Cohorte O'RICAMs - Étude du risque de cancer radio-induit chez les professionnels de santé
Le risque de cancer radio-induit est bien établi pour de fortes doses de rayonnements ionisants, mais reste discuté pour des doses plus faibles (UNSCEAR, 2008). Dans le milieu médical, si l'exposition aux rayonnements ionisants des personnels a globalement largement diminué au cours du temps, certains professionnels médicaux (radiologues, manipulateurs en radiologie, médecins nucléaires...) restent néanmoins soumis à des expositions répétées à de faibles doses de rayonnements ionisants dans le cadre de leur travail. Or, certains professionnels restent encore relativement mal protégés, comme les cardiologues et radiologues interventionnels qui utilisent les rayonnements ionisants au cours de procédures nécessitant leur présence auprès du patient (Linet et al., 2010). Des excès de risques de cataractes, associés à l'exposition professionnelle aux rayonnements ionisants, ont d'ailleurs été observés dans ces populations (Vano et al., 2010 ; Jacob et al., 2013).
De grandes cohortes de professionnels médicaux existent dans différents pays (Canada, Chine, Danemark, Etats-Unis, Japon, République de Corée, Royaume-Uni) ; des risques de cancer associés aux expositions reçues dans les années les plus anciennes, lorsque les doses étaient les plus élevées, ont été mis en évidence grâce au suivi de ces cohortes (Chartier et al., 2020). Cependant, il n'existait pas de telles études récentes en France. Pourtant, sur l'ensemble des 395 040 travailleurs surveillés[1] pour leur exposition professionnelle aux rayonnements ionisants en 2019, 58 % étaient du domaine médical ou vétérinaire.[2]
Le Laboratoire d'épidémiologie des rayonnements ionisants (LEPID) de l'IRSN, en collaboration avec le Bureau d'analyse et de suivi des expositions professionnelles (BASEP) a mis en place une cohorte de professionnels de santé surveillés pour leur exposition aux rayonnements ionisants : la cohorte ORICAMs (pour Occupational Radiation-Induced Cancer in Medical staff). L'étude de cette cohorte vise à évaluer le risque de décès par cancer et maladie non cancéreuse chez le personnel médical en France.
La cohorte ORICAMs est une cohorte longitudinale de professionnels de santé exposés aux rayonnements ionisants et suivis dans le Système d'Information de la Surveillance de l'Exposition aux Rayonnements Ionisants (SISERI, IRSN). La cohorte comprend tous les professionnels de santé qui ont bénéficié d'au moins un suivi dosimétrique durant la période d'inclusion de l'étude qui s'étend du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2012 ; ont été exclues les personnes travaillant en dehors du secteur médical, celles dont les données administratives seraient insuffisantes pour obtenir leur statut vital et celles dont le dernier enregistrement dans SISERI est antérieur à 2002. Les études réalisées au sein de la cohorte étant conduites à des fins scientifiques, elles font l'objet d'une déclaration à la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL[3], demande d'autorisation n° 912327 et décision DR-2012-567 du 03 décembre 2013).
Principaux résultats
Le statut vital des personnels médicaux inclus dans ORICAMs a été obtenu par croisement avec le Répertoire National d'Identification des Personnes Physiques (RNIPP) de l'Insee[4] sur la période 2002-2014. Les causes de décès ont ensuite été obtenues auprès du Centre d'épidémiologie sur les causes médicales de Décès (CépiDc) de l'Inserm[5]. Des informations sur la profession et les coordonnées du lieu de travail pour les médecins, pharmaciens, chirurgiens-dentistes et sages-femmes ont été apportées par le Répertoire Partagé des Professionnels de Santé (RPPS[6]) et par la base ADELI[7] (Automatisation DEs Listes) pour les auxiliaires médicaux, incluant les manipulateurs en radiologie et les infirmières. Une comparaison de la mortalité dans la cohorte par rapport à celle de la population générale française est en cours.
Perspectives
Plusieurs études ont rapporté une augmentation du risque de tumeur cérébrale possiblement associée à l'exposition professionnelle aux rayonnements ionisants chez des personnels médicaux (Roguin et al., 2012). Une étude cas-témoins nichée dans la cohorte ORICAMs sera menée afin d'étudier le risque de décès par cancer du cerveau chez les professionnels de santé exposés aux rayonnements ionisants en fonction de leur poste de travail. Cette étude française contribuera à l'étude internationale BECOME qui vise à assembler les données de trois études cas-témoins respectivement nichées dans les cohortes française, coréenne et américaine de personnels médicaux exposés aux rayonnements ionisants pour étudier le risque de décès par cancer du cerveau.
Financement : IRSN
Information CNIL pour les personnes incluses dans l'étude ORICAMs Conformément aux dispositions des articles 15 à 21 du règlement général sur la protection des données (RGPD), vous disposez d'un droit d'accès, de rectification, de limitation du traitement, d'effacement ou de portabilité des données vous concernant. Vous disposez également d'un droit d'opposition au traitement ou à la transmission des données vous concernant. En cas d'opposition, les données vous concernant cesseront de faire partie de l'étude et seront détruites. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de l'IRSN à l'adresse e-mail : donnees.personnelles@irsn.fr |
[1] En France, les résultats des mesures individuelles de l'exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants sont centralisés et conservés dans le Système d'Information de la Surveillance de l'Exposition aux Rayonnements Ionisants (SISERI) tenu par l'IRSN.
[2] La radioprotection des travailleurs. Exposition professionnelle aux rayonnements ionisants en France : Bilan 2019. Rapport IRSN / 2020-00482. Fontenay-aux-Roses, 2020.
[3] Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés
[4] Institut national de la statistique et des études économiques
[5] Institut national de la santé et de la recherche médicale
[6] registre référençant certaines catégories de professionnels de santé en France, développé par l'État en collaboration avec l'Assurance maladie et diverses organisations professionnelles telles que le Conseil national de l'Ordre des médecins.
[7] Le répertoire Adeli est le système d'information national portant sur les professionnels de santé qui ne sont pas déjà dans le RPPS. L'inscription au fichier Adeli est une étape obligatoire pour démarrer l'activité professionnelle.
- Chartier H, Fassier P, Leuraud K, Jacob S, Baudin C, Laurier D, Bernier M-O. Occupational low-dose irradiation and cancer risk among medical radiation workers. Occup Med 2020; 70:476–484.
- Jacob S, Boveda S, Bar O, Brézin A, Maccia C, Laurier D, Bernier M-O. Interventional cardiologists and risk of radiation-induced cataract: results of a French multicenter observational study. Int J Cardiol 2013; 167(5):1843-1847.
- Linet MS, Kim KP, Miller DL, Kleinerman RA, Simon SL, De Gonzalez AB. Historical review of occupational exposures and cancer risks in medical radiation workers. Radiat Res 2010; 174(6):793-808.
- Roguin A, Goldstein J, Bar O. Brain tumours among interventional cardiologists: A cause for alarm? Report of four new cases from two cities and a review of the literature. EuroIntervention 2012; 7(9): 1081‑1086.
- UNSCEAR. Effects of ionizing radiation. UNSCEAR 2006 Report to the General Assembly with Scientific Annexes. Vol. I, Annex A. Epidemiological studies of radiation and cancer. United Nations, New York 2008.
- Vano E, Kleiman NJ, Duran A, Rehani MM, Echeverri D, Cabrera M. Radiation cataract risk in interventional cardiology personnel. Radiat Res 2010; 174(4):490-495.