Savoir et comprendre
Résumé
Les déchets radioactifs résultant de l’accident de Tchernobyl
23/04/2021
Etat des lieux – Mars 2021
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L’accident survenu le 26 avril 1986 sur le réacteur n°4 de la centrale de Tchernobyl a provoqué un rejet massif d’éléments radioactifs dans l’environnement sous forme de gaz, de particules de combustibles et d’aérosols. Les travaux de décontamination engagés dans l’urgence autour de la centrale accidentée ont généré de grandes quantités de déchets radioactifs (près de deux millions de mètres cubes de végétaux, sols, matériaux de construction, équipements divers, etc.) qui ont été disposés dans la zone d’exclusion autour du réacteur accidenté.
Les déchets ont été gérés en fonction de leur niveau d’activité. Les déchets de moyenne et haute activité (104 Bq/g à plus de 106 Bq/g) ont été majoritairement entreposés dans des casemates en béton (installation de Podlesny par exemple, voir Figure 1) ou stockés dans des tranchées à fond étanche recouvertes d’une couverture argileuse (installation de Buriakovka, voir Figure 1). Ces deux types d’installation font l’objet d’un contrôle radiologique. Leurs caractéristiques et les inventaires de déchets qu’ils contiennent sont présentés dans le Tableau 1 ; leur localisation est indiquée sur la Figure 2.
Des aménagements récents ont eu lieu sur ces installations. Par exemple, un nouveau système de drainage des eaux et huit nouveaux puits de surveillance des eaux souterraines ont été construits autour de l’installation Podlesny en 2012, et en 2018-2019, des caractérisations complémentaires ont été entreprises pour spécifier les caractéristiques radiologiques et physiques des déchets. De nouvelles barrières ouvragées ont été construites sur l’installation ChNPP stage III et le système de surveillance a été amélioré en 2016. Enfin, le stockage en tranchées de Buriakovka a atteint sa capacité initiale (30 tranchées) et une autorisation a été délivrée en 2019 pour la construction de six nouvelles tranchées.
D’autres installations de gestion des déchets sont en cours de construction dans la zone d’exclusion sur le site de Vektor. Il s’agit d’un entreposage de sources scellées usagées et d’un stockage de déchets radioactifs solides, qui est destiné à accueillir des déchets de la centrale de Tchernobyl actuellement en exploitation, mais aussi d’autres centrales ukrainiennes.
Par ailleurs, dans la zone de 10 km autour de la centrale nucléaire de Tchernobyl, deux autres installations sont en cours réalisation pour l’entreposage à sec d’assemblages combustibles usés provenant de réacteurs de type VVER-1000 et VVER-440 (16 529 assemblages combustibles) et pour l’entreposage de déchets vitrifiés de haute activité provenant du retraitement des assemblages combustibles usés en Russie.
Les déchets de faible et moyenne activité (entre 102 et 104 Bq/g), constitués de sols, de bois et de matériaux de construction contaminés ont quant à eux été stockés sous forme de tumulus ou, le plus souvent, enfouis dans des tranchées réparties sur 9 sites dans un rayon de 10 km autour du réacteur accidenté (Yaniv Station, Naftobaza, Pischane Plato, Rudyy Lis, Stara Budbaza, Nova Budbaza, Prypiat, Kopachi et Chystohalivka). Ces 9 sites sont appelés « Raw Interim Confinment Sites » (RICS) et sont localisés dans les zones colorées en rose sur la Figure 2. Ainsi, de 1986 à 1987, entre 800 et 1000 tranchées ont été creusées dans les sables éoliens et recouvertes d’une couche de sable de 20 à 50 cm d’épaisseur. Ces tranchées mesurent en général 2 à 4 m de profondeur, quelques mètres de largeur et quelques centaines de mètres de longueur. Le volume des déchets radioactifs enfouis est estimé à environ un million de mètres cubes, pour une activité totale de 2.1015 Bq.
Plusieurs actions sont en cours sur ces tranchées. Il s’agit notamment d’opérations de recensement pour préciser les localisations des tranchées et les inventaires de déchets, ainsi que d’opérations de maintenance. De plus, certaines tranchées, présentant le plus de risque pour les travailleurs dans la zone d’exclusion et pour l’environnement, ont été vidées. Ainsi, en 2020, 7 700 m3 de déchets ont été retirés des tranchées et stockés, notamment sur l’installation de Buriakovka.
La plupart des tranchées d’enfouissement de déchets de faible activité ne présentent pas de structure étanche ou de barrière efficace contre la migration des polluants radioactifs. De fait, une migration progressive des radionucléides dans les eaux souterraines a été détectée à partir des années 1990.
Les recherches de l’IRSN relatives à la mobilité de radionucléides dans les sols et les eaux souterraines sur ces sites, menées à partir de 1999 en collaboration avec des instituts ukrainiens (IGS1 , UIAR2 ), se sont concentrées sur une tranchée instrumentée sur le site de Rudyy Lis (tranchée T22 du projet pilote EPIC – Experimental Platform in Chernobyl), située à 2,5 kilomètres à l’ouest du réacteur accidenté (voir Figure 3 et Figure 4). L’ensemble des données acquises a été utilisé en entrée de modèles simulant le transfert du 90Sr vers la nappe en considérant différentes conditions d’écoulement (Bugai et al., 2012a ; Nguyen, 2017). Les vitesses de migration du 90Sr estimées sont de l’ordre du mètre par an dans les années 1990, puis diminuent au cours des années 2000 pour atteindre quelques dizaines de centimètres par an. Cependant, ces modèles ne parviennent pas à refléter certaines mesures d’activité réalisées dans les eaux souterraines. L’impact de phénomènes saisonniers sur les principaux processus régissant le transfert du 90Sr vers la nappe pourrait être significatif, notamment sur la percolation des eaux à travers la tranchée et sur les déplacements d’eau horizontaux à la base de la tranchée, en lien avec les fluctuations piézométriques de la nappe. La présence de 90Sr dans la végétation sur le site témoigne en outre d’un transfert du 90Sr du sol vers la végétation, ce qui pourrait expliquer certaines variations d’activités en 90Sr observées dans les eaux souterraines.
D’autres observations et études montrent que le plutonium, migre dans la nappe à une vitesse similaire à celle du strontium. Le 137Cs pour sa part est extrêmement ralenti du fait de sa fixation sur le substrat et ne se déplace qu’à une vitesse inférieure au centimètre par an. Les racines des plantes parviennent toutefois à capter une partie de ce 137Cs fixé, ainsi qu’il a été observé et quantifié.
Ainsi, le site pilote de la T22 apparaît particulièrement approprié pour étudier le devenir de l’activité présente dans ce type de tranchées face aux changements climatiques et/ou à l’évolution des couvertures du fait (i) d’un terme source caractérisé ; (ii) d’un contexte hydrogéologique peu complexe et largement décrit ; (iii) de phénomènes transitoires marqués sur une période relativement courte.
Notes :
- Institute of Geological Sciences
- Ukranian Institute of Agricultural Radiology