimiques, physiques ou biologiques. Les expositions sont plus ou moins fortement influencées par les modes de vie (alimentation, addictions, mobilités…), eux-mêmes fortement conditionnés par le contexte socio-économique. Par ailleurs, des expositions à un même facteur de risque environnemental peuvent survenir via des sources et des voies d'exposition différentes ; ce sont également des situations qualifiées de « multi-expositions » ou « d'expositions complexes ». L'intégration de ces multi-expositions et des modifications biologiques qu'elles génèrent dans les organismes tout au long de leur vie est à l'origine du concept d'exposome, proposé par Christopher Wild[1] en 2005. L'objectif initial du concept d'exposome est l'appréhension des situations d'expositions complexes, dans le but d'une utilisation en épidémiologie et santé publique afin d'éclairer les causes des cancers et autres maladies chroniques et in fine de prévenir ces maladies.

Si certains travaux de recherche ont pu documenter des exemples de synergies ou d'antagonismes suite à des expositions conjointes à différents agents environnementaux, les effets sanitaires d'expositions en mélanges demeurent mal caractérisés. C'est pourquoi les recherches visant à améliorer la caractérisation d'effets d'expositions complexes, en particulier l'étude des voies de toxicité (AOP pour Adverse Outcome Pathway), sont en plein développement. Ces travaux sont par nature pluridisciplinaires (expologie, modélisation mathématique, biologie des systèmes, épidémiologie, recherche expérimentale…).


Objectif


Pour ce qui concerne le développement de recherches sur l'exposome à l'IRSN, les enjeux principaux sont de pouvoir, en cas d'expositions complexes conjointes à la radioactivité et à d'autres stresseurs : 1) s'affranchir de l'influence de potentiels biais de confusion, 2) mieux appréhender les potentielles interactions entre expositions radiologiques et expositions à d'autres stresseurs (pour l'instant, seules les interactions entre exposition au radon et tabagisme sur le risque de cancer du poumon sont raisonnablement bien quantifiées), 3) mettre en perspective ou mieux positionner les effets biologiques et sanitaires de l'exposition aux rayonnements ionisants par rapport à ceux associés à d'autres facteurs de risque et 4) mieux appréhender la temporalité des relations expositions-risques.

Il convient pour ce faire de concevoir puis de mettre en œuvre des projets de recherche transverses et pluridisciplinaires sur ces thématiques, impliquant non seulement différentes équipes au sein de l'IRSN mais également des équipes extérieures.


Approche


Afin de pouvoir faire émerger de nouveaux projets pour mieux comprendre et caractériser l'influence des rayonnements ionisants au sein de l'exposome, y compris en utilisant des démarches d'épidémiologie (potentiellement moléculaire) et d'AOP, un groupe de travail (GT) pluridisciplinaire exposome-AOP à forte transversalité environnement/santé a été créé en mai 2018. Il est copiloté par le Laboratoire d'Epidémiologie des rayonnements ionisants (LEPID) et le Laboratoire d'écotoxicologie des radionucléides (LECO) de l'IRSN. Des discussions entre membres représentant les diverses compétences du GT exposome, des échelles fondamentales (interactions rayonnements/matière, chimie) aux impacts multi-échelles (biologie des systèmes) sur les écosystèmes et la santé humaine, mais également une ouverture active vers des acteurs externes (invitation à des séminaires, participation à des événements extérieurs), ont permis de faire émerger de nouvelles idées et in fine de nouveaux projets de recherche.


Résultats obtenus


Un premier projet concerne l'étude des expositions aux rayonnements ionisants « vie entière » intégrant les influences de différentes sources d'expositions qu'elles soient d'origines environnementales, médicales, voire, pour une fraction limitée de participants, professionnelles, au sein de la Cohorte Constances[2] (200 000 adultes en population générale) gérée par l'Inserm[3] et l'Université Versailles-Saint-Quentin. Constances documente de nombreux autres facteurs de risque constitutifs de l'« exposome externe », ainsi qu'une biobanque incluant 85 000 personnes, qui permettra à terme l'étude de l'exposome interne.

D'autres projets collaboratifs dédiés aux situations de multi-expositions dans lesquels le GT exposome s'est investi sont liés à une initiative intitulée ORRCH[4] (coordonné par l'association ALLISS[5]). ORRCH organise l'orientation pluraliste de la recherche sur les risques chroniques. Cette initiative fédère des participants représentant une quarantaine d'entités des mondes académique, institutionnel et associatif. Les travaux du GT composé d'institutionnels (IRSN, INRAe[6], Inserm, Ineris[7]…) et d'organisations non gouvernementales (ANCCLI[8], France Nature Environnement, Ligue contre le cancer, UNCPIE[9], SFSE[10], Institut Ecocitoyen...) ont retenu quatre axes de travail prioritaires, parmi lesquels figurent la « déclinaison opérationnelle du concept d'exposome » et l'« approche de co-design de projets de recherche entre acteurs institutionnels et société civile ». L'incubation collective de projets de recherche était encore en cours fin 2019.

Toutefois, afin de préparer utilement la co-construction opérationnelle de projets de recherche, l'IRSN a pris l'initiative d'initier début 2019 le projet LILAS piloté par le LEPID et associant plusieurs parties prenantes (UNCPIE, ANCCLI, France Nature Environnement, SFSE, Institut Ecocitoyen, Ligue contre le Cancer, Inserm, Ineris, INRAe, EHESP[11], Université Sorbonne-Paris-Cité, INCa[12], ADEME[13], Inria[14], France Living Labs), dont certaines sont également impliquée dans ORRCH. LILAS vise à soutenir la co-construction de futurs projets de recherche issus d'ORRCH, plus particulièrement sur les plans méthodologiques et de la préparation à l'acculturation croisée entre différents acteurs. Le projet LILAS a spécifiquement pour but de faire avancer les réflexions sur les aspects suivants :

  • élaboration d'un protocole général des projets participatifs : clarification du concept de « Living lab » et évaluation de son applicabilité à la recherche sur les effets des expositions environnementales chroniques et risques associés ;
  • identification commune des prérequis méthodologiques propres à différents designs d'études spécifiques visant à répondre à des questions de recherches ciblées (ex : caractérisation d'expositions environnementales, épidémiologie, prédiction d'impacts sanitaires, interventions dans le but de réduire des expositions…). Le projet vise également à identifier collectivement des forces et limites de ces approches ;
  • approfondissement des stratégies pour la déclinaison opérationnelle du concept d'exposome dans les projets de recherche ;
  • compréhension mutuelle (comment favoriser les échanges entre acteurs, y compris sur les contraintes propres aux méthodes visant à répondre à différentes questions de recherche, ce afin d'éviter les décalages entre attentes créées et capacités des études à répondre aux questions, sur la notion d'exposome…) : production de documents synthétiques visant à faciliter l'acculturation croisée dans les futurs projets.

Ces réflexions sont nourries par les échanges entre les experts participant au projet LILAS, mais également via des prises de contacts avec des experts extérieurs et par la réalisation d'une recherche bibliographique sur les approches participatives en santé environnementale.


Conclusion


Le GT exposome a d'ores et déjà permis de faire émerger des projets de recherche novateurs. Par ailleurs, d'autres projets issus du GT exposome sont en cours de reflexion (AOP cancer du poumon, effets rénaux, effets neurologiques et/ou leucémies, participation au projet européen EIRENE,).



[1] Wild CP. Complementing the genome with an "exposome": The outstanding challenge of environmental exposure measurement in molecular epidemiology. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 2005; 14(8):1847-50.

[2] https://www.constances.fr/

[3] Institut national de la santé et de la recherche médicale

[4] Orientation pluraliste de la Recherche sur les Risques CHroniques

[5] Alliance Sciences Sociétés

[6] Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement

[7] Institut national de l'environnement industriel et des risques

[8] Association Nationale des Comités et Commissions Locales d'Information

[9] Union nationale des Centres Permanents d'Initiatives pour l'Environnement

[10] Société francophone de santé et environnement

[11] École des hautes études en santé publique

[12] Institut National du Cancer

[13] Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

[14] Institut national de recherche en sciences du numérique

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Laboratoire IRSN impliqué :